09/12/2023

T. Römer et F. Boyer, Une bible peut en cacher une autre

T. Römer et F. Boyer, Une bible peut en cacher une autre. Le conflit des récits, Bayard, Paris 2021

 

Thomas Römer est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Milieux bibliques. Frédéric Boyer est en outre le maître d’Å“uvre de la traduction de la Bible aux éditions Bayard et le traducteur récent des quatre évangiles chez Gallimard. Ils cosignent une histoire de la rédaction du Premier Testament.

On trouvera dans ces pages comment les textes de la Torah ont été composés, comment les canons, juifs et chrétiens, ont été fixés, ainsi que des éléments de datation des différents écrits.

L’ouvrage, merveille de vulgarisation, présente une recherche érudite et des plus actuelles tout autant qu’une réflexion sur le sens de la vérité. Les différentes traditions rassemblées par la rédaction et les lectures du texte biblique, jusque dans leurs discordances, constituent le chemin vers le sens des Ecritures. Sans jamais être écrasé ou noyé, l’on est conduit, à l’intersection de la philosophie herméneutique et de l’histoire des textes, à une relecture de toute la bible hébraïque.

Le texte biblique conserve dans sa version définitive des textes d’âges ou de théologies différents. Il ne substitue pas une perspective à une autre, mais maintient disponibles plusieurs versions d’un même épisode. C’est le cas par exemple des Dix paroles, présentes dans l’Exode et reprises dans le Deutéronome, ou bien de la théologie de la terre, donnée ou à conquérir armes à la main, ou bien de l’importance centrale de Jérusalem qui cohabite avec des pensées de la diaspora.

Est ainsi mise en acte la nécessaire actualisation de la loi. Selon les circonstances, historiques ou géographiques, politiques ou culturelles, une même tradition doit être relue et souvent réorientée. La permanence de différents états du texte permet de comprendre comment la fidélité est une appropriation et donc recadrage de la loi. « Le conflit des récits » se mue en richesse dynamique qui devrait interdire le fondamentalisme et empêcher cependant que l’on parle de relativisme. Lorsqu’il y a concurrence des récits, lorsque les textes ne sont pas unanimes, on est bien obligé de se positionner, de choisir ce qui fait sens et vérité, non que la vérité soit optionnelle ou partisane, mais elle requiert élection, désir, décision et engagement. Elle n’est jamais que contenu de savoir mais toujours aussi éthique.

A l’heure où l’Etat d’Israël mène une politique de la terre inique, il est bon et nécessaire de redécouvrir qu’à peu près rien dans le texte biblique ne supporte pareille idéologie.

Une interview est disponible en ligne.

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