18/12/2020

Cet homme est Dieu Lc 1, 26-38 (4ème dimanche de l'avent)

Il s’agit de reconnaître en Jésus, cet homme, la présence de Dieu parmi les hommes, Emmanuel. Il s’agit de dire qu’en cet homme, Jésus, Dieu habite avec les hommes. Vous pouvez tourner cela comme vous voulez, recourir à l’abstraction, vous engager à gravir les sommets de la métaphysique, préférer confesser l’incompréhensibilité de Dieu, le constat est sans appel, l’affirmation de la divinité de cet homme fait exploser non seulement le langage, mais encore tout ce que l’on veut penser.

Oh certes, la mythologie a déjà pensé des dieux incarnés. Enfin, pas tant que cela. Les dieux veulent bien s’aventurer dans l’humaine nature, mais n’aiment pas trop y séjourner longtemps, y demeurer. Surtout qu’avec Jésus, ça finit mal, très mal ; la mort et la souffrance, la mort et l’infamie, la mort en croix.

Eh bien, puisque la mythologie est disqualifiée, comme discours de la fable, farfelu, irrationnel, sans la moindre vérification historique possible, elle peut être ce qu’il y a de mieux pour essayer de dire l’homme-Dieu. Et c’est le choix de Luc. Ce discours méprisé, qui n’est pas pris au sérieux, ne devrait pas faire illusion. Tout ce qu’il raconte est évidemment faux selon les critères de l’histoire, de la description. Mais à recourir au mythe, nous userons d’une stratégie, d’une ruse pour dire ce qui ne peut pas se dire, un Dieu homme, ou un homme Dieu.

Quelque chose nous fait parler comme cela faisait parler l’évangéliste. C’est le sens étymologique de mythe, parler. « J’ai cru, c’est pourquoi je parlerai. » Ce Jésus, mort en croix, enterré, nous fait vivre. Certains au cours des siècles depuis sa mort ont joué leur vie sur cet homme, mort et enterré. Et nous en sommes. Loin d’être un jeu morbide, cela nous donne la vie, nous fait entrer dans la vie, et nous parlons, un logos de la croix comme dit Paul, folie et scandale, un muthos.

Entrés dans la vie ? Nous le sommes depuis notre naissance. Certes. Mais on entre dans la vie de bien des manières. Ceux d’entre nous qui ont été amoureux, qui le sont, savent que l’autre fait vivre. Ceux d’entre nous dont l’amour s’éteint, qui se séparent ou sont séparés de leur amour, savent que la fin de l’amour est une mort à la mesure de l’amour qui fait vivre.

L’amour fait vivre, l’amour est naissance, renaissance. On peut naître à l’article de la mort. Nous le vivons assez souvent pour le savoir quoi que nous demeurions surpris, stupides, dans la stupeur, à le formuler. Cette naissance qui n’est pas biologique, pourtant nous prend tout entier, avec la chair, dans le corps ; comment la dire ?

Ce Jésus, cet homme né en Palestine au début de ce qui deviendra l’ère chrétienne, mort une trentaine d’années plus tard par le supplice de la crucifixion, cet homme engendre la vie. Il n’a pas eu d’enfants ; seulement des frères et sœurs. En nombre considérable, depuis le fond des âges. Cette fraternité, cette parenté comme Elisabeth et Marie sont parentes, par-delà les siècles et les races, les genres, les conditions et les fortunes, a fait vivre et fait vivre. Que voulez-vous que nous disions ? Il faut bien parler. Vivre comme Jésus est vie. Nous ne pouvons que le constater aujourd’hui et même la vieillesse est féconde, Elisabeth est sur le point d’enfanter, la Parole des prophètes d’Israël est fruit dans nos entrailles.

Comment cet homme mort est-il source de vie ? N’est-ce pas exactement la question de Marie : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? » Comment engendrer seul ? Comment vivre et donner vie ? « Comment naitre d’en haut » interroge Nicodème dans l’évangile de Jean.

S’il vous plaît, ne vous arrêtez pas à la magie d’une conception virginale, vous passeriez à côté de ce que nous croyons. Emerveillez-vous, étonnez-vous, comme les auditeurs de Jésus. Jésus est notre vie, source jaillissant en nous de vie. Nous sommes « comblés de grâce ». Ne faut-il pas se réjouir ? Qu’est donc la source de la vie, si ce n’est l’amour, si ce n’est un amour source, ce que l’on appelle Dieu ? « Dieu est amour. »

Alors, lisons le récit de Luc comme une annonce de ce que nous vivons inchoativement ; cet homme nous fait vivre. Nous vivons de ce que cet homme est Dieu, avec nous, au milieu de nous, Emmanuel.

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