23/10/2015

Jésus, l'unique et dernier prêtre (30ème dimanche)

Depuis plusieurs dimanches, nous lisons la lettre aux Hébreux. Comme le texte ne nous est pas spontanément intelligible, nous ne nous y arrêtons guère. Qu’ont à nous dire ces histoires de sacrifice, d’ancienne alliance, de grand prêtre ?
Le culte du temple sert de modèle, de type, pour comprendre qui est Jésus. Le Premier Testament est lu allégoriquement (typologiquement disent les spécialistes, spirituellement disent les premiers chrétiens) pour annoncer Jésus. Les premiers chrétiens avaient pour seules Ecritures celles de la première alliance, et c’est en elles qu’ils se mettent à l’écoute de la Parole de Dieu, l’évangile. Ils lisent le Premier Testament comme une prophétie dont la réalisation, loin de le rendre désuet et superflu, le canonise en l’ouvrant à sa signification confessée comme plénière. Ce qui depuis constitue désormais le Nouveau Testament le montre à l’envi. Il n’a jamais prétendu supprimer un point de la loi, seulement révéler son accomplissement.
Qu’apprend-on de Jésus quand on en parle avec les termes du culte et du temple ? Qu’il n’y a plus à répéter sans cesse les gestes du culte, les sacrifices puisque Jésus, une fois pour toutes, nous a libérés de la mort, du péché. Ainsi le vocabulaire sacrificiel, paradoxalement, dit la fin des sacrifices. L’identification de Jésus au grand-prêtre est ce qui permet de comprendre la fin de la pratique cultuelle. D’ailleurs, la pratique, dans l’évangile, ce n’est jamais le culte, mais l’amour du prochain. Le culte véritable, c’est l’amour des frères.
Lorsque la théologie se met à parler de la messe comme sacrifice, elle n’a pas bien lu l’épitre aux Hébreux. Elle reprend l’épitre littéralement, sans tenir compte de sa composition typologique que l’on retrouve jusque dans nos prières eucharistiques. Qui s’étonnera que l’on fasse de la mauvaise théologie à être fondamentaliste alors que le culte est spirituel, en esprit et en vérité ?
Si les sacrifices ont disparu, ce que l’on ne peut que constater et dans le judaïsme et dans le christianisme, c’est que le culte pour les Juifs et les chrétiens n’est pas un truc qu’on offre à Dieu pour qu’il nous soit propice. Comment imaginer que Dieu ait besoin de cela ? N’est-il pas toujours pour nous ? Comment penser que puissent plaire à Dieu des bestioles égorgées, des privations de chocolat ou de tabac (pendant qu’on ne partage que si peu son salaire), voire les tueries des fanatiques qui s’imaginent rendre un culte à Dieu en supprimant les infidèles ou en s’immolant en kamikazes ?
L’épitre aux Hébreux le dit en citant, à sa manière, le psaume 40 : « Il est impossible que du sang de taureaux et de boucs enlève les péchés. Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit : De sacrifice et d’offrande, tu n’as pas voulu, mais tu m’as façonné un corps. Holocaustes et sacrifices pour le péché ne t’ont pas plu. Alors j’ai dit : Me voici, car c’est bien de moi qu’il est écrit dans le rouleau du livre : Je suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté. Il déclare tout d’abord : Sacrifices, offrandes, holocaustes, sacrifices pour le péché, tu n’en as pas voulu, ils ne t’ont pas plu. Il s’agit là, notons-le, des offrandes prescrites par la loi. Il dit alors : Voici, je suis venu pour faire ta volonté. »
En conséquence, à part Jésus, il n’y a plus de prêtres. C’est pour cela que son sacerdoce n’est pas celui d’Aaron, transmissible, mais selon l’ordre de Melkisedek. On ne sait à peu près rien de ce personnage, si ce n’est qu’il n’a ni parents ni de descendance, qu’il est précisément seul de son genre, et qu’il offrit à Abraham du pain et du vin.
A strictement parler, les prêtres et les évêques n’ont donc pas de rôle sacerdotal, mais presbytéral, celui d’anciens. La prière eucharistique espagnole III est plus juste que le texte latin et la traduction française, à ne pas mélanger les clercs, les prêtres, le sacerdoce et le presbytérat : « Confirma en la fe y en la caridad a tu Iglesia, peregrina en la tierra: a tu servidor, el Papa, a nuestro Obispo, al orden episcopal, a los presbíteros y diáconos, y a todo el pueblo redimido por ti. »
Lors du baptême nous avons été marqués du chrême. « Toi qui fais maintenant partie de son peuple, il te marque de l’huile sainte pour que tu demeures éternellement [comme Melkisedek] membre de Jésus Christ, prêtre, prophète et roi. » (Le rituel latin ne dit rien de cela.) Nous ne sommes pas, individuellement, chacun pour notre part, prêtre, prophète et roi. C’est le Christ qui est prêtre. C’est le peuple qui est sacerdotal, son corps, dont nous sommes les membres.
Voilà notre mission, à nous baptisés, nous tenir devant le Père, sacrement du Christ seul prêtre, selon l’ordre de Melkisedek. L’Eglise est chargée, par la vie de tous ses membres, « d'être un officiant [littéralement un liturge] de Jésus Christ auprès [des hommes], consacré au ministère de l’Évangile de Dieu, afin que [tous] deviennent une offrande qui, sanctifiée par l’Esprit Saint, soit agréable à Dieu. » (Rm 15) La mission sacerdotale de l’Eglise est d’être prémices de l’humanité vouée à Dieu c’est-à-dire de travailler à la consécration plénière de l’humanité à Dieu.
« Le culte véritable, c’est l’homme vivant devenu tout entier réponse à Dieu, façonné par sa parole qui guérit et transforme. » (Benoît XVI) C’est un culte selon le logos, dit Paul (Rm 12, 1), une recherche de ce qui est bien et un renouvellement de notre façon de penser.

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