Entrer en avent. S’agirait-il de faire ce que, le reste du
temps, nous n’aurions pas à faire parce que cela ne serait pas à l’ordre du
jour ? Il s’agit plutôt de vivre la foi comme une veille, toujours ;
le temps de l’avent, plus qu’un temps de veille, est un temps qui rappelle que
la veille, l’attente, est une forme constitutive et constante de la vie de
disciple.
Veiller, non pour se préparer à Noel. On en a même la nausée
de cette préparation. Je comprends que ce soit important pour les enfants, mais
le bazar commercial que cela engendre, la débauche de consommation, le
gaspillage, nous en avons une indigestion. Alors que la planète souffre, on
continue d’illuminer les rues comme si de rien n’était. Comme si l’important
était d’égailler nos villes pendant quelques semaines. Ne les égaillerions-nous
pas plutôt à faire que personne ne dorme dehors ?
Nous allons célébrer la naissance de Jésus, pauvre parmi les
pauvres. Et pour l’honorer, que faisons-nous ? Nous sacrifions à
l’idole ; le dieu argent commande nos actions, prend possession des rues
et vitrines et efface les pauvres de nos regards et préoccupations.
Veiller, c’est vivre la foi, être disciple. Croire, en
effet, ne consiste pas à savoir des trucs sur Dieu. Croire ne réside pas dans
l’attachement à un corpus de valeurs ou de savoirs. Croire, c’est au contraire
accepter d’exister les mains vides, les tendre comme les mendiants, pour
recevoir, attendre de Dieu. Nous ne savons rien de lui, ou si peu, juste ce
qu’il faut pour ne pas le confondre avec l’idole, juste ce qu’il faut pour ne
pas l’enfermer dans une définition, fût-ce celle du catéchisme. Comment le Dieu
plus grand, infini pourrait-il être dé-fini ?
A devenir la religion de toute la société, l’évangile est
trahi. Non parce que tous y croiraient, mais parce que l’on a arrêté de croire
l’évangile et profité de lui, usé de lui, pour sacraliser un type de société. Chrétiens,
sans doute, mais croyants ? Et nous sommes parfois nostalgiques de ces
temps, désespérés devant un monde qui n’est plus chrétien. (Notons que l’évangile
n’a jamais été la religion de toute la société. Toujours, il y eu des juifs et
quasi toujours des musulmans. La chrétienté a toujours été un rêve, a
posteriori, ou un cauchemar puisque c’est par la force et l’exclusion que l’on
s’est débarrassé des non-chrétiens.)
Plus encore, une société ne peut être chrétienne ou non. Une
société ne peut se convertir, ne peut changer de vie, être disciple. Ses
membres ont bien sûr le devoir de promouvoir des institutions justes ;
elles seront en accord avec l’évangile et c’est évidemment préférable à la
haine, la discrimination et la violence au pouvoir. Mais même avec une majorité
écrasante de chrétiens, on n’a pas vraiment réussi.
L’évangile a prévenu, nous serons divisés dans les familles,
à cause du nom de Jésus, jusqu’à ce que nos proches mêmes nous persécutent !
Et nous qui sommes déroutés, perdus, parce que nous n’arrivons pas à
transmettre la foi à nos enfants ! Nous cherchons des boucs-émissaires, des
responsables et des explications de la déchristianisation, ce que dit ce
prêtre, ce que fait ce pape, la liquidation de sens du sacré, la perte des
valeurs. Nous ne nous interrogeons peu sur notre propre manière de vivre la
foi, soit dit en passant. Mais non, c’est déjà dans l’évangile, divisions dans
les familles. Si les familles ne sont pas unanimement chrétiennes, comment le
serait la société ? D’où vient le problème ?
Nous avons fait de la foi un système de pensée, un système
social et politique, un code moral, des valeurs. Or, il s’agit de veiller. La
foi n’est pas ce que nous possédons, mais ce qui est à attendre ; la foi
c’est attendre et non voir ou posséder. « Voir ce qu’on espère, ce n'est
plus l’espérer : ce qu’on voit, comment pourrait-on l’espérer encore ?
Mais espérer ce que nous ne voyons pas, c’est l'attendre avec constance. »
(Rm 8, 24-25) Ce qu’on voit, ce que l’on possède, comment l’espérer encore, comment
le croire ?
Et qu’espérons-nous dans la foi ? Qu’est ce que nous
attendons pendant l’avent comme manifestation de ce que nous attendons toujours ?
« Qui nous fera voir le bonheur ? » demande le psalmiste. « Délivre-nous
du mal », dit notre prière.
Bien sûr, si nous avons tout ce qu’il faut pour être
heureux, si le mal ne nous atteint pas, nous n’avons rien à espérer. Mais aussi
grande que soit notre joie, est-elle complète ? Aussi aveugles que nous
soyons à la misère des autres ou résignés devant le mal, devons-nous vraiment faire
avec ? Il ne s’agit pas de se flageller pour que cela fasse du bien quand
ça s’arrête. Il s’agit au contraire de ne pas en rabattre sur le désir de la
vie bonne. Il s’agit d’en vouloir toujours plus, de ne jamais se faire une
raison de ce qui entrave le bonheur et la vie. « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que
votre joie soit parfaite. » (Jn 15,
11)
Sans ce bonheur, la vie n’est pas digne. Croire, n’a rien à
voir avec l’établissement d’une société chrétienne, d’une famille chrétienne. C’est
une protestation, une veille pour toujours plus de vie, c’est le rejet de ce
qui n’est pas assez beau pour nous. Nos valeurs sont trop courtes, trop sages. Croire
c’est espérer la vie, c’est veiller pour la vie. Qui veillera pour maintenir
ouverte l’espérance d’une vie divinement humaine, humainement divine ?
Merci pour ce texte.
RépondreSupprimer"Croire, en effet, ne consiste pas à savoir des trucs sur Dieu. Croire ne réside pas dans l’attachement à un corpus de valeurs ou de savoirs. Croire, c’est au contraire accepter d’exister les mains vides, les tendre comme les mendiants, pour recevoir, attendre de Dieu. Nous ne savons rien de lui, ou si peu ...
Croire,je dirais que c'est "savoir" que Dieu nous aime ,qu'il est toujours avec nous même dans les pires difficultés et faire brûler l'espérance dans notre coeur
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