15/12/2017

Le vieux monde doit mourir (3ème dimanche de l'avent)



Nous sommes à huit jours de Noël, et rien dans les textes ne le laisse entendre. L’invitation à la joie des deux premières lectures n’est pas motivée par la naissance de Jésus, et seul le Cantique de Marie apporte à la liturgie un peu des évangiles de l’enfance.
Certes, il y a le Baptiste (Jn 1, 6-8.19-28), mais c’est l’homme adulte qui annonce le ministère de Jésus et non le cousin dont la naissance, chez Luc uniquement, apporte une confirmation à l’annonciation. Immédiatement après, « le lendemain », c’est la rencontre entre Jésus et le Baptiste lors du baptême ; le jour suivant, nous aurons enfin les premières paroles que l’évangéliste met sur les lèvres de Jésus. « Que cherchez-vous ? ».
Pourtant, il y a bien un air de préparation dans ce début de d’évangile. Le Baptiste cite le prophète Isaïe qui invite à préparer le chemin du Seigneur. Il faut rendre la route droite, la redresser pour que le Seigneur puisse paraître. C’est une ambiance de fin des temps, et non de naissance, à moins que, justement, la venue de Jésus n’ouvre la fin des temps. Depuis 2000 ans, nous sommes « en ces jours qui sont les derniers ». La figure du Baptiste est apocalyptique, elle est révélation des cieux nouveaux et de la terre nouvelle où règnera la justice.
Vous ne vous étiez pas aperçus de ce que nous étions à la fin des temps ? Avec toutes les catastrophes que relatent les journaux, guerres, violences et cataclysmes, cela saute aux yeux. Les apocalypses bibliques ne tirent pas de portrait plus bestial et rempli de folie que ce que donne à voir notre monde.
Vous ne vous étiez pas aperçus de ce que nous étions à la fin des temps ? C’est en fait normal. Selon le Baptiste, « au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». La fin des temps, le terme l’histoire, nous ne le connaissons pas, nous ne pouvons pas le voir. C’est la fin des temps depuis que Dieu en Jésus a habité la terre des hommes. Mais cela demeure caché. Le Baptiste ne peut répondre aux questions simples qui lui sont posées. Ce qu’il révèle ne se donne pas manifestement à voir. C’est à découvrir, à chercher. Et Jésus lui-même ne va pas tarder à demander : « Que cherchez-vous ? »
Les interlocuteurs du Baptiste veulent une réponse, rapide, précise pour pouvoir passer à autre chose. On n’a pas que cela à faire ! Nous sommes des gens sérieux. On a du travail, nous. « Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. » C’est comme avec les dubia des cardinaux, oui on non, ce n’est pas compliqué ! Si, la vie est compliquée, elle n’est pas en réponses simples et rapides ; la foi ne tient ordinairement pas en une brève réponse. Comment dire « je suis chrétien » alors que nous sommes tellement infidèles ?
On imagine l’agacement de ceux qui interrogent en vain le Baptiste. Et nous, comment réagissons-nous ? N’est-ce pas des réponses simples, simplistes que nous cherchons, savoir à quoi nous en tenir pour pouvoir passer à autre chose, y compris avec Jésus. Mais le disciple pourrait-il passer à autre chose, à ses affaires, son business ? Répondre de notre relation à Jésus signifie entrer dans un nouveau monde. Il ne s’agit pas d’enregistrer une information administrative sur Jésus ou sur nous dans notre relation à lui. Il s’agit de se détourner de notre monde, le vieux monde, nos affaires. « Le temps se fait court. Que désormais ceux qui ont femme vivent comme s’ils n'en avaient pas ; ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas ; ceux qui sont dans la joie, comme s’ils n'étaient pas dans la joie ; ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient pas ; ceux qui usent de ce monde, comme s’ils n’en usaient pas vraiment. Car elle passe, la figure de ce monde. » (1 Co 7) Impossible de connaître Jésus de l’extérieur, sans nous mettre en route, sans chercher.
Vivre en disciple, prévient le Baptiste dès le début de l’évangile, c’est changer de monde. On ne baptisera plus dans l’eau mais dans l’Esprit. Voilà une réponse. Mais si énigmatique que cela relance la question. Qu’est-ce que baptiser dans l’Esprit ? Au tout début de l’évangile, on ne sait pas encore ce que cela signifie. On sait seulement qu’il faut changer de vie pour entendre, pour entrer dans les temps derniers où nous sommes, pour entrer dans la révélation, apocalypse. Le dialogue initial de l’évangile entre Jésus et les premiers à le suivre le confirme : « - Que cherchez-vous ? - Maître, où demeures-tu ? - Venez, et vous verrez. »
Etre disciples sans changer de monde, c’est une fumisterie, c’est un mensonge. On ne peut rien connaître de Jésus sinon à changer de vie. Voilà pourquoi, alors que nous tardons à nous convertir, « au milieu de nous se tient celui que nous ne connaissons pas ». Il habite avec les hommes, le vieux monde doit mourir.

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