09/09/2016

Car éternelle est sa miséricorde (24ème dimanche)


Cette semaine, nous nous retrouvons avec quelques prêtres. A la messe, partage d’évangile. Un des confrères, pour rendre compte de la sévérité de Paul dans une histoire de mœurs à Corinthe, avance que la miséricorde n’est évidemment pas sans conditions. La miséricorde ne peut tolérer, pire, encourager, n’importe quoi !
C’est juste le contraire des paraboles que nous venons de réentendre (Lc 15). Aucune contrition n’est exigée, aucune condition posée. On ne saurait rendre une brebis responsable de son égarement. Une pièce ne se perd pas toute seule ! Le berger comme la femme remue ciel et terre pour retrouver ce qui était perdu, oublie tout pour chercher, inconditionnellement.
Le fils revient. Le père ne lui demande rien. Il interrompt le boniment préparé. Il est hors de question d’entendre le fils se proposer comme journalier. Il est fils et ne peut être que fils. Il faut faire vite à l’habiller correctement pour lui rendre sa dignité et faire la fête. A courir se jeter au cou de son fils, le père rend impossible une discussion sur les conditions d’accès à la maison.
La miséricorde de Dieu est inconditionnelle. Il ne reste à ce prêtre plus que deux mois de l’année de la miséricorde pour l’entendre. Il ne reste à notre Eglise que deux mois pour profiter de l’année de la miséricorde et se convertir, changer sa conception de Dieu, changer de Dieu. Dieu est riche en miséricorde. Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craigne, elle est sans limite.
Nous voulons que le coupable soit puni, ce n’est que justice. Sans aucun doute, la justice est nécessaire. Sans justice, tout ne serait que laxisme. Le mot est lâché, l’horreur qui nous tente visiblement beaucoup. Mais pour Dieu, la justice passe par la miséricorde.
De fait, il faut dire un non sans concession au mal. Le jugement, c’est cela, le non radical au mal, la condamnation du mal. Puissions-nous être pris par le non radical de Dieu au mal, refusant de pactiser avec le mal quitte à payer plus cher pour ne pas faire travailler des enfants ou sous-payer les travailleurs, y compris les agriculteurs par exemple. Refuser de pactiser avec le mal, quitte à ne plus vendre d’armes et à déséquilibrer la balance commerciale. Refuser de pactiser avec le mal, quitte à partager nos revenus. Refuser de pactiser avec le mal et obliger nos pays à sauver de la mer et de la mort les réfugiés politiques et économiques, à les accueillir, etc., etc.
Le mal, en Jésus, Dieu s’y est livré et y a perdu quelques plumes ! Le jugement consiste dans la radicalité du non qui nous engage comme Dieu en une lutte où nous risquons de perdre des plumes, un non qui aime et peut nous faire prendre les coups, plutôt que d’en donner. Le jugement de Dieu, le non au mal, c’est aussi à nous de le manifester par notre propre non au mal en son nom.
Nous voulons que le coupable soit puni. Mais nous sommes aussi coupables. Exigeons-nous la même rigueur du jugement ? Nous préférons évidemment la miséricorde, que nous réduisons de ce fait au pardon des péchés. Mais la miséricorde n’est pas le pardon. Elle est Dieu qui voit la misère de son peuple. J’ai vu la misère de mon peuple.
Reprenons nos paraboles. La pièce et la brebis ne sont pas coupables. Les paraboles montrent un Dieu qui ne cesse de chercher. Le fils pourrait bien représenter Jésus lui-même, parti vers un pays lointain, le nôtre, où il se dépense sans compter, où il aime sans compter, au point qu’on lui reproche d’être toujours avec les prostituées et les pécheurs, de gaspiller son bien avec des filles. Au point qu’on le traite de glouton. Au point qu’on le tue comme un malfaiteur, maudit qui pend au gibet. Il ne lui reste qu’à retourner chez le père, vidé (ekenôsen). Il a aimé jusqu’à l’extrême pour que nous, les hommes, soyons atteints par l’amour inconditionnel du père. Sa miséricorde s’étend d’âge en âge. Car éternel est sa miséricorde.
Dieu est miséricorde, saisi de pitié, pris aux entrailles. Le croyons-nous ou préférons-nous le dieu surveillant général qui met de l’ordre ? Dieu ne met pas d’ordre, il organise des fêtes quand il retrouve ceux qu’il avait perdus, quand il nous retrouve. Le puissant fit pour nous des merveilles, saint est son nom.

7 commentaires:

  1. Oui ,cent fois oui la miséricorde de Dieu est sans limite, c'est incontestable et je suis bien d'accord avec tout ce que vous proposez de faire dans bien des domaines,mais le Christ a dit aussi qu'il fallait nous efforcer de passer par la porte étroite ,et d'autre ^part dans la parabole des "vierges folles" ne nous a-t-il pas indiqué qu'il y avait une limite à la miséricorde de Dieu malgré tout. oui, cent fois oui, Dieu est plein de miséricorde mais tout de même à condition que d'une façon ou d'une autre nous manifestions le désir de bénéticier de sa miséricorde car il ne nous sauvera pas malgré nous
    Dieu surveillant général? Il n'en n'est pas question. Pour autant je ne peux pas chanter "on ira tous au Paradis"

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    1. Comment pouvez-vous être cent fois d'accord avec le fait que la miséricorde est sans limite et écrire, "oui, MAIS". ou encore "Dieu est plein de miséricorde MAIS TOUT DE MËME A CONDITION..."
      Vous n'avez pas peur de vous contredire !
      S'il y a un "MAIS", la miséricorde n'est plus inconditionnelle, sans limité.
      Alors il faut lire autrement les vierges folles, la porte étroite (je m'y suis essayé il y a peu, c'était mi août), etc.
      Cela va vous obliger à changer de théologie, à vous convertir. Désolé, mais on ne peut tenir une vieille théologie et la raccommoder avec un morceau de théologie nouvelle, sans quoi on perd et la vieille et la nouvelle !

      Qu'en savez-vous que Dieu ne nous sauvera pas malgré nous ? Vous protégez bien les enfants malgré eux des bêtises qui les mettent en danger. Toujours, je subodore, dans cette affaire de liberté, un antiluthérianisme pour défendre le libre arbitre. La théologie de conflit ou d'opposition ne peut qu'être mauvaise.
      La liberté est une chose, mais y recourt-on correctement à l'opposer à la miséricorde ? Le dessein de Dieu ne peut s'opposer à la liberté de l'homme. La volonté de Dieu et la liberté de l'homme croissent dans les mêmes proportions. Plus l'homme est libre, plus la volonté de Dieu peut s'exprimer.
      Quant à tous aller au paradis, je n'en sais rien. Mais je ne sais pourquoi vous ne pouvez chanter. Si certains étaient perdus, ne serait-ce pas la preuve que la victoire de Dieu ne serait pas totale ? Vous pensez comme si la brebis perdue pouvait n'être pas retrouvée. Vous êtes cent pour cent avec l'évangile et la miséricorde, mais vous l'annulez. C'est exactement le problème que je dénonce, et je comprends que cela puisse vous chatouiller.
      H. U. von Balthazar s'est permis de développer la théologie de l'apocatastase comme l'on dit. Je crois que la brebis perdue est retrouvée.

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  2. Merci d'abord de votre réponse.Je suis parfaitement conscient de la contradiction qu('il y a dans mes propos, parfaitement,mais je ne peux passer sous silence les nombreux passages de l'Evangile où le Christ , me semble-t-il , laisse entendre qu'il y aura beaucoup d'appelés et peu d'Elus et qu'il est impossible à l'homme de se sauver par lui-même mais que rien n'est impossible à Dieu.
    Alors bien sûr votre thèse de retour général de la Création à son état avant le Péché est très séduisante mais qu'en savons-nous pour l'affirmer de manière définitive.
    oui, l'Enfer est peut-être vide et à la réflexion après tout pourquoi pas,,mais pour autant il me semble impossible de l'affirmer

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    1. Ce n'est pas ma thèse. Je dis que je ne sais que penser. Je dis que c'est ce qu'affirme Balthazar. Et il a argumenté. Mais si nous ne pouvons nous affirmer cette thèse, comme vous dites, comment pourrait-on davantage affirmer un enfer plein ?
      Ce que je note, c'est qu'une fois de plus la miséricorde est mise du côté du péché. Je fais mon possible pour dire que ce n'est pas le problème. Dieu a vu la misère de son peuple avec son cœur. Dieu voit avec le cœur la misère de son peuple. C'est cela la miséricorde. Pourquoi la ramener toujours au péché ? La citation du Magnificat, son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent, que l'on peut comprendre de façon inclusive, ne fait pas allusion au péché.
      Oui, je le redis, il faut réinterpréter l'évangile à partir de la miséricorde. J'ai écrit que cela pourrait être l'apport de ce pontificat. Que la miséricorde soit clé herméneutique. Elle n'est pas affaire de pastorale mais affaire dogmatique. Cela change un peu, beaucoup, les choses, je l'accorde, et c'est pour cela que je parle de conversion.
      C'est déjà le discours d'ouverture de Jean XXIII du dernier concile et celui de clôture de Paul VI. Mais entre ces deux pontifes et l'actuel, comment dire ?, je crois qu'on a ignoré le tournant conciliaire dans ce qu'il avait de plus radical, de plus scandaleux, le retour au scandale évangélique.
      Dieu aime les pécheurs, Dieu aime les pauvres et les paumés. Il habite chez eux. Cela ne veut pas dire qu'il déteste les gens biens, les bons pharisiens ou chrétiens, que dis-je catholiques. Mais Jésus ne cesse de mettre les bons pharisiens en alerte. Votre bonté ne vous donne aucun droit, ne fait pas votre salut. Vous êtes comme les autres les bénéficiaires de la miséricorde, de l'amour de Dieu.
      Jésus ne conteste pas que cette femme était adultère. Mais qui pourra jeter la pierre à cette femme ? Voilà où ça coince.
      Mieux encore, il habite chez les pauvres et les pécheurs. ça tombe bien, cela fait qu'il habite chez tout le monde. En est-il un qui ne le soit ?

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    2. Je comprends très bien ce que vous dîtes,jusqu'à un certain point je voudrais y adhérer mais je n'en suis pas capable aujourd'hui en tout cas

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    3. Merci.
      Mais pourquoi ne pas s'abandonner simplement à la miséricorde divine ? Si, dans ce monde trop souvent implacable, nous pouvons déjà vivre la grâce, Dieu qui s'offre, pourquoi résisterions-nous ?
      Seulement se jeter dans les bras du Père, mieux, seulement se laisser enlacer par les bras du Père qui vient nous chercher dans nos morts et nous offre sa tendresse, sa douceur.
      Sauf si cela n'est pas. Mais si cela n'est pas, alors rien ne nous retient d'être disciples. Au contraire. Car c'est pour cela et rien d'autre (et rien de moins ! Dieu lui-même qui s'offre) que nous sommes disciples.

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  3. Mais je m'abandonne absolument à la Miséricorde divine dont j'ai bien besoin pour vivre mais je m'oblige à tenir compte de TOUT ce qu'il y a dans l'Evangile et c'est loin toujours d'être clair.Bien sûr que personne ne peut jeter la première pierre à la femme adultère,car qui peut se croire juste? Qui?Comme je l'ai déjà dit ailleurs je crois fermement que lorsque je serai devant le Seigneur je serai les mains vides car ce que j'aurais fait de bien sur terre ne sera jamais ce que j'aurais permis à Dieu de faire par l'intermédiaire de mes mains.

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