26/03/2024

« J’ai soif » Jn 19, 28-30 (Vendredi saint)

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G. Bellini, Le Sang du Rédempteur, v. 1460

 

Sachant que tout, désormais, était accompli, pour que l’Ecriture soit accomplie, Jésus dit : "J’ai soif". Il y avait là un récipient plein de vinaigre. On fixa une éponge pleine de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : "Tout est accompli" et, inclinant la tête, il transmit l’Esprit »

 

Les quatre évangiles mentionnent le vinaigre. On se rappellera le psaume : « quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre » (68/69). L’acidité en rajoute aux insultes et outrages, jusqu’aux secondes du dernier souffle. C’est pour que les Ecritures soient accomplies que l’on parle du vinaigre sur la colline d’exécution, pas pour renseigner sur un usage local ou un concours de circonstances.

Un roseau plus réaliste, chez Matthieu et Marc ; chez Jean, de l’hysope, rappelant le repas de la Pâque lu hier : « vous prendrez un bouquet d’hysope, vous le tremperez dans le sang que vous aurez recueilli dans un récipient, et vous étendrez le sang sur le linteau et les deux montants de la porte. ». Le psaume (50/51) quant à lui déclare : « Purifie-moi avec l'hysope, et je serai pur ».

Une fois situés ces éléments, remarquons l’insistance à parler d’accomplissement, trois fois en quatre lignes. Qu’est-ce qu’une vie accomplie ? Une vie peut-elle être accomplie ? Quand « tout » est-il accompli ? Il faudrait savoir, l’achèvement a-t-il lieu avant que Jésus ne boive et ne le dise, ou dès la première occurrence. Par cette petite contradiction, Jean souligne que l’accomplissement des Ecritures coïncide avec celui de la vie de Jésus, est l’accomplissement de la vie de Jésus. La mort de Jésus accomplit et les Ecritures et « tout ». C’est la création qui est accomplie et qu’il faut, à ce moment précis, contempler avec les mots de la Génèse, du début : « Dieu vit tout ce qu’il avait fait, c’était très bon. »

Non que la mort de Jésus soit bonne. Qui le soutiendrait ? La mort est toujours détestable. « Dieu n’a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants » (Sg 1, 13). Il a donné son fils parce qu’« il a tant aimé le monde, pour que nous ayons la vie. » (Jn 3,16). Le don de Dieu, Dieu lui-même qui se donne, c’est très bon.

L’accomplissement se dit comme désir : « J’ai soif. » Et le désir est de vie, non de mort ou, masochisme, recherche des outrages et humiliations. L’accomplissement de tout est inachèvement du désir. La mort n’arrête pas la vie, le désir déborde et entraîne la vie plus loin que la mort*. « Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant ; quand pourrai-je m’avancer, paraître face à Dieu ? » (Ps 41/42, 3) « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l'aube : mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau. » (Ps 62/63, 2)

Jésus a soif des fleuves d’eau vive auxquels il invite à se désaltérer. « "Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi !" selon le mot de l'Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui ; car il n’y avait pas encore d’Esprit, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. » (Jn 7, 37-39)

« Et inclinant la tête, il transmit l’Esprit. »

 

 

* Je lis chez Isabelle Le Bourgeois ces mots de François Cheng, Cinq méditations sur la mort, autrement dit sur la vie, Albin Michel, Paris 2013 p. 139 :

La mort n’est point notre issue
Car plus grand que nous
Est notre désir, lequel rejoint
Celui du Commencement,
Désir de Vie.

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