11/12/2020

Si nous fêtons Noël (3ème dimanche de l'avent)

Nous avons ouvert dimanche dernier l’évangile de Marc. Il est si court que déjà il est remplacé par celui de Jean si l’on veut tenir pour une lecture continue toute l’année ! Cela nous vaut d’entendre de nouveau la prophétie d’Isaïe, avec le même jeu sur la ponctuation. Non pas « Voix de celui qui crie : Dans le désert, préparez la route », mais « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez la route. »

La tradition de Marc est pourtant bien distincte de celle de Jean. Il faut croire que les chrétiens des années 70 à 100 avaient l’impression de parler dans le désert. Cette impression pourrait aussi être la nôtre.

Sur qui l’évangile peut compter dans les vingt-neuf villages de la paroisse ? Je ne parle pas de ceux qui fréquentent la messe le dimanche, mais de ceux, réguliers de la messe ou non, qui œuvrent à la mission. Pour Jésus, il semble qu’ils seraient en nombre toujours limité. C’est une des rares intentions de prière qu’il commande : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson ». (Il faudrait réfléchir à ce que moisson signifie mission, nous n’aurions pas à semer, mais seulement à nous réjouir de la récolte.)

Ainsi donc, faisons la liste de ceux qui dans la paroisse sont attelés à l’annonce de l’évangile. Certains, nous les oublierons dans notre décompte, parce que nous ignorons toute de leur engagement pour l’évangile, de surcroît en dehors des relations pastorales.

Même si ces anonymes de la mission viennent grossir les rangs de la voix qui crie, reprenons notre liste. Sur qui compter, témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous croient par lui ; hommes et femmes qui ne sont pas la lumière, mais qui sont là pour rendre témoignage à la lumière.

Il y a quelques parents engagés dans la catéchèse ; il y a l’équipe qui accompagne les familles en deuil et celle qui anime les préparations baptême et mariage ; il y a les prêtres ; il y a cette jeune qui dit parfois à ses copains qu’elle est disciple et tel ou telle en soutien aux plus pauvres ; il y a ceux qui distribuent la feuille paroissiale et ceux, empêchés par l’âge qui se dédient à prier pour les autres. Des engagements à l’implication évangélique fort diverse.

Voilà la liste de ceux qui posent au cœur des villages, voix qui crient, le signe de l’attente du Seigneur, par la prière, l’engagement caritatif et l’annonce explicite de l’évangile. Le Pape a beau dire que les disciples sont par définition missionnaires, dans un diocèse, une paroisse comme les nôtres ils ne paraissent pas très nombreux à préparer la route.

Peut-être n’y a-t-il pas besoin de beaucoup de monde. Après tout, il n’y eut qu’un Jean-Baptiste ? Et qui voudra entendre la voix ? L’évangile met en scène pire qu’une indifférence, un refus, sous prétexte d’une instruction menée en bonne et due forme : Qui es-tu ? Que fais-tu ? Au nom de qui parles-tu ? Au nom de qui fais-tu cela ? Il faut une réponse pour avoir une bonne raison de ne pas écouter la voix. La voix continue à crier dans le désert.

Jean n’a plus rien à répondre si ce n’est qu’un autre vient.

Les raisons d’attendre sont nombreuses. Le Secours Catholique annonçait il y a quelques semaines dix millions de personnes vivant en France avec moins de 600 euros par mois. Ne faut-il pas crier et espérer la venue de qui changera les cœurs ? Etre la voix qui crie c’est être ouvriers de la moisson-mission. Et la détresse des migrants ? Et le crime de ceux font crever les autres de leur accumulation de richesses ? Quelle voix pour crier ?

Ce sont des décisions politiques qui transformeront le monde, certes, mais c’est le changement de nos cœurs qui portera des politiques responsables et justes au pouvoir, qui donneront à des citoyens justes et responsables de s’engager pour un monde plus juste. Les ouvriers de la mission n’ont pas à annoncer la bonne parole, mais à travailler à un monde de justice et de paix. Annoncer l’évangile, c’est revendiquer un monde de justice et de paix.

Qui d’entre nous prendra sa part à la voix dans le désert pour crier, encore et toujours ? Notre monde manque d’ouvriers pour préparer la route du Prince de la paix, du règne de justice. Comment célébrerions-nous la nativité du Seigneur sans être aussi cette voix ? Nous ne pouvons abandonner le monde à l’injustice et à la violence si nous fêtons Noël.

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