Je me répète. Contrairement au discours commun, la mission n’est pas semailles, ni souci de la production, mais moisson. Ainsi parle l’évangile. S’il est un semeur, c’est Dieu. Laissons-le à son job. Non seulement, il est de loin le plus onéreux, mais qui sommes-nous pour nous mettre à la place de Dieu ? Comment trouver méprisable la joie de la moisson ?
Depuis des siècles, la structure de base de la pastorale repose sur le quadrillage paroissial du territoire. Lorsqu’il n’y a plus assez de curés ‑ les responsables de paroisse ‑ on tire dans tous les sens sur le fonctionnement paroissial, mais on ne le remet pas en question. Le service de proximité qu’il n’est plus guère permet trop peu de faire entendre l’évangile. Des prêtres, en nombre significatif, ne veulent pas être curé.
Aujourd’hui, la paroisse ne peut quasi plus remplir de rôle missionnaire. Elle n’est plus le lieu où s’annonce en acte la libération des personnes et la paix dans les maisons, villes et villages. Nous le devons à de multiples facteurs. Les évêques et vicaires généraux savent que les prêtres ne sont pas assez nombreux pour un système qui repose sur eux.
L’annonce de la proximité du Royaume doit passer autrement. Il faut trancher dans ce que la majorité des concitoyens pense que sont l’Eglise et son annonce, a priori discréditées. Il faut faire en sorte que l’Eglise et son annonce puissent exister, même avec très peu de ministres ordonnés. Si l’on continue à faire de la célébration, dominicale ou autre (funérailles par exemple), l’action principale de l’Eglise, en temps comme en importance effective et symbolique, on interdit que l’évangile parvienne à ceux qui ne l’entendent pas, la majorité.
L’action principale d’un diocèse, et partant des structures ecclésiales qui le constituent, doit être la charité. C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que vous serez reconnus pour mes disciples. Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.
On ne trouve dans les propos de Jésus, ni dans les écrits du second Testament, ni chez les Pères de l’Eglise, aucun autre impératif dit avec tant de constance. Rien ne peut concurrencer dans l’annonce chrétienne la centralité de la charité, pas même le culte. D’ailleurs, Jésus n’en parle pas et Paul le spiritualiste. Le culte spirituel, c’est la charité.
Organisons l’Eglise autour des actions de charité que déjà elle mène et de celles qu’il lui faut créer. Dans un diocèse, le cœur du réacteur ne doit plus être le territoire, les actes du cultes (la catéchèse, mais là, faute de combattants, c’est déjà le cas) mais l’amour (santé, accompagnement, injustices sociales, partage, écologie, éducation, prison, etc.). Nous n’allons pas doubler ce que font l’Etat ou des associations, mais travailler avec eux et nous rendre là où personne ou trop peu sont. Et c’est déjà en partie le cas. Les chrétiens sont nombreux dans les soins palliatifs. Mais personne ne dit que c’est le cœur du réacteur pastoral ; nombreux dans le soutien scolaire dans les quartiers, nombreux aux côtés des sans-papiers et des mal-logés, etc. Et personne n’y voit une action indispensable de la pastorale ! Incroyable, non ?
Les disciples bien sûr, ont et auront besoin de se retrouver pour faire mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus qu’ils voient tous les jours lorsque des écrasés sont relevés, lorsque des mourants, jusqu’au bout, sont hissés dans leur dignité alors que leur vie s’étiole.
Les disciples trouveront des frères pour les rejoindre, parce qu’il est évident que dans la société de la loi du plus fort qui est la règle, le pouvoir des millionnaires, le gouvernement des riches pour les riches, l’amour gratuit seul ouvre un autre monde, le Royaume. La charité convertit, la rencontre des frères, pas le culte, ni le dogme.
Il n’y aura plus même besoin de prononcer quoi que ce soit
pour que le nom de Jésus soit annoncé, que la proximité du Royaume soit
manifeste. Cherchez le Royaume et sa justice, le reste vient par surcroît.
Moisson, que je vous dis ! La libération des opprimés (quelle que soit le
mal qui les opprime) est ce à quoi Jésus s’est dédié jusqu’à l’extrême. Et nous
ne ferions pas la même chose ?
Polyptyque des Sept Œuvres de miséricorde du Maître d'Alkmaar (vers 1500)
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