30/05/2016

La foi du charbonnier, c'est très bien... pour les charbonniers !



Pour croire en Dieu, il faut des choses simples. En effet, s’il faut se casser la tête pour savoir que croire, pour croire, cela réserve la foi à certains, et en prive aussi bien les gens simples que ceux qui ne sont pas spécialistes. La foi du charbonnier, rudimentaire et robuste, est un modèle de foi. Jésus n’a-t-il pas béni « le Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits. » ? (Lc 10, 21) Et lorsqu’une hésitation se fait jour, le Catéchisme de l’Eglise Catholique apparaît comme le recours pour trancher la question.
Les choses sont cependant plus compliquées. D’une part, que le « charbonnier » ait la foi du charbonnier est fort convenable. Mais qui est charbonnier parmi nous ? Ne conviendrait-il pas que celui qui a développé une compétence professionnelle ou dans ses loisirs prenne autant de soin à comprendre sa foi ? Comment prendrait-on la foi au sérieux si le niveau de réflexion à propos de la foi est celle d’une catéchèse de profession de foi, d’un enfant de douze ans, alors que notre niveau de culture générale est bien supérieur ?
D’autre part, les enfants interrogent dès quatre cinq ans avec les « pourquoi » et les grandes questions du genre « Qui a créé Dieu ? ». Plus tard, ils prennent conscience que la Bible ne dit pas ce qu’ils apprennent à l’école, avec la création en six jours, les miracles, etc. ; ils sont aussi confrontés au fait que certains, y compris dans la famille, ne croient pas voire démontent ce qu’on leur dit de la foi. L’adulte ne peut en rester à la « foi du charbonnier » s’il veut accompagner ses enfants. Et pour dire la foi simplement, il faut avoir quelques longueurs d’avance et il est souvent plus facile de présenter la foi à un adulte qu’à un enfant !
Les réponses du Catéchisme, sous forme de citations plus ou moins pédagogiquement arrangées, ne servent pas à grand chose. Cela peut laisser penser qu’ainsi on ne se trompe pas. Mais les réponses dogmatiques, au mieux, relancent les questions, et l’on entre en théologie, et le catéchisme appelle comme il se doit la réflexion et un peu de compétence ; au pire, ces réponses ne convainquent personne car aux questions du sens de la foi, comme à celles de la vie, ne conviennent pas les réponses toutes faites qui ferment la réflexion et qu’il suffirait de répéter. C’est pour ne pas réduire la foi à un truc intellectuel, abstrait, que l’on est obligé de réfléchir ! C’est pour vivre que nous croyons, pas pour savoir des trucs, même religieux.
Bref, les disciples de Jésus sont contraints d’être un peu théologiens. Et nous le sommes de fait. Nous avons tous une conception de la foi. Il existe aussi une théologie du « charbonnier » ! Reste à savoir si la « petite théologie de poche » de chacun est à la hauteur de ses besoins personnels et des besoins que lui imposent ses proches (questions des enfants, du conjoint non croyant ou d’une autre religion, membre de la famille, amis, collègues de travail ou voisins). Notre monde, notre culture et ce que nous apprenons à nos enfants ne se satisfont plus des réponses toutes faites. A répéter ce qu’on a toujours dit, même si cela ne nous fait pas vivre, nous risquons de détourner de la foi nos enfants qui verront bien que pour nous ce n’est pas une affaire sérieuse puisque nous n’y sommes pas un minimum intéressés. Et puis, transmettons-nous la foi, ou le vieux fonds religieux, païen, qui explique deux trois choses que les sciences n’ont pas encore expliquées ? Quel est notre évangile ?
Réfléchir sa foi s’impose du point de vue de la responsabilité que nous avons vis-à-vis des autres. « Sanctifiez dans vos cœurs le Christ qui est Seigneur. Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte. » (1 P 3, 16) Plus encore, réfléchir sa foi est pratique de la foi. Comment aimerais-je celui que je ne connais pas ? Réfléchir sa foi est une des formes de la quête amoureuse de Dieu, comme l’amour et le service des frères et la prière, notamment lors de la messe dominicale. La foi du charbonnier, c’est très bien… pour les charbonniers !

2 commentaires:

  1. Rien n’est plus parlant que la réalité.
    Comme vous le savez, je ne fréquente guère le culte catholique. Je m'y suis cependant rendu la semaine dernière, par sympathie et égard envers des catholiques de ma famille. Il s'agissait d'une cérémonie de « professions de foi », de jeunes, garçons et filles, d'environ 10/12 ans.
    Ils étaient une quarantaine et provenaient tous de la même école catholique privée.
    Il leur fut proposé, chacun à leur tour, de dire au micro pourquoi, personnellement, il faisait cette démarche de profession de foi.
    J'ai donc prêté une oreille attentive, malgré le brouhaha ambiant d’une assemblée d'amis, famille et connaissances, qui commençait à trouver que tout cela était fort long…

    On nous précisa que les enfants avaient écrit leur texte seuls, durant une demi-heure en tête-à-tête avec eux-mêmes. Et que bien sûr, il y avait eu ensuite la sélection d'un passage à lire devant l'assemblée. Les catéchistes ont fait leur travail.
    La quasi-totalité des enfants ont formulé des propos particulièrement et théologiquement assez haut de gamme, sur les théories chrétiennes bien connues.
    On était loin l'un quelconque témoignage personnel, qui fut sans doute jugé bien trop puéril.
    J'ai écouté attentivement, ainsi que je l'ai dit, cherchant au passage à capter ceux/celles de ces enfants, qui, par leurs propos, pouvaient vaguement évoquer une certaine intimité personnelle avec Jésus.
    Quatre ou cinq enfants m'ont semblé avoir pu mettre leur touche personnelle.
    Les autres, disons le clairement, c'était du bla-bla théologique largement « inspiré » par les catéchistes…
    D’un enfant à l'autre on retrouva d'ailleurs quasiment des formulations comparables, à quelques mots près, et nickel chrome au plan théologique.
    Au fond, une sorte d'endoctrinement par enfant interposé… c'était magique !
    Assurément, on ne s'adressait pas à des parents charbonniers…

    J'ai pensé à la phrase de Jésus : « laissez venir à moi les petits enfants. » Et je me suis dit qu'une telle préparation catéchistique avait dû largement les en éloigner…
    J’ai eu ensuite plus ou moins la confirmation de la « pression des catéchistes », sur ce qu'il convenait de dire en public, en dialoguant avec le petit-neveu qui avait « professé sa foi » et m'avait invité à cette célébration. Mais fort heureusement, Il a eu de beaux cadeaux, et nous un excellent repas…

    Rien n'est plus parlant que la réalité.

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    1. Je constate qu'il faut déployer beaucoup d'astuces pour que des enfants ou des adolescents disent des mots de la foi personnels. Ils reprennent, plus ou moins bien, les antiennes communes, qu'il s'agisse de prépaer une prière universelle ou une profession de foi.
      Pas sûr donc qu'il y ait eu pression des catéchiste. Peut-être à l'inverse. Les quelques uns d'entre eux qui ont une expérience un peu personnelle de la foi y parviennent plus aisément.
      Un autre facteur joue. Qu'elle liberté d'intérrogation et d'interprétation des textes pendant les séances de caté. Je constate que les enfants, si on institue un cadre de réflexion et de lecture vaste, savent peu à peu s'en servir, que la discussion, même avec des enfants de 10 ans, est surprenante. C'est presque plus difficile avec les ados, sans doute à cause du poids ou de la force du groupe, du regard des autres, etc...

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