Nous nous désolons du nombre toujours plus réduit de
chrétiens dans les sociétés occidentales. Il s’agirait d’une perte de repères,
de la dissolution de notre identité dans une société riche, relativement sûre, confrontée
à l’arrivée importante de populations non-chrétiennes, où chacun est préoccupé
par ses droits individuels plus que par le bien commun. Alors que nous fêtons
l’épiphanie où trois mages païens, non-juifs, viennent se prosterner devant
l’enfant de la crèche, il y a de quoi être nostalgique. Il est loin le temps où
l’on devenait chrétien par milliers.
« Ainsi parle le Seigneur : En ces jours-là, dix
hommes de toutes les langues des nations saisiront un juif par le pan de son
vêtement en disant : Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris
que Dieu est avec vous. » Il se pourrait que ce temps n’ait jamais existé,
seulement prophétisé par Zacharie et mis en scène, mythiquement, au début de
l’évangile de Matthieu ou dans quelques notices des Actes.
Qu’en est-il de l’épiphanie aujourd’hui ? Qu’en est-il
de la manifestation à toutes les nations de la vie que Dieu nous offre ?
S’il s’agit d’établir un plan pour la mission, de nombreuses
données doivent être prises en considération. Une analyse rigoureuse de la
société est évidemment nécessaire. On apprendra à la connaître plutôt qu’à projeter
sur elle des idées toutes-faites. On prendra connaissance de ses espérances et
ses désirs. Tout cela est d’importance.
Je propose cependant autre chose. Je propose que nous nous
interrogions, nous, Et si le recul de la foi, nous en étions
responsables ? Ou, plutôt, car il ne sert jamais à rien de flageller, si,
devant le recul inéluctable de la foi, nous ne jouions pas la bonne partition.
Les mages sont partis parce qu’une étoile était apparue,
parce qu’un signe les avait intrigués dans le ciel et dans la nuit. C’est dans
l’obscurité qu’a brillé la lumière. Nous pensons que notre société se traine
bien loin de la lumière. Voilà qui ne devrait pas nous décourager. Il va être
possible d’y faire briller un peu de lumière. Même si nous ne sommes pas
brillants, même si nous ne sommes pas des lumières, s’il est une nuit, soyons-y
au moins une lueur, un signe à l’Orient, un signe qui intrigue.
N’est-ce pas notre vocation baptismale ? N’avons-nous
pas reçu le feu de la flamme pascale pour être lumière ? Quelle
prétention. Ou plutôt, quelle responsabilité. J’y reviens. A supposer que notre
monde soit dans la nuit, que ce que nous disons être nuit le soit
effectivement, nous avons la responsabilité de porter la lumière reçue, le Christ
reçu. C’est lui la lumière. Nous ne sommes chargés que de le porter, lui.
Plutôt que nous de lamenter et gémir sur la nuit, dépêchons-nous d’apporter un
peu de lumière.
Or, à regarder nos vies, sont-elles si différentes de la vie
de ceux qui vivent sans Dieu, de ceux qui ont perdu tout repère ou s’ingénient
à brouiller tous les repères, ainsi que nous disons ? En quoi l’évangile
a-t-il mis le feu à nos vies pour y consumer la nuit ? Et s’il n’y avait aujourd’hui
pas de mages venus de loin parce qu’il n’y a pas de signe, d’étoile à l’Orient
qui intrigue au point de faire se déplacer ceux qui seraient dans la nuit.
L’épiphanie, si on la prend comme mission, comme la
nécessité de la mission pour que soit manifestée au monde la lumière des
nations, Jésus, pourrait bien être une critique radicale des disciples de
Jésus. Qu’avons-nous de différents des autres qui ferait de nos vies des signes
dans la nuit, puisque nous prétendons que le monde court à sa perte ? En
quoi sommes-nous signes dans la nuit, lumières de porter la lumière du Christ ?
Et si le monde n’est pas dans la nuit, porte le Christ sans même le savoir, le
voyons-nous, le reconnaissons-nous ?
La société nous convoque à la conversion, à la sainteté, par
son désintérêt-même de Jésus, par son rejet de l’Eglise (qui bien souvent ne
peut être que sainement rejetée pour la santé du monde tant le péché y prospère).
Vous me direz, le monde ne veut pas de signe, il veut les
évidences clinquantes. Nous aussi d’ailleurs. C’est possible. Car ils sont
nombreux, mus par leur foi, mus par l’Esprit, à briller comme des lucioles dans
le service des frères, particulièrement de l’humanité blessée. Mais alors, ce n’est
plus notre travail. Si nous vivons de l’Esprit, cela finira bien par se voir.
Dans la nuit du monde, car il y fait effectivement aussi nuit, que le feu de l’Esprit
nous embrase comme autant de signes qui se dressent à l’Orient pour lever l’espérance
de ceux qui ne se contentent jamais totalement des injustices, violences,
haines, souffrances et morts. Ils sont nombreux.
Salut, et meilleurs voeux ! Que la grâce de Dieu te donne de vivre tout l'imprévu de cette année nouvelle.
RépondreSupprimerLe début de ton commentaire m'a rappelé que la foi est une lumière obscure - dans laquelle parfois brille un signe (critère objectif de discernement ?). Là où nous voudrions des certitudes confortables, ne nous est donnée q'une longue route sans confort, mais vécue avec passion. Après la rencontre, il est même demandé à nos héros de repartir par un autre chemin ! Qui a parlé de certitudes ou d'habitudes ?
Bref, bonne année !
Mt 2,2 Nous avons vu son étoile à l’orient… Mt 2,12 avertis en songe… ---> Dieu donne souvent des signes dans des nuits diverses. C’est dans nos obscurités que surgit parfois la lumière.
RépondreSupprimerBref, comme dit BCdlM, bonne année !