05/11/2021

A la mi-temps de l'assemblée des évêques de France

Chers amis,
Vous voilà à la mi-temps de votre assemblée plénière.
Vous dire combien je porte votre rassemblement dans l’espérance et la prière.
Vous dire la confiance en même temps que l’effroi.

Je me permets ce courrier, après l’intervention de Jean-LucSouveton que vous avez entendue, dont le texte a été rendu public ce 3 novembre.
J’ai remercié Jean-Luc pour ses paroles.
Peut-être trouverais-je qu’il n’a pas assez souligné le rapport entre l’ampleur de la crise pédocriminelle et la résistance à Vatican II.
Depuis que Joseph Ratzinger est aux affaires de toute l’Eglise, en 1981, le Concile a été réduit à un texte figé. La dynamique, qui indiquait la direction à suivre, a été niée. S’en tenir au texte, pas au soi-disant esprit du concile, nous répétait-on.
Nombre d’entre vous ont laissé faire cela, voire l’ont clairement facilité, en ont été les artisans.

La réponse à la crise de la pédocriminalité dont une part au moins de l’ampleur a été mise en évidence par la Ciase est urgente et nécessaire.
Elle ne pourra être pertinente qu’à vous engager dans les faits, non dans les paroles ou les gestes symboliques qui pour l’heure nous ont trop trompés. Si vous n’avez pas l’intention de changer quoi que ce soit, abstenez-vous de profaner la liturgie par une célébration pénitentielle.

La réponse à cette crise de la pédocriminalité cependant serait mensonge si cela ne changeait rien à la manière de mettre en œuvre le dernier Concile, à l’obligation où nous sommes tenus d’en revenir à l’esprit du Concile pour poursuivre les réformes qui n’ont été qu’ébauchées et dont le mouvement est dessiné par l’histoire de la rédaction plus que par les textes définitivement votés, aussi importants soient-ils. Nous avons plus de cinquante ans de retard. Trop de diocèses n’ont pas, par exemple, de Conseil Diocésain de Pastoral, ou l’empêchent d’être pertinent.

Vous n’êtes pas en mesure de mener les réformes. Vous avez perdu trop de crédibilité. Cela ne vous concerne peut-être pas personnellement. Mais telle est aujourd’hui la situation de l’épiscopat, en France comme en bien d’autres pays.
Vous ne pouvez décider seuls de ce que vous devez faire maintenant. Il n’est pas possible, surtout dans la double crise (pédocriminelle et institutionnelle) que nous connaissons, que seuls cent vingt hommes, fussent-ils évêques, décident pour tous. Quod omnes tangit ab omnibus tractari debet. (Vous connaissez l’article d’Yves Congar à ce propos.)

Vous devez confier, sur le modèle de ce que vous avez fait avec M. Sauvé, la conduite de la réforme, ou au moins la mise en disposition de l’Eglise en France en vue de la réforme, à une personne en qui vous et une large part du peuple de Dieu, ont confiance. Cette personne, sans doute une femme, constituera une équipe.
Pendant ce temps, vous ne demeurez qu’administrateurs de nos diocèses.

La résistance à la réforme depuis des décennies rend cette réforme d’une violence folle. Et vous n’échappez pas à cette violence. Je n’ai sans doute qu’une piètre idée de ce que vous subissez.
Mais plus vous vous opposerez à une vraie réforme, plus la violence sera dévastatrice, plus vous détruirez l’Eglise et rendrez aussi difficile que nécessaire, s’il est alors possible un jour, le changement que vous refuseriez aujourd’hui.

Si vous ne parvenez pas à l’unanimité entre vous, que les hommes de foi et de bon sens parmi vous mettent en œuvre ce qu’ils pensent. Le refus des autres ne fera que les dénoncer.

Bon courage pour ces décisions difficiles
Fraternellement
Patrick Royannais

 

3 commentaires:

  1. Hubert Moreau5/11/21 19:21

    Oui, Patrick. OUI !
    C'est d'autant plus fort que le ton est calme.
    Ce texte ne peut qu'obliger ceux que tu nommes " amis et frères "
    Auront-ils tous le cœur, le courage, en un mot la VIRTUS pour agir ?
    J'attends la deuxième mi-temps, je suis curieux des indispensables prolongations et aimerais pouvoir danser de joie lors de la troisième mi-temps.

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  2. Puisqu'il est question de résistance, voire d'opposition frontale à Vatican II, poursuivons.
    La commission Sauvé a jeté un pavé dans la mare en identifiant dans la sacralisation du prêtre un de ressorts des abus pédocriminels. Julien Dumont, un curé du diocèse d'Orléans, prétend dans La-Croix.com que la « banalisation de la vie des prêtres » expliquerait davantage que ces violences aient pu être commises. D'après lui, tout les maux viennent du concile Vatican II et des faillites de la formation des prêtres à compter de cette époque.
    Un lecteur sous pseudo "Ana Thema Sit" a proposé la réflexion qui suit :
    Solidarité totale avec tous mes frères qui, comme moi, ont été tripotés dans les années 1955-1960 par un chanoine vicieux qu'il fallait appeler Monsieur le Supérieur et qui abusait par ailleurs de son pouvoir sur tous les élèves du pensionnat, mais aussi sur les professeurs et les parents. Il était évidemment en soutane, col romain et camail. Il avait été formé dans les meilleurs établissements de Versailles et dans une université catholique romaine réputée. Je ne sache pas que ce soit le Concile Vatican II qui l'ait à ce point déformé ...

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  3. Il est bien clair que le cléricalisme, la toute-puissance des clercs, ne date pas de Vatican II.
    Pas plus que les violences sexuelles sur mineurs dont des prêtres se sont rendus coupables et que les supérieurs ont tues et minimisées.

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