30/09/2021

Mépriser les victimes des clercs pédocriminels (27ème dimanche du temps)

L’Eglise de France va vivre mardi prochain 5 octobre un nouvel épisode, dramatique, de la crise de la pédocriinalité. La Ciase, Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise [catholique] va remettre le rapport que la Conférence des évêques de France et la Conférence des religieux et religieuses de France lui ont commandé.

La pédocriminalité doit être comprise pour ce qu’elle est, une destruction, un handicap irréversible, et rejetée, dénoncée, sans aucune autre limite que celle de la recherche de la vérité, dans les familles où l’inceste est encore trop systématiquement tu et occulté, dans toutes les autres situations, notamment les clubs sportifs, et bien sûr dans l’Eglise.

Lorsque des prêtres se rendent coupables de pareils crimes, lorsque les communautés et les supérieurs ou les confrères dissimulent ces crimes, les victimes sont non seulement violées ou abusées sexuellement ; l’ordre de l’amour, la pratique de l’amour est rendu grandement impossible ; mais encore, tout ce qui touche aux relations humaines et ce qui les fonde, et tout ce qui touche à l’évangile est réduit à un mensonge. Si certaines victimes peuvent encore croire en Dieu, c’est qu’elles ont trouvé en lui vers qui crier l’indicible.

Il n’y a pas de solution magique, efficace à cent pour cent, pour que ces crimes, comme toutes les autres violences, soient définitivement éradiqués. Tout ce qui pourra être fait ne sera jamais superflu, dans l’éducation des enfants, dans la prise de conscience de l’ampleur du crime, dans la réforme de l’Eglise, dans le choix des candidats au presbytérat et à l’épiscopat, etc. Les narcissiques plus ou moins pervers n’ont de place dans l’Eglise que comme des malades qu’il faut si possible soigner et dont il faut se protéger. Ils organisent l’Eglise en vue de leurs desseins arrivistes ou comme une cour avec des favoris, des personnes en disgrâce, l’impossibilité de contester ou simplement d’interroger, etc. Trop nombreux sont parmi les prêtres et les évêques, ceux prennent leur ordination pour un changement d’état, comme s’ils ne partageaient dès lors plus la commune condition.

L’Eglise, notamment catholique, n’a pas de théologie des ministères solide. Elle refuse, y compris à Vatican II de renoncer à la sacralité du sacerdoce alors que l’évangile est une désacralisation. Jésus récuse les catégories de pur et d’impur, de sacré et de profane. Il est préoccupé par la bonté, la miséricorde, la justice et l’amour des frères à commencer par les plus petits. L’évangile du jour nous le rappelle si besoin était (Mc 10, 2-16). Il n’y a pas de domaine réservé qui échapperait à l’Esprit. Rien ne peut échapper à l’Esprit.

La messe tridentine ce n’est pas la tradition ou le latin. La messe de Paul VI a bien plus de quartiers de tradition et peut être célébrée en latin et ad orientem. Ce n’est donc pas le latin ou l’orientation qui spécifie l’ancien ordo, mais son rapport au sacré qui, dans la société contemporaine, prend un sens décidément contraire à l’évangile quoi qu’il en ait été au XVIe siècle. On comprend que François en encadre très strictement l’usage !

Les catholiques doivent interroger leur rapport au sacré. Dieu n’est pas le sacré, mais celui qui rend saint. L’eucharistie n’est pas sacrée, elle est la nourriture pour l’ordinaire des jours, afin qu’ils puissent être habités par l’Esprit qui sanctifie, l’Esprit de sainteté.

Les catholiques doivent cesser de prendre en fondamentalistes notre évangile à la lettre comme s’il était une loi divine sur le mariage, alors que le texte précise qu’il s’agit d’un piège. Comment la réponse de Jésus pour se sortir de l’épreuve pourrait-elle être une norme intemporelle, indiscutable, définitive ?

Dans la résistance à la désacralisation, les quasi dogmes du célibat des prêtres et de la non-ordination des femmes jouent un rôle-clef. On ne supprimera ni le cléricalisme, ni la pédocriminalité en ordonnant des femmes ou des hommes mariés, mais tant que l’Eglise catholique ne s’y rendra pas, elle sera incapable de renverser la sacralité des prêtres et, partant les crimes qui en découlent.

Le rapport de la Ciase ne peut être accueilli le dos rond, en attendant que ça passe. Nous devons le prendre au sérieux. Et comment faire autrement puisqu’il s’agit de crimes contre des enfants ? L’Eglise catholique doit revoir son dispositif dogmatique notamment sur les questions de sexualité, de ministères, de sainteté et d’eucharistie. Ne pas le faire, c’est n’avoir rien à faire du rapport de la Ciase, mépriser une nouvelle fois les victimes des clercs pédocriminels, maintenir en l’état un système pervers.

26/09/2021

Arrache-le ! (Mc 9, 38-48)

Il me semble qu'il faut prendre à la lettre ces versets, mais... dans le contexte.

Le contexte, c'est la non confiscation de Jésus. Il n'appartient pas un groupe, à son groupe, à ses disciples. C'est la générosité de la bonté (le verre d'eau offert), notamment envers un disciple.

Pour ceux qui serait tentés par la confiscation, le refus de l'hospitalité de la bonté, alors là, il faut bien se tenir. On ne peut confisquer la bonté qu'à condition d'être irréprochables. Et si on ne l'est pas ? Alors, il faut se mutiler.
 
Comment, c'est insensé ?! Oui, c'est insensé. Du coup, la confiscation de la bonté est impraticable, est impossible. Du coup, l'hospitalité à la générosité d'autrui est un impératif.
 
La force de l'impératif, pour les disciples, de cette hospitalité de la bonté, d'où qu'elle vienne repose sur son anti-thèse, l'amputation. Tu ne veux pas être amputé, et à juste titre, alors, ne confisque pas Jésus, ne referme pas le groupe de Jésus à ceux qui seraient de son groupe, car qui fait un miracle en son nom ne peut pas immédiatement après mal parler de lui.
 
En revanche, ils parlent mal de lui ceux qui confisquent Jésus mais sont objet de scandale à ne pas lui être fidèles en toute chose. Mieux vaudrait pour eux qu'on leur attache un meule au cou.
 
Voilà ce que je comprends de ces versets.

23/09/2021

Vers un « nous » toujours plus grand (Journée du Migrant et du Réfugié 2021)


C’est évident, un Français, en France, est chez lui. Nous autres, gaulois, français de souche, sommes chez nous dans l’Hexagone. Est-ce si simple ? Il y a des français nés à l’étranger, il y a des départements et territoires d’Outre-mer qui ne sont pas l’Hexagone, il y a des descendants d’émigrés, évidemment français, qui ont été ou sont en charge du pays (Sarkozy, Balladur, Giscard, Valls, et nombre de ministres et de maires).

Qu’est-ce que cela veut dire que nous sommes « chez nous », et qu’« eux » viennent chez nous, ne sont pas chez eux ? Qu’est-ce qui fait que l’on est chez soi dans un pays ? Y être né, avoir été formé par la culture du pays, l’origine des parents (et que se passe-t-il quand ils ne partagent pas la même origine ?), habiter dans ce pays depuis un certain temps (mais combien de temps ?), parler la langue ?

Ces questions ne reçoivent pas la même réponse si l’on est dans l’Hexagone ou dans l’empire ou ex-empire colonial. Les rapatriés d’Afrique du Nord, et spécialement d’Algérie, française, savaient bien que ce n’était pas ici « chez eux » et les hexagonaux le leur ont bien fait sentir. Les harkis dont on a parlé cette semaine, non français, se sont battus pour la France comme nombre de soldats des Colonies vingt-cinq ans plus tôt et déjà en 14.

Certains comme un président de l’Assemblée nationale arrivé en France à l’âge 10 ans, italiano-maltais, tentent de définir ce que signifie être français. D’autres défendent une France purgée de toute immigration, catholique bien sûr. Ils peuvent être issus d’une famille juive et berbère. Que signifie être ici chez soi dans ces conditions ? L’évidence d’une réponse pourrait ne servir qu’à soutenir un vaste mensonge, encourager le racisme et le repli sur soi.

Peut-être ceux qui habitent la maison de leurs arrière-grands-parents, exploitant les mêmes terres depuis des siècles, peuvent-ils dire qu’ils sont chez eux. Mais combien sont-ils ? Mais à chaque génération, obligatoirement, la moitié de la famille, les conjoints de chaque descendant, ne sont pas d’ici, mais d’à-côté ou de très loin.

L’Afghanistan est l’histoire d’une succession de guerres et d’alliances, comme la plupart des pays. Dans la années 1800, les Européens, les Britanniques entrent en scène. Il s’agit de s’opposer à Bonaparte. Depuis, les Afghans ne sont plus chez eux. Il y eut en 1979 l’invasion par les soviétiques (la guerre mondiale était proche), puis après 2001 la prise de contrôle par les Etats-Unis. Qui est Afghan aujourd’hui ? Celui qui n’a pas pu fuir ou celui que se retrouve « chez nous » ? La diaspora ou les locaux ? L’Occident peut-il se définir comme démocratie, Etat de droit, et droits de l’homme s’il abandonne ses collaborateurs ?

Cette homélie n’est ni un cours d’histoire de l’Afghanistan, ni une réflexion sur ce que signifie être français. Elle vise à interroger nos évidences, eux-nous, « chez nous ». Elle vise à nous conduire « vers un nous toujours plus grand »

Quand, à Chablis (je prends cet exemple, parce que c’est « chez nous », mais on pourrait en trouver des dizaines semblables dans « notre » diocèse), paroissiens, chrétiens ou non, donnent des cours de français à de jeunes adultes Afghans, ce n’est pas la langue qu’ils enseignent, ou pas seulement ; c’est la fraternité qu’ils tentent de restaurer, d’instaurer. Il n’y a plus eux-nous, mais ce que nous faisons ensemble.

Avec l’évangile, que nous le voulions ou non, le nous de l’humanité est appelé à être exhaustif. Le nous de l’humanité n’a de sens que catholique, universel, selon le tout, avec tous, partout. « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme ; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus. » (Ga 3, 28) C’est « nous » qui grandissons vers ce que nous sommes, vers notre vocation de fils et filles d’un unique Père.

Dire « nous » c’est presque systématiquement les exclure, « eux » ; c’est presque systématiquement dire « nôtre » le monde, le chez nous. Mais si la forêt amazonienne est nôtre comme bien de l’ensemble de l’humanité, n’en va-t-il pas ainsi de chaque terre ? Pourrions-nous inventer et pratiquer un usage catholique de la langue ? Loin de construire des murs, le prophète nous exhorte : « Elargis l’espace de ta tente, déploie sans lésiner les toiles qui t’abritent, allonge tes cordages, renforce tes piquets » (Is 54, 2)

Savez-vous que paroisse signifie précisément « d’à-côté », pas d’ici, voisin, voire de passage. Ce qu’ils sont pour nous, eux, paroissiens, gens de passage ou d’à-côté, c’est ce que nous sommes : des gens d’ailleurs, parce que notre patrie, c’est le Royaume, non un arrière monde, mais une manière catholique d’habiter le monde, de vivre avec tous.

17/09/2021

Pourquoi faut-il que les plus grands soient les plus petits ? (25ème dimanche du temps)

J’avais préparé, alors que Maxime reçoit une nouvelle mission pastorale, une homélie sur ce que l’on attend des prêtres. Nous en avions parlé avec l’EAP. J’avais soumis un texte à relecture parce que je n’étais pas sûr de moi. J’avais retravaillé et étais parvenu à un résultat que je m’apprêtais à vous lire.

Jeudi après-midi, j’ai travaillé l’évangile (Mc 9, 30-37) pour l’éveil à la foi. Il fallait écrire autre chose. Le texte s’est ouvert dans une sorte d’évidence qui obligeait à changer d’homélie. Se vérifiait la parole que nous venons d’entendre : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »

Pensons aux plus petits de l’éveil à la foi. La personne la plus importante au monde pour ceux qui ont quatre ans, n’est-ce pas leurs parents ? Pour ces parents, la personne la plus importante au monde, n’est-ce pas leurs enfants ? Une première leçon s’annonce. Le plus important, le plus grand, dans la relation parents-tout-petits, c’est l’autre. S’interroger dans ce cadre parents-tout-petits sur qui est le plus grand, c’est laisser à l’autre la place du centre.

Et que venons-nous de lire ? « Prenant alors un enfant, Jésus le plaça au milieu d’eux ». La relation parents-tout-petits met l’autre au milieu, comme Jésus. Notons que Jésus, personne importante s’il en est, ne prend pas la place du centre. Jésus, tout désigné pour être le plus grand, déserte le centre. Pour Jésus, c’est toujours l’autre, nous donc, qui est au centre.

Les enfants sont les plus grands non parce qu’ils seraient gentils ou adorables ! Ce n’est pas toujours adorable un enfant, et les enfants le savent bien. Jésus ne met pas les enfants au centre pour les câliner, faire leurs quatre volontés. Jésus les met au centre parce que ce sont ceux que l’on n’écoute pas, du moins à son époque (qui ignore non seulement le culte de l’enfant-roi, mais les droits de l’enfant). Ils sont le type de ceux qui n’ont pas d’importance. Le plus petit est le plus grand, le premier le dernier.

Qui sont ces petits et derniers ? A l’école, ce sont ceux qui n’ont pas beaucoup de copains, ceux qui sont sur la touche, avec qui personne ne veut jouer. Même les enfants vont trouver cela provocateur. Dans notre assemblée, qui sont les plus importants aux yeux de Jésus ? Qui placerait-il au milieu ? Ceux que l'Eglise exclut, les femmes, les homosexuels. Ceux que notre société méprise, considère sans importance. A une semaine de la journée du migrant et du réfugié, pas besoin de faire un dessin ! C’est provocateur !

Parlons à des enfants un peu plus âgés. Le plus important, ce ne sont pas les riches, les savants, les puissants, mais les enfants. Jésus renverse la pyramide de nos critères, puissance, richesse, savoir, influence. Jésus prend un malin plaisir à renverser les évidences parce que si on sait donner de l’importance à ceux qui n’en ont pas, alors tout le monde en aura.

Si l’on regarde avec les yeux des plus petits, on voit le monde de telle sorte que tous ont leur place. Imaginons un instant : que serait notre société si tous y avaient une place ? Ecrire l’histoire, penser la société du point de vue des perdants, du point de vue des exclus, c’est dessiner et organiser le monde d’une manière totalement nouvelle, toujours nouvelle.

Lire l’histoire et la vie sociale de cette façon nouvelle, c’est voir le monde comme Dieu le voit. Apprendre à voir le monde comme Dieu, ce n’est pas chercher à être ou à aimer le plus puissant, y compris le Tout-Puissant, c’est chercher à ce que chacun ait sa place, et tous l’auront si les plus petits l’ont. Et voilà pourquoi il fallait que le Christ souffrit, comme nous le lisions dimanche dernier.

La transformation intellectuelle et sociale à laquelle Jésus invite n’a pas de valeur seulement morale et politique, même si ce ne serait déjà pas rien. Elle a une dimension proprement théologique et même théologale. Elle révèle Dieu, elle permet de le connaître, de l’accueillir.

Nous sommes nombreux à nous demander comment nous pourrions accueillir Dieu, nous sommes nombreux à vouloir accueillir Dieu et cherchons comment cela est possible. Ne nous y trompons pas, ce ne sont pas nos enfants, là, qu’il nous faut accueillir, mais les exclus qu’ils signifient. Au centre de l’évangile de Marc, qui y reviendra d’ailleurs, nous est dit que l’accueil des exclus, des rejetés, est accueil de Jésus et de celui qui l’a envoyé.

 

 

Texte initialement prévu

Alors que Maxime rejoint une autre paroisse, alors que nous luis exprimons notre reconnaissance, je voudrais nous interroger sur ce que nous attendons des prêtres, sur ce que nous exigeons d’eux. Au moment de quitter une communauté, les prêtres, comme tous les baptisés, mesurent ce qu’ils ont reçu d’elle.

Ces derniers mois avec la pandémie ont sans doute accru nos velléités à nous plaindre, notre irritabilité. Même rentrant de vacances, nous sommes fatigués par la difficulté de faire des projets, ne serait-ce qu’à l’échelle de quelques mois. Nos relations moins aisées à entretenir et développer sont paradoxalement mises à l’épreuve de notre patience et exigence. Les difficultés d’avant la crise sanitaire n’ont pas disparu et sont parfois plus lourdes à porter. Puissions-nous avoir le souci de mettre de l’huile dans les rouages plutôt que sur le feu. Puissions-nous ne pas nous laisser enfermer par ce que le contexte recouvre de grisaille et demeurer attentifs à ce que nous apporte tout ce que nous vivons ensemble.

Oui, parfois, nous avons du mal à apprécier comme une chance la vie ordinairement partagée. Cela est vrai aussi des relations dans une communauté chrétienne. Lorsque la fatigue nous prend, nous pourrions avoir l’impression qu’un bon prêtre, un bon évêque, un bon paroissien, c’est quelqu’un mort ou parti depuis fort longtemps, qu’une bonne paroisse, c’est celle que nous avons servie il y a longtemps ! C’est bien connu, c’était mieux avant ! C’est bien connu, ceux qui meurent ont été excellents mais… on l’a rarement dit de leur vivant !

Il faut parfois du temps pour s’apprécier, pour s’habituer les uns aux autres. En ce qui concerne les prêtres, il y a de multiples raisons, bonnes ou mauvaises, de rendre la rencontre pas toujours facile : Le remodelage de nos communautés bouscule nos repères. Nous avons appris de l’exercice démocratique à donner notre avis et ne supportons plus que quelqu’un décide sans nous. Nous avons appris de Vatican II que le baptême donnait à tous responsabilité et parole dans l’Eglise. Nous avons été révoltés par les crimes de trop nombreux prêtres. La théologie du sacrement de l’ordre contestée par Vatican II revient en force ; aucune autre théologie ne s’est imposée malgré le travail des spécialistes. Les différents modèles de vie ecclésiale sont exclusifs et clivants.

Il n’y a de salut, il n’y a de vie, dans l’Eglise comme dans le monde, que par l’accueil des autres. L’évangile (Mt 9, 30-37) en invitant à accueillir les enfants ne connaît certes pas notre culte de l’enfant-roi. Les enfants représentent ceux qui n’ont pas de poids, n’ont pas voix aux chapitre. Avec eux, c’est la gratuité, non l’intérêt. C’est pourquoi la manière de les accueillir est révélatrice de notre manière de vivre ensemble. Il n’y a de salut, il n’y a de vie qu’à accueillir chacun comme on accueille un enfant, inconditionnellement.

Nous n’accueillons pas un enfant parce qu’il est bon, ou pour ses compétences. Nous l’accueillons, et c’est tout. C’est à avoir vécu d’être accueillis qu’ils deviennent, comme nous sommes devenus, pouvons-nous espérer, bons.

En nous accueillant les uns les autres comme l’on accueille les enfants, quand vraiment on les accueille, nous pratiquons la gratuité de l’accueil, et cela rend possible de comprendre un petit quelque chose de Dieu et de sa bonté. Accueillir l’autre comme on accueille un enfant n’est pas qu’une question morale, aussi importante soit-elle. C’est une question de société et en ce sens politique. C’est encore une question de vie avec Dieu, une question théologale. A la façon d’accueillir, on accueille Dieu et celui qu’il a envoyé, son fils.

Peut-être cela d’abord, la bonté, que nous attendons des prêtres, que nous pouvons, devons, attendre les uns des autres.

Est-ce sensé de parler ainsi. « Dieu seul est bon. » Attendre la bonté des autres ce n’est pas les attendre au tournant, dès qu’il auront manqué à la bonté ; c’est prodiguer soi-même la bonté, ne serait-ce que pour pardonner les ratés des autres. Attendre la bonté les uns des autres, c’est nous laisser convertir à la bonté de Dieu.

Ce qui fait la bonté d’une personne, c’est grandement son entourage. Nous sommes d’autant meilleurs que nous vivons avec et de la bonté des autres. Attendre des prêtres, à juste titre, qu’ils soient bons, qu’ils accueillent chacun comme doivent être accueillis les enfants, nous engage à la bonté. La bonté de la communauté rend possible celles des prêtres et réciproquement.