01/08/2025

« Fou que tu es, ce soir même, on te redemande ta vie ! » (18ème dimanche du temps)

 Landscape portrait of people over a table.

   

Les inégalités ne cessent de se creuser. Les riches le sont toujours davantage, les pauvres ont de moins en moins de ressources. Les inégalités sont visibles entre pays et à l’intérieur de chaque pays. Il est impossible de lire la page d’évangile de ce jour sans que l’absence de vergogne avec laquelle le gouvernement états-unien se comporte ne saute aux yeux, mais aussi, même si c’est de façon moins criminelle et brutale, un gouvernement comme celui de la France. Les propos des ministres de l’Intérieur et de la Justice ne semblent pas faire de la dignité humaine, inscrite dans les déclarations des droits de l’homme, le premier principe régulateur de leur politique.

Tous savent que l’impôt, agent de redistribution, en pourcentage, épargne largement les plus riches. Tous savent que le discours qui visent à stigmatiser les pauvres comme ceux qui seraient la source de dépenses folles, « un pognon de dingue », ne repose sur aucun élément factuel. La fraude des plus modestes aux prestations sociales représente epsilon par rapport à la fraude fiscale et la fraude des entreprises.

« Fou que tu es, ce soir même, on te redemande ta vie ! »

Quand ceux qui profitent du système inégalitaire qu’ils ont eux-mêmes mis en place se réclament de l’évangile, la loi du plus fort qu’ils exercent est d’autant plus scandaleuse. Si déjà l’évangile permettait un peu de morale sociale, ce serait pas mal. Nombre de ceux qui s’en réclament s’assoient dessus.

On n’en finira pas de marteler la doctrine sociale de l’Eglise tant que la vie de Jésus, n’imprègnent pas la vie des disciples. Dans l’Eglise aussi les richesses sont accumulées par certains, congrégations puissantes, souvent nouvelles, parfois dissoutes par ordre romain, parfois dans des tourmentes judiciaires qui n’en finissent pas. Et avec l’argent, c’est une manière d’influer sur les médias, l’éducation, sans égards pour la démocratie. Ceux qui se disent chrétiens et agissent de la sorte détournent de la foi. Comment voir en eux le visage à l’image duquel eux aussi ont été créés ? Comment ne pas haïr Dieu s’ils sont son visage ?

Il ne s’agit pas d’être idéaliste et de rêver un monde de bisounours. Il s’agit seulement de dénoncer la destruction des lois qui limitent la loi de la jungle, il s’agit seulement de demander à ce que personne ne meure parce que l’autre en veut toujours plus. C’est très réaliste : il suffit de fréquenter quelques pauvres, de voir les conséquences de lois injustes. Ce n’est pas Qohèleth qu’il aurait fallu lire, mais les dénonciations d’Amos contre ceux qui exploitent les frères ou la parabole de Nathan.

Même si la participation à la redistribution, obligatoire ou volontaire ne renversera pas les choses, elle permet déjà aujourd’hui de venir en aide à des millions de femmes, d’enfants, d’hommes, en France et dans le monde. Est-il possible que l’aide alimentaire soit le recours pour tant de nos concitoyens, que tant d’entre eux doivent dormir à la rue ou dans des conditions insalubres ou dangereuses ? Les marchands de sommeil n’ont pas l’envergure économique des multimilliardaires, ils n’en abusent pas moins des plus pauvres, s’enrichissent sur leur dos. L’exploitation des ressources de la planète profitent à ceux qui ont peu de risques de tout perdre par suite du dérèglement climatique et de la réduction de la biodiversité.

Le réaliste d’une écologie intégrale, d’une vie qui envisage les frères, à commencer par les plus fragiles, est imitation de Jésus. Histoire de « marcher comme lui a marché », non qu’il eût à connaître notre situation, mais qu’il a fait en sorte que sa propre vie ne compte pas plus que celles des autres. Sans ce genre d’existences, Dieu est impossible. Soigner les frères ou simplement leur permettre d’accéder à ce à quoi ils ont droit, c’est rendre Dieu croyable. Et si Jésus est engagé sur ce chemin, c’est parce qu’il est le seul praticable pour la gloire de Dieu et le salut du monde, de chacun en ce monde. Le non-respect des pauvres et le piétinement de leur dignité est un péché mortel, non pas une affaire de morale économique mais un crime, des crimes par millions. Le partage et la fin de l’accumulation des richesses, les lois qui visent le bien commun et non l’enrichissement des plus riches et la puissance des puissants a aussi un sens théologique.

On peut se croire civilisés, sortis du cannibalisme. « Quand ils mangent leur pain, ils mangent mon peuple ! » Ce à quoi nous assistons est un festin cannibale ! Pour qu’on en finisse Jésus habite avec les pauvres et donne sa chair à manger.

 

Greg Semu, Auto-portrait with twelve disciples, 2010, 120 x 343.4 cm, National Gallery of Australia, Kamberri/Canberra.

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