11/11/2010

Se rendre à la radicalité, horrible, de la croix

Théophilyon, Novembre 2010

Relecture du Verbe et la Croix de Stanislas Breton (Paris 1981)

Patrick Royannais

Il n’a pas revendiqué son droit d’être traité à l’égal de Dieu, mais il s’est anéanti, vidé de lui-même, jusqu’à la mort et la mort de la croix. Se pourrait-il que le commentaire d’un tel événement soit autre chose que l’ascension du « mont chauve » ? Pourrait-on ne pas rater le « dit » du texte à ne faire qu’expliciter un savoir voire une profession de foi ?

Commenter la kénose est une marche, une traversée à la suite du Fils, un exode kénotique. De quoi s’encombrerait-on ? Tout bagage est impedimenta tant le chemin est rude, tant l’eau est profonde. N’emportez rien pour la route ! Ce qui nous alourdit est ce que nous avons le plus de mal à abandonner. Le reste, nous l’avons déposé depuis longtemps. Mais ce à quoi nous tenons vraiment, à commencer peut-être par l’attachement à ce Fils et les justifications d’un tel attachement, et aussi tout ce qui nous rend possible de comprendre, de penser, sans parler des frères, sœurs, père et mère, voilà qui nous constitue si subtilement que nous ne savons pas nous en défaire, que souvent, nous ne pouvons pas même le voir, ne voyant que nous-mêmes. Il n’y a pas de jugement moral ici, seulement l’impossibilité de marcher qui oblige à tout quitter.

La pensée de Breton est un dispositif ou un procès dont on ne peut savoir a priori jusqu’où il mènera. La médiation de la croix introduit à une critique des plus radicales et quel chemin de croix pourrait ignorer l’horrible ? Nos certitudes y compris celles de la foi, voilà ce qu’il faut débusquer pour en être libérés et sans cesse recommencer la quête, l’ascension. Wohin ? interrogerait, étonné par l’insistance et la précipitation le croyant encore spectateur auquel Bach répond sans hésiter : Nach Golgotha.

Pourrait-on alors, devrait-on tout démonter, ne plus rien affirmer ? Non, évidemment, si l’entreprise est de démolition. Si, combien plus, s’il s’agit de se désencombrer, de se défaire de ce en quoi l’on se prend les pieds, s’il s’agit de ne rien revendiquer, à son tour, pour suivre celui qui s’est vidé prenant forme d’esclave. Renouvellement de la manière de penser qui n’est pas simple changement de pensée mais exercice spirituel.

(...)

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