Que signifie célébrer la fête de Pierre et Paul ? Le 29 juin est la fête patronale de l’Eglise de Rome. En nous y associons, nous reconnaissons que cette part de l’unique peuple de Dieu joue un rôle par rapport aux autres Eglises particulières dont la nôtre. Nous reconnaissons que pour être l’Eglise de Dieu qui pérégrine ici, nous avons besoin des autres Eglises. Pour être certain de la communion avec toutes, nous manifestons notre unité avec celle qui entre toutes, préside à la charité.
Fêter Pierre et Paul c’est encore se référer à deux figures que nous trouvons inspirantes pour notre manière d’être aujourd’hui disciples. Il faut bien réfléchir à la portée de ce que nous venons d’affirmer : Pierre est un traitre, Paul a un passé de persécuteur. Etonnamment, les textes que nous venons n’en disent rien. Le risque est grand de nous enivrer avec l’hagiographie. Nous aimons les héros. Tellement parfaits, ils ne peuvent pas nous aider, nous inspirer pour être disciples. Et cela nous arrange bien, car chanter aux deux apôtres prend quelques minutes quand changer sa vie comme ils l’ont fait prend toute une vie, toute la vie.
Plus l’idéal est projeté dans le ciel, moins nous sommes engagés à le suivre, puisque nous n’habitons pas le même univers, celui de la vulnérabilité. Cette semaine, j’entendais un prédicateur parler, au détour d’une phrase, de la grandeur et de la puissance de Dieu. Quelle drôle d’idée ! Ne convient-il pas de parler de sa douceur et de sa fragilité ? Qu’honorons-nous et pourquoi ? Qu’est-ce qui nous arrange à célébrer tel aspect plutôt que tel autre ? Ce que nous retenons est-il opportun, central, ou second voire secondaire ? Cela détermine l’idée que nous nous faisons de Dieu, de la perfection, et de la sainteté (qui n’est pas la même chose).
Rappeler les trahisons, violences et crimes, stupidité et endoctrinement, radicalisation dit-on aujourd’hui, de ceux dont la pratique de la Voie nous inspire, n’est pas sans risque. Non que nous mépriserions ceux que précisément honorons. Mais nous nous repassons les films comme on les aime : des salauds sont devenus des saints. Ils ont tué, trahi mais tout est bien qui finit bien. Merci Seigneur ! Et leurs victimes, et les nôtres ? Aux poubelles de l’histoire.
Ces derniers jours, on apprend que deux vedettes catho, brigands et malfrats convertis, donnés en exemple, sont sous le coup d’enquête civile ou canonique. Choisir des héros, c’est se laisser mener par le bout du nez. Dans l’Eglise aussi. Si nous vénérons le Seigneur Jésus c’est pour ne plus idolâtrer qui que ce soit, nous laisser berner par l’idéal de nos fantasmes.
Rappeler les violences et crimes de ceux qui sont restés des pécheurs, voilà ce que nous faisons en cette fête. Paul le dit. C’est une écharde dans la chair dont il ne peut pas être débarrassé. Ce n’est pas une question de modestie, surtout si elle est fausse. C’est une question de vérité de ce que nous prétendons lorsque nous nous reconnaissons disciples.
Se dire disciple, prêcher, témoigner, agir, ou quoi que ce soit d’autre est mensonge quand nous passons pour saints, super, extra, etc. La sainteté n’est pas la nôtre mais celle de celui dont nous prétendons être le reflet. Nous ne sommes jutes que comme pécheurs sans cesse en cours de justification, Oublier cela, ou seulement le taire, est un mensonge, un des pires, de ceux qui discréditent le trésor que nous portons dans de vils pots, viles peaux.
On aurait eu de quoi trouver, chez Paul notamment, des textes moins triomphalistes et héroïques. D’autant que la lettre à Timothée n’est pas de Paul, mais d’un disciple qui idéalise son maître. Cqfd. Il n’y a pas d’alter Christus, parce qu’un seul, Jésus, fait la volonté du Père.
Le risque de cette fête est une mascarade en sa source, donc, mais aussi en ses conséquences, si nous faisons de ceux qui succèdent à Pierre et Paul, et aux autres, les modèles de notre foi. La conversion n’est pas le fantasme d’une perfection, d’une vie sans péché, mais l’actualité où nous sommes de vies que nous n’avons jamais fini de laisser justifier par le Christ. La pertinence de notre profession de foi réside en ce que la justification, que nous espérons laisser opérer en nous, a d’effectif.