Aujourd’hui, je ne commenterai pas les textes. J’espère bien
cependant commenter la parole de Dieu en reprenant la doctrine sociale de
l’Eglise à l’occasion de la journée mondiale du migrant et du réfugié. Cette
journée n’est pas une nouveauté ou la lubie de l’actuel pontificat. C’est
Benoît XV, il y a 104 ans, qui l’institua et Jean-Paul II qui en fixa la date.
Il ne s’agit pas de s’attendrir sur le sort des déplacés ni
de faire pleurer dans les chaumières, même si l’image-choc du petit Aylan
Kurdi, dont le corps était ramassé par un garde-côte turc en 2015 avait
vivement ému l’opinion, comme le font ces jours les africains qui passent le
col de l’Echelle dans les Hautes-Alpes. Mais l’émotion ne dure pas ; c’est
de réflexion et d’action que nous avons besoin.
A cause de l’efficacité oratoire de l’émotion, je ne résiste
cependant pas à rapporter des propos récents du président des Etats-Unis
d’Amérique. « Pourquoi
est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ? »
La Maison Blanche n'a pas démenti et commente : « Certaines
personnalités politiques à Washington choisissent de se battre pour des pays
étrangers mais le président Trump se battra toujours pour le peuple américain ».
Tout est dit, le mépris et la vulgarité sous couvert de se
préoccuper des siens. Et qui pourrait condamner celui qui prendrait soin des
siens ?
Des migrations, il y en a toujours eu. C’est une histoire
aussi vieille que l’humanité. Les Européens aussi migrèrent en grand nombre, décimant
au besoin les populations des territoires qu’ils découvraient et s’appropriaient.
On apprend à l’école les « invasions barbares ». Les deux mots
méritent critique. S’agit-il d’invasion ou de migration ? On redécouvre
aujourd’hui la culture de ceux qui ont transmis la culture romaine parce qu’ils
l’ont admirée. Ils sont devenus chrétiens, voire catholiques, comme les Francs
de Clovis.
On estime à 250 millions les migrants aujourd’hui, soit 3%
de la population mondiale. Le chiffre est en légère augmentation (absolue et
proportionnelle) ces dernières années, dopé par la mondialisation voulue par et
pour l’économie. Entre 2000 et 2010, le Bangladesh, le Mexique et l’Inde ont
constitué les premiers pays d’émigration, qui l’aurait dit ?
On parle de crise migratoire. Mais n’est-ce pas parce que
nous nous focalisons sur les migrants des pays pauvres qui viennent dans les
pays riches. Plus de 50 millions des migrants viennent des pays du nord, ce
n’est pas rien, 20%. On ne parle jamais des migrations Sud-Sud. On ne parle
jamais de crise migratoire pour les Espagnols, nombreux, jeunes et qualifiés
qui ont quitté leur pays pour chercher du travail. Ils seraient un demi-million
en 5 ou 6 ans. Pas davantage pour les deux millions de français vivant à l’étranger,
soit 3% de la population française. Nous sommes en pourcentage exactement
autant de français hors de France qu’il y a de personnes dans le monde hors de
leur pays. Trump disait qu’il était prêt à accueillir les Norvégiens plutôt que
les ressortissants « des pays de merde ». « Crise migratoire »
paraît signifier arrivée non acceptée de personnes pauvres, de couleur, et non
chrétiennes. Certains reprochent à François d’avoir hébergé des musulmans
plutôt que des chrétiens d’Orient.
L’actuel gouvernement français souhaite améliorer le
dispositif du droit d’asile, et l’on peut s’en réjouir. Mais les migrants ne
sont que dans une faible minorité susceptibles de prétendre à ce droit puisqu’on
a décrété que la migration pour raison économique en était exclue. Vous êtes
accueillis en France si votre pays vous persécute. Mais si vous crevez de faim,
ce n’est pas notre problème. Nous sommes heureux de notre mode de vie. Comment
nous étonner qu’il fasse envie et attire ?
La question n’est pas de savoir si l’on peut accueillir
toute la misère du monde, mais de prendre nos responsabilités. Nos pays riches engrangent
les principaux profits et richesses de la planète. Couper la question des
migrants de celle de l’économie et de l’écologie, c’est déjà un mensonge. La question
n’est pas même de savoir si on est d’accord pour accueillir ou pas. On pourra
penser que nous avons le droit de reconduire à la frontière qui est entré
illégalement en Europe. Reste que nous avons le devoir de le faire en
respectant les droits de l’homme et que nous ne pouvons laisser la Méditerranée,
notre mer comme disaient les Romains, être le plus grand cimetière de la planète.
Jusque-là, pas besoin d’être chrétien. Il suffit de
comprendre ce qui se passe dans le monde en essayant de ne pas se placer
seulement du point de vue de nos intérêts, qui plus est à court terme, et de
notre confort, mais de se mettre un peu dans la peau des autres, ou seulement,
de chercher le bien commun de l’humanité. L’accueil que nous réservons, ou non,
aux pauvres prépare la paix ou les guerres de demain, celles que nous laissons
à nos enfants.
La doctrine sociale de l’Eglise aide toutefois à comprendre
la situation du côté des autres. « N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce
à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges. » Le
conseil de l’épître aux Hébreux, nombre de ceux qui accompagnent les migrants,
croyants ou non, en font l’expérience. Comme Abraham, on peut avoir peur où se
méfier de l’inconnu qui arrive. Que nous veut-il ? La paix ou le vol ?
(Les migrants sont plutôt en situation de faiblesse et n’arrivent pas les armes
à la main comme les Européens aux Amériques ou dans les colonies, et encore aujourd'hui!)
A rencontrer, on connaît la grâce qu’ils offrent par leur seule
présence, leur volonté démesurée de vivre, la fraternité élargie et partagée. Avant
d’avoir un avis sur les migrants, nous pourrions nous engager à avoir parlé
humainement, à avoir écouté l’un ou l’autre. Ce serait déjà beaucoup. Nous ne
croyons plus aux anges, mais c’est mieux encore que nous accueillons, le
Seigneur lui-même. « Tout ce que vous aurez fait, ou pas, à ces petits qui
sont les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait, ou pas. »
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