26/12/2014

La défense de la famille et l'évanglie (Ste Famille)


Il y a deux mois, se tenait à Rome le synode des évêques sur la famille. En cette fête de la sainte famille, il paraît difficile de ne pas y faire au minimum référence, il paraît opportun de s’y attarder.
Dans de nombreuses sociétés, souvent marquées par le christianisme ou la culture occidentale, de fait, la famille est le cadre auquel on pense spontanément lorsqu’il s’agit de permettre à un enfant de grandir, de se développer. Nombre d’entre nous, en ces fêtes de Noël, expérimentent, plus fort que les difficultés relationnelles parfois profondes, que la famille, ils y sont viscéralement attachés. C’est parfois, souvent, un pensum que ces manifestations familiales, et pourtant, on ne voit pas comment y déroger, non par obligation extérieure, mais en conscience.
Or elles sont nombreuses les familles qui n’offrent pas le cadre d’amour dont les enfants ont besoin pour grandir, une famille suffisamment bonne, dirions-nous avec Winnicott ; nombreuses sont les familles qui sont occasion de haines et de souffrances. On comprend qu’il faille se pencher, comme chrétiens, sur la famille. On comprend que l’Eglise veuille prendre soin des familles, exerce sa sollicitude.
Un modèle familial habite évidemment l’imaginaire catholique et sa doctrine. On pourra en discuter la pertinence, l’universalité, l’histoire ou la genèse. Ceux qui ont milité au sein de la Manif pour tous ne semblaient pas en douter, une famille c’est un papa, une maman, et un, ou plutôt des enfants.
Admettons sans la discuter cette définition, au moins à titre d’hypothèse. Lorsque l’on ouvre les yeux sur les familles que nous fréquentons, sur nos propres familles, les choses sont un peu moins simples. D’où naissent des tensions ou pour le moins des interrogations. Nos familles ne sont-elles pas normales à ne pas forcément correspondre à ce modèle ? Faut-il considérer cet écart par rapport à la norme comme un échec, un péché, le fait d’une culture qui rejette Dieu ?
Certains n’hésiteront pas à répondre par l’affirmative. Nos maux viennent de l’abandon non seulement de la loi de l’évangile, mais plus universellement (y aurait-il plus universel que l'évangile?) de ce qu’établit une morale tirée de la seule raison. Les familles qui ne correspondent pas à ce modèle s’écartent évidemment de la recherche du bien. Seule une volonté effective de leur part de revenir à la norme pourrait les réintroduire dans une vie conforme au projet de Dieu.
J’aurais sans doute plus de mal que précédemment à vous faire admettre, ne serait-ce qu’un instant, à titre d’hypothèse, qu’il faille ainsi considérer les choses. Et figurez-vous que vous ne seriez pas les seuls à éprouver des réticences, voire une réelle impossibilité par rapport à ce lien entre péché, fait de se détourner de Dieu, et familles non conformes au modèle familial promu, un papa, une maman, des enfants. Encore plus nombreux à refuser que l’on exclue de fait de la communion ecclésiale, d’une partie importante de ses activités et cultes, ceux qui seraient engagés dans la distorsion, voire dans l’abandon de ce modèle.
Un évêque, assez connu, rappelait que, bien sûr, les divorcés remariés « ne sont pas excommuniés ». « Mais ils ne peuvent être parrains, a-t-il enchaîné, ne peuvent lire les lectures à la messe, ne peuvent donner la communion, ne peuvent enseigner le catéchisme, ne peuvent faire sept choses dont j’ai la liste ici. Si je compte, ils paraissent excommuniés de fait ! Aussi faut-il leur ouvrir un peu plus la porte. » (François 07 12 14)
Ces propos, de bons sens dirons-nous, voilà qu’ils soulèvent un front de réaction dur et implacable : Nous n’avons pas le droit de modifier la doctrine de l’Eglise, encore moins la parole de Jésus. Nous sommes les garants de la vérité, et toute adaptation à l’air du temps est une manière de se jouer de la radicalité évangélique.
Le problème, c’est que nous ne connaissons pas un seul disciple, même le plus saint, qui ne se joue, une fois ou l’autre, de la radicalité évangélique. Et cela ne l’excommunie pas de fait. Le problème, c’est que des violations très graves de l’évangile n’excommunient ni de fait, ni de droit, formellement. Je pense à la pédophilie (même si désormais elle fait encourir une excommunication formelle aux clercs, mais pas que je sache aux pères, grands-pères ou oncles incestueux), je pense à la fraude fiscale, à la participation financière dans des entreprises injustes qui font travailler des enfants, à l’abus de bien sociaux, etc.
Le problème, c’est que le maintien de la doctrine (et j’y tiens à la doctrine) signifie aujourd’hui, une hypocrisie, fabrique des injustices. Le conjoint abandonné ou battu est traité comme le coupable. Le prélat qui fréquenterait le bordel (ce qu'à Dieu ne plaise), même homosexuel, peut communier dès lors qu’il s’est confessé, pas l’homosexuel qui vit en couple ni la personne qui s’est remariée, quand bien même leurs vies sont des modèles de charité, de sainteté.
Le problème, c’est que la doctrine de ceux qui la défende, la doctrine, ce n’est pas la miséricorde, mais des règles. La miséricorde serait seulement une manière de faire, pastorale. Mais lorsque l’on ouvre l’évangile, on peut dire qu’il se résume à la miséricorde. C’est la miséricorde que je veux. Le fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Déjà en Jean 8 a lieu ce procès qui met Jésus à l’épreuve. Maître cette femme d’après la loi doit être lapidée, et toi que dis-tu ? (La femme en question était adultère, pas sûr que ceux qui sont excommuniés de fait soient tous des pécheurs !)
Si François a mis la famille sur le chantier du synode, en octobre dernier et encore en octobre prochain, avant de savoir s’il y a une doctrine à défendre (il faudrait d’ailleurs qu’elle soit attaquée, et je ne la vois guère attaquée par les disciples de Jésus eux-mêmes) c’est parce qu’il y a problème ; au nom de l’évangile nous cautionnons l’injustice, méprisons nombre de personnes humiliées par des vies de familles dont elles sont victimes de l’échec ou qui ne sont pas conformes au modèle.
Aussi peu porté que je sois à le faire, devant de telles souffrances, devant de telles injustices, devant un tel contre-témoignage porté à l’évangile par des disciples de cet évangile qui prétendent le défendre, prélats ou militants assurés de leur bon droit, je ne vois plus qu’un recours ; implorer la sainte famille de Jésus, Marie et Joseph, pour qu’elle ouvre les cœurs à ce dont elle a vécu, la miséricorde. Marie n’a-t-elle pas chanté, au nom de l’Eglise : Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles, il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères en faveur d’Abraham et de sa race à jamais ?





Seigneur Jésus, merveilleux conseiller, viens donner aux évêques le courage d’accepter d’être déstabilisés par la miséricorde plutôt que de vivre tranquilles, protégés par le droit et les règles. Qu’ils se fassent ainsi les témoins d’une famille humaine qui cherche à vivre réconciliée.

Seigneur Jésus, prince de la paix, viens donner aux peuples la force de lutter contre la haine. Qu’ils garantissent à leurs enfants de pouvoir vivre en famille et entre familles accueillantes les unes aux autres.

Seigneur Jésus, Dieu fort, viens donner aux malades ta force de vie. Qu’ils puissent compter sur leur famille ou trouver un frère en humanité qui les accompagne dans leur épreuve.

Seigneur Jésus, frère à jamais, viens donner à notre communauté d’être témoin de la tendresse de la famille que tu appelles à édifier avec tous les hommes en nous donnant pour Père ton propre père. La sainte famille, c’est la vocation de l’humanité.
 

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