06/09/2024

On n'est pas des monstres ! (23ème dimanche du temps)


 

« On n’est pas des monstres. C’est du sang humain qui coule dans nos veines. » Cri de douleur et de haine à l’égard de l’institution judiciaire ou du dispositif d’Etat pour, ou contre, la migration.

Les personnes détenues ne le sont pas sans raison, même si la réponse carcérale n’a que si peu de raison, alors que les prisons françaises débordent, chaque mois davantage. Les migrants ont de quoi plus encore à l’injustice et apprendre à détester le pays où ils avaient voulu se poser fuyant le leur, pour une vie moins avilie par la pauvreté ou le danger.

« On n’est pas des monstres. C’est du sang humain, là. »

Guérir, guérir, encore, toujours. Non pas nier le mal. Cela n’a rien à voir, mais soigner, prendre soin des personnes. Venir poser, si c’est possible, de la douceur sur la douleur, éteindre, si c’est possible, la haine. Consoler. « Consolez, consolez mon peuple, dit le Seigneur. » L’onguent de la douceur a pour nom fraternité, humanité.

Qui fait cela ? Chaque détenu pour son copain, chaque migrant pour son compagnon d’infortune. Non, pas toujours. Dans la haine et la douleur, on est capable du meilleur, mais du pire aussi.

Guérir, guérir, encore, toujours. Cela a assez duré. Il y en a assez du mal. Qui prétextera légitime de ne pas consoler, de ne pas pleurer avec ceux qui pleurent, ne pas rire avec ceux qui sont à la joie ? Une simple et seule proximité. Se débrouiller à faire qu’autrui, dans sa mouise, puisse trouver en moi un prochain. « Va, et toi aussi, fais de-même ! »

Et le miracle est double. Ce n’est pas seulement le malade qui s’en trouve mieux, mais le guérisseur qui se découvre une humanité et une vie décuplées. Vivre en grand, même derrière les barreaux, même sous une tente de nouveau lacérée par les forces de l’ordre, même sous le poids du péché, écrasé par la maladie à l’hôpital ou dans le fond de sa chambre, la vie en grand. Il ne s’agit pas de faire le bien, d’être un type bien, encore que ce n’est pas plus mal. Sans pourquoi, un cadeau, indu, inespéré, inattendu : à panser la plaie de l’autre, je suis libéré de mes prisons. Je découvre, ce que je savais évidemment mais auquel je ne pense jamais, que là, c’est du sang humain.

« Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. » « Effata !, c’est-à-dire : Ouvre-toi ! »

Rendre à chacun une place dans la communauté humaine, parce que ce sont les monstres qui n’y ont pas de place, parce que le mal, la maladie jusqu’à la mort, excluent de la société de ceux qui ont du sang humain dans les veines. Ouvrir la société des vivants pour qu’il n’y ait pas le gang des monstres. Ouvrir la société des humains, afin de voir le monstre en moi et m’employer à le guérir. Onguent de la douceur qui a pour nom fraternité, humanité.

Ne reste pas enfermé dans ton coin, ton histoire, ton idéologie, tes marottes. Vis la vie en grand, accueille ce que l’autre, étrange, étranger, toujours étranger en définitive, t’apprend de toi lorsqu’il t’accueillie en son univers, sa culture. Découvre-toi donneur de vie, et non de mort. Humain et non pas monstre. Dans des veines humaines, c’est la vie qui coule.

En déliant la langue des muets et en ouvrant ses oreilles, Jésus ne fait pas un miracle, exceptionnel, surnaturel, violation des lois de la nature dont tout le monde s’ébaudit, satisfait dans sa soif de merveilleux, ou muet – c’est le comble ! – de stupéfaction. Jésus fait le plus ordinaire, le plus humain. Rendre la parole, rendre humain, enlever la monstruosité dont on est affublé, quelle qu’en soit la raison, faire naître, forcément à une vie nouvelle. C’est comme avec les jeux paralympiques. Pas de miracle, les handicaps demeurent. Mais

« tout à coup, celui ou celle à qui "manquent" bras, jambes, yeux, oreilles… devient un héros, une héroïne, un champion ou une championne, portant notre joie et notre fierté. Leur "manque" est devenu cette passion et cette énergie en plus, que nous applaudissons et qui nous donnent à nous aussi l’envie de montrer le meilleur de nous-mêmes. […] Voir comme Dieu lui-même nous voit, c’est regarder l’humain dans son extraordinaire capacité à se libérer de ses freins et de ses limites pour devenir ce qu’il est appelé à être, fils ou fille préféré·e du Père. » (C. Pedotti, Lettre TC 4070)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire