13/06/2010

Le cœur de la foi (11ème dimanche)

Posons-nous une petite question, si simple, si innocente. C’est quoi être chrétien ? C’est quoi, être disciple du Christ ? Pouvons-nous le dire en une phrase ?

Lorsque j’anime une préparation baptême, c’est le premier volet de ma catéchèse. Alors que nombre de ceux que nous croisons à l’occasion de la préparation des sacrements ne sont pas de ceux qui se croisent ici dimanche après dimanche, avant de savoir quel est le sens du chrême ou même ce que signifie le mot baptême, il importe de se dire le cœur : c’est quoi être chrétien ?

Nous pourrions faire entre nous un tel exercice, sans forcément imaginer que tous connaissent la signification du chrême ou savent que baptême désigne en grec le plongeon ou la plongée, plongée dans la mort de Jésus, pour avec lui traverser l’eau et renaître à la vie nouvelle.

Lundi dernier, une des mamans présentes en vient à dire qu’être chrétien, c’est respecter des règles. Evidemment, ce qu’elle dit n’est pas faux. Evidemment, on peut même entendre très positivement une telle réponse. Mais tout de même, cela me fait mal, cela me transperce le cœur que des gens puissent ainsi penser que le cœur de la foi réside dans l’observation de règles. Cela me fait mal, parce que ces gens sont écartés du cœur de la foi. Parce que ces gens, qui demandent peut-être pas mieux qu’à croire, quel que soit par ailleurs l’engagement qui est le leur pour vivre leur foi, ces gens n’ont pas entendu, n’ont pas su entendre, n’ont pas pu entendre le cœur de la foi.

Ne devrions-nous pas réentendre l’évangile de ce jour. N’est-ce pas la fin des règles ? N’est-ce pas la gratuité de l’amour ? Comment est-il possible que le cœur de la foi ne soit pas la gratuité même de l’amour ? Oh certes, vous pourrez mettre des règles à l’amour, et il le faudra peut-être. Mais s’il y a d’abord les règles, c’est insensé, on passe à côté du plus important.

Etre baptisés, être chrétiens, être disciples de Jésus, c’est la reconnaissance de ce que Dieu nous aime. Nous avons connu l’amour et nous y avons cru. S’il y a quelque chose à dire à ceux qui veulent savoir ce qu’est notre foi, aux enfants à qui souhaitons la transmettre, à nous aussi, c’est cela et cela d’abord, et seulement.

Regardons encore l’évangile. Cette femme n’a sans doute pas tout fait dans les règles, à la différence du pharisien Simon. Lui non plus n’est pas parfait, évidemment, mais son imperfection ne se voit pas trop, comme la nôtre. Et qui est disciple du maître ? Qui est éperdu d’amour ? Celle qui n’a pas tout fait dans les règles. Certes, on peut aussi être disciple et tout faire dans les règles, mais tout faire dans les règles n’est pas une condition, ni suffisante, ni nécessaire. Aimer est le seul sens de la foi. Ama et fac quam vis.

Il ne s’agit pas de prêcher l’anarchie, mais il n’est pas tolérable que la prédication chrétienne soit retenue comme étant celle de règles au point que l’on en oublie cette bonne nouvelle incroyable : Dieu fait de nous ses amis ; Dieu nous épouse comme la bienaimée ; Dieu nous chérit comme ses enfants.

Nous sommes aux antipodes de la religion, non qu’il s’agirait d’instruire à nouveau le procès de la religion dans son opposition avec la foi. Mais force est de reconnaître que nous ne pouvons rien faire pour Dieu, quoi qu’en pense le pharisien Simon. Et de fait, il n’a rien fait, il n’a pas même pratiqué les gestes de l’accueil. On peut se remuer, préparer un repas, on peut suivre toutes les règles et passer à côté du cœur, rater ce à quoi l’on dit pourtant tenir. Quant à oser l’impensable, qu’un Dieu, que Dieu lui-même nous aime au point de nous relever, cela finalement, est plus dérangeant, car l’amour oblige, et plus que les règles, sans mesure.

Si le cœur de l’évangile est effacé par les règles, c’est qu’il est plus simple d’observer les règles, mêmes les plus contraignantes, que de se laisser aimer par Dieu. L’opposition paulinienne de la foi et de la loi pourrait signifier exactement cela.

L’évangile est renversement total. Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés le premier. L’évangile n’est pas récompense que nous obtiendrons demain parce que nous aurons bien fait, c’est l’annonce de ce que tout est déjà donné, sans condition.

Voilà les béatitudes, l’ouverture de l’évangile : non la récompense consolante, mais la bonne nouvelle que la vie de l’homme est le bonheur, malgré la croix qu’il faut traverser, parce dès toujours, Dieu offre à l’homme le meilleur, lui-même.

Le bonheur de l’homme n’est pas dans la réussite ; nous sommes les disciples d’un perdant. Le bonheur de l’homme n’est pas dans la recherche de la vie bien ordonnée, réglée, dans la quiétude d’une aisance tant pécuniaire qu’affective, dans le savoir le plus pertinent ou la confession de l’orthodoxie. N’allons pas dauber là dessus pour autant ! Et cependant, le bonheur de l’homme est dans la reconnaissance, incroyable, de qu’il est aimé par Dieu même.


Textes du 11ème dimanche C : 2 Sa 12,7-13 ; Ga 2, 16-21 ; Lc 7,36 – 8,3

On trouvera une lecture de l'évangile par le peintre Philippe de Champaigne en suivant le lien http://berulle.over-blog.com/article-11e-dimanche-du-temps-ordinaire-52129155.html

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