L’Eglise qui devrait être signe de l’humanité réconciliée est
divisée. Dans ces conditions, peut-elle accomplir sa mission ? Peut-elle
être l’Eglise si elle n’est pas une ? On ne pourra sans doute pas aller
jusqu’à dire que la division des chrétiens est la cause de la déchristianisation,
mais il n’est pas contestable que les séparations, depuis les guerres de
religion jusqu’à l’ignorance commune des uns par les autres, discréditent l’évangile
même.
Que l’on s’oppose en traitant les autres d’hérétiques, se pensant uniques disciples authentiques, est source d’un scepticisme ou d’un
relativisme qui ne peut qu’atteindre la vérité évangélique. Est-il possible qu’une
Eglise confisque l’unité du Credo, je
crois l’Eglise une ?
Il fallut des années pour que les séparations apparaissent scandaleuses
au point de mettre en route un mouvement œcuménique, un souci de l’unité.
Contre la volonté d’unité, certains, y compris des papes, préférèrent mettre en
garde contre l’esprit mortel de la relativisation de la vérité. Pire, on
continua à poser des définitions dogmatiques dont on savait qu’elles ne pourraient
que rendre plus difficile l’unité. Les évêques espagnols dans leur très grande
majorité s’opposèrent à la déclaration conciliaire de 1965 sur la liberté de
conscience parce que rien n’empêcherait alors les protestants de se développer dans
leur pays !
Aujourd’hui encore, plus de cinquante ans après le décret
conciliaire sur l’unité, on continue à lire ici ou là, de la part de
catholiques, un usage péjoratif du terme protestant. Ce sont nos frères, mais
que surtout l’on ne pense pas comme eux !
Nous préférons encore la vérité à l’unité. Mais nous
rendons-nous compte de la fumisterie de la chose ? Qu’est-ce que la
vérité, si elle n’est pas partagée, commune ? Pire, comment peut-on penser
que ce que l’on dit, y compris dans une Eglise, coïncide avec la vérité au
point d’exclure du vrai tout ce qui serait différent de ce que cette Eglise enseigne ?
En toute bonne conscience, en toute certitude d’être dans la
vérité, d’être orthodoxes, nos Eglises contreviennent au commandement du
Seigneur. L’actuel pape semble mesurer la limite du chemin emprunté jusqu’à
présent. Les théologiens ont travaillé et sont parvenus à de nombreuses
possibilités de rapprochement. Ils butent aujourd’hui sur des sujets à propos
desquels les évêques ne sont pas près de changer. François propose alors d’encourager
tout ce que nous pouvons faire ensemble, notamment dans le service des autres,
espérant que, nous connaissant, agissant ensemble, nous appréciant, il devienne
évident que nous sommes unis, que nous ne pouvons plus nous satisfaire des
divisions. Pas sûr que cela marche mieux !
La question me paraît être de savoir si nous pouvons
continuer à penser qu’il manque quelque chose de décisif pour la foi dans toutes
les autres Eglises. Nous pouvons ne pas partager certaines manières de faire,
de penser, d’enseigner, de prier. Très bien, mais pensons-nous qu’il manque à
toutes les Eglises quelque chose de décisif pour la foi ? quelque chose qui leur manque-plus
qu’à nous ? Et si ce qui manquait surtout c’était l’unité, que nous
pourrions nous offrir.
L’unité ne signifie pas le retour à une unique institution.
L’histoire nous a formés en différentes théologies, différentes manières de prier,
différentes manières de nous organiser. Nous ne saurions renoncer à cela sans appauvrir
toutes les Eglises. Mais ne pouvons-nous pas reconnaître que nos Eglises, avec leurs limites, sont des lieux de l’authentique
discipline du Christ et que partant, nous nous reconnaissons disciples authentiques
de Jésus. Nos différences nous opposent moins qu’elles expriment la légitime et
nécessaire diversité d’une unité des différences. L’unité est un acte pas un
état ; l’unité se fait des différences, elle n’existe pas comme absence de
différences.
A titre de comparaison, la diversité des spiritualités, des
théologies, des communautés, religieuses ou diocésaines n’empêchent pas d’être
unis dans une même Eglise catholique. Non que nous soyons tous et toujours d’accord
entre nous, c’est rien de le dire, mais importe l’unité. Nous ne pourrions rien
faire sans vivre en communion, même différents voire opposés. Sans quoi nous
serions une secte !
Si les autres Eglises, ou pour le moins d’autres Eglises et
communautés ecclésiales, permettent, aussi bien que notre Eglise catholique, d’être
disciples, qu’attendons-nous pour en tirer les conséquences, reconnaître que nous
sommes les uns avec les autres, les uns grâce aux autres, l’authentique Eglise
du Christ qui reçoit son unité du Christ, une, non d’être uniforme mais unifiée,
faite un.
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