03/09/2021

Riches et pauvres tous ensemble (23ème dimanche du temps)

Pourquoi faut-il insister autant sur le partage des richesses ? Pourquoi faut-il que notre foi nous mette en porte-à-faux, toujours, ne cessant d’inquiéter notre conscience, quand il s’agit de la pauvreté (Cf. Jc 2, 1-5) ? La raison est double. La pauvreté, la misère, avilit et tue les frères, dont nous ne pouvons, avec Caïn, être les meurtriers ; oui, nous sommes responsables de nos frères. Quant à la richesse, elle fait crever aussi, autrement, quand bien même elle serait également et universellement répartie. Comment pourrons-nous vivre de recevoir si nos mains sont pleines ? Plus difficile à un riche de vivre du Royaume qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille ! (Mt 19, 24) L’obésité lucrative est aussi mortelle que le manque de tout. On fait seulement mine de ne pas le voir.

Notre système économique ne peut fonctionner plus longtemps. Nous consommons plus que la Terre ne produit. Chaque année le jour du dépassement des ressources avance de sorte que, en 2021, nous vivons sur le dos des générations à venir depuis le 29 juillet. Et pendant ce temps-là, selon l’ONU, six-cent-quatre-vingt-dix millions de personnes sont sous-alimentées. Les causes sont multiples ; éradiquer la faim est compliqué. Ce n’est pas qu’une question de confiscation des richesses, c’est aussi la conséquence des guerres, à moins qu’affamer les populations soit une arme d’un très bon rapport efficacité/coût.

Notre but est d’avoir toujours plus. Tout est privatisable, dès lors que vous avez un peu d’argent ou que vous volez les autres et la société. La loi elle-même tord le droit et légalise l’injustice. On pleure parce que des pays légalisent euthanasie et avortement, mais personne ne manifeste contre les lois qui assassinent chaque jour les pauvres. Nous sommes ainsi formatés : payer le moins cher et gagner le plus.

Ne payer que ce qui m’intéresse, m’est utile, ici et maintenant, et ne pas avoir le reste à charge. Pourquoi, sans enfants, devrais-je payer l’école pour les enfants des autres ? Pourquoi devrais-je me préoccuper du sort des Malgaches affamés ou des migrants ? Pourquoi, en bonne santé, devrais-je payer pour ceux dont les traitements coûtent effroyablement cher ? Pourquoi, chacun devrait-il partager ? N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon fric ? C’est le mien !

Contrairement à ce que nous aimons imaginer quand il s’agit d’argent, nous ne pouvons penser individuellement, nous ne pouvons penser à nous tout seuls. Ce ne sont pas seulement des questions d’inquiétude morale. Ne pas financer la santé des pays pauvres, c’est, nous le voyons aujourd’hui, nous mettre tous en danger face à la pandémie. Ne pas partager les richesses avec tous, c’est, nous le voyons aujourd’hui, conduire à l’immigration de populations et à l’effondrement de la troisième agglomération de France ! C’est ici, que la ségrégation économique des quartiers provoque la faillite de toute une ville. Ne pas décider une agriculture saine, c’est mettre en péril la santé de nos enfants. Ici, à la campagne, l’eau du robinet est régulièrement impropre à la consommation. Ne pas changer nos modes de vie, c’est accélérer le changement climatique qui jette sur les routes et dans la pauvreté des millions de personnes.

Le système qui nous engraisse nous tue. Mais comme ce sont nos petits-enfants qui mourront, nous faisons mine de ne pas le voir. Nous n’en avons rien à faire. Quelle justesse et quelle pertinence celle de l’évangile ! Et certains imaginent l’évangile fini, y compris parmi les chrétiens ! « Il comble de biens les affamés, revoie les riches les mains vides. » (Lc 1, 52)

Nous ne sommes pas des individus. Nous avons la terre en commun et beaucoup encore, que la propriété privée ne peut pas gérer avec justice. Si dans les Actes des Apôtres (2, 44 et 4, 32), il est rapporté qu’« ils mettaient tout en commun », c’est que le souci des frères est résurrection ; la nécrose de l’opulence est renversée par l’évangile.

Jésus donne à tous ce qu’il a de plus propre. Prenez, c’est mon corps pour vous. « Le Christ met en commun son corps pour que nous communiions tous ensemble et non chacun de notre côté. Le christianisme est cette ligne de crête où l’on apprend ce difficile travail de la mise en commun. Pour relever l’énorme défi du désastre écologique dans lequel nous sommes engagés, il nous faut apprendre à prendre soin de nos communs : le climat, la biodiversité, la santé, la culture… » (G. Giraud)

Si l’on trouve que ces propos sont déplacés parce qu’ils empêchent le recueillement dû au culte, je me retranche derrière les Pères : « Ne vis donc pas une vie de misanthrope sous l’apparence d’un philanthrope. Ne sois pas un médecin assassin donnant l’apparence de sauver qui s’est confié à toi grâce à ta richesse en usant de ta volonté délibérée de le perdre. [… Celui qui fait des profits], depuis le bureau dans lequel il bat les patrimoines de ceux qu’il pressure, regarde les biens de tous comme siens. » (Grégoire de Nysse)

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