En lisant l’évangile de ce jour (Mc 6, 1-6), plus encore la
première lecture (Ez 2, 2-5), m’est venue à l’esprit la chanson de Boris Vian, On n’est pas là pour se faire engueuler,
et la réaction de nombre d’entre vous aux homélies qui seraient par trop
remuantes. Après une semaine parfois lourde avec le travail, les enfants, les
soucis de toute sorte, on vient chercher à la messe un peu de calme, de repos. Non, on n’est pas là pour se faire
engueuler ! A défaut de faire du tord à la République comme dit Vian,
cela en ferait à notre communauté : Sinon
plus tard […] ma parole nous on reviendra pas.
Je relis Ezéchiel : « Fils d’homme, je t’envoie
vers les fils d’Israël, vers une nation rebelle qui s’est révoltée contre moi. Jusqu’à
ce jour, eux et leurs pères se sont soulevés contre moi. Les fils ont le visage
dur et le cœur obstiné ; c’est à eux que je t’envoie. Tu leur diras :
‘Ainsi parle le Seigneur Dieu...’ Alors, qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent
pas ‑ c’est une engeance de rebelles ! »
Voilà comment le Seigneur parle à son peuple. Il n’est pas en
procès contre des ennemis, mais contre son propre peuple, à moins que
justement, son propre peuple ne soit aujourd’hui son ennemi.
Il faut se rendre à l’évidence, Dieu en a contre nous, son
peuple. Cela traverse toutes les Ecritures, depuis Noé et même Adam et Eve
jusqu’aux fameux impropères de Michée, les reproches et le procès de Dieu
contre son peuple. Mais que l’on ne croie pas que cela s’arrête avec le Premier
Testament. C’est encore dans l’évangile. Dieu en a contre nous !
Si nous cherchions du réconfort en écoutant la parole de
Dieu, un peu de repos voire un câlin de la part du bon Dieu, c’est raté ! Ma parole nous on reviendra pas !
Comment est-ce possible que nous déclenchions ainsi les
lamentations du Seigneur ? Nous essayons de bien faire, nous prenons notre
vie au sérieux, nous nous soucions de notre foi, nous ne sommes pas avares de
sacrifices… Bien sûr, on n’en fait jamais assez, mais enfin, ce n’est déjà pas
si mal. Quand on voit tous les autres !
Voilà exactement le problème. Nous tenons des comptes avec
le bon Dieu. Nous n’acceptons pas la démesure, c’est contraire à la raison et à
nos intérêts. Oui pour être de son peuple, non pour que cela nous coupe du bon
sens si communément partagé ; oui pour être chrétiens, mêmes pratiquants
réguliers, non pour que cela change notre vie et fasse de nous, comme Ezéchiel,
des prophètes excentriques et agressifs qui contestent l’injustice de notre
monde, ou comme Jésus, des électrons incontrôlables, qui renversent les
conventions, passent pour fous, qu’il faudrait enfermer, dont sa propre famille
se méfie !
Mais voilà ; avec Dieu ça ne passe pas. Comme le dit le
Premier Testament, c’est un Dieu jaloux. C’est un fou furieux en amour. On
n’est jamais quitte avec lui. Vous me direz, on n’est jamais quitte avec
personne en amour. Imaginez dire à votre conjoint que vous en faites chaque
jour assez, et que vous êtes quitte, que vous lui avez rendu ce qu’il vous
avait donné. Je pense que l’on serait proche de la fin ! Alors avec Dieu,
c’est la même chose.
Pire peut-être, car Dieu est un amant passionné comme peu le
sont, même dans la fiction littéraire. Il est raide dingue de nous. Bon, il
n’ira pas au crime passionnel ; mais c’est plutôt pire : pour nous les hommes et pour notre salut,
il s’est chargé de nos souffrances,
il est défiguré et meurt comme un
criminel.
Lorsque Thérèse contemple le crucifié par amour, elle est
bouleversée jusqu’aux fond des entrailles de si peu aimer celui qui nous a tant
aimés.
Pas sûr qu’il faille entendre les lectures de ce jour comme une
menace, ni même comme un reproche. C’est seulement le cri d’amour blessé qui
retentit jusqu’à nos oreilles, plus fort que le sang d’Abel. S’ils se taisent, les pierres
crieront !
Avec Dieu, c’est dangereux. C’est une histoire qui prend
tout, c’est une passion dévorante. La mesure n’a pas de sens, tant pis pour les
personnes mesurées, raisonnables. La
mesure d’aimer Dieu, c’est d’aimer sans mesure (St Bernard). On n’est
jamais quitte avec Dieu, non que nous ayons avec lui une dette plus
insupportable encore que celle de la Grèce ! Mais sa passion jalouse est
telle, à sa propre mesure, qu’il nous engloutit dans son amour.
Et nous qui pensions, comme la parentèle de Jésus pouvoir
nous en sortir avec un culte raisonnable. Non, là, c’est disproportionné !
Que choisirons-nous, la sagesse mondaine, la foi mesurée, ou la folie de la
croix, la démesure de l’amour ?
Quel feu!!!
RépondreSupprimerMerci
Passionné et passionnant ! Je n'avais pas du tout vu les choses comme ça :
RépondreSupprimerhttps://thierryjaillet.wordpress.com/2015/07/03/quoi-de-neuf-dimanche-5-juillet-2015-14eme-dimanche-b/
Je n'arrive pas à entendre "sa passion jalouse" pour moi il n'y a rien de l'ordre de la jalousie dans l'amour de Dieu, peut être une infinie tristesse quand nous lui préférons d'autres idoles.
RépondreSupprimerTon commentaire suivant sur l'habit du mendiant est très beau.
Florence
Tu l'auras remarqué, ce texte joue avec la langue. Il faut peut-être entrer dans le jeu pour entrer dans le texte.
SupprimerCeci dit, la jalousie de Dieu est un thème biblique, tout droit venu de l'amour que Dieu a pour nous. S'il nous aime et que nous l'abandonnons, pire, nous prostituons à d'autres dieux, comme disent les prophètes, on comprend la jalousie. Pas sûr qu'elle soit le vilain défaut qui traduit fort mal le péché capital d'envie.
La jalousie dans ce texte n'est pas mesquine. Au contraire. Ce qu'elle suscite est encore plus d'amour. Nous avons abandonné Dieu. Qu'à cela ne tienne, il se débrouille pour être encore là où nous nous sommes cachés, voire enterrés...