Nous sommes à huit jours de Noël, et rien dans les textes ne
le laisse entendre. L’invitation à la joie des deux premières lectures n’est
pas motivée par la naissance de Jésus, et seul le Cantique de Marie apporte à
la liturgie un peu des évangiles de l’enfance.
Certes, il y a le Baptiste (Jn 1, 6-8.19-28), mais c’est
l’homme adulte qui annonce le ministère de Jésus et non le cousin dont la
naissance, chez Luc uniquement, apporte une confirmation à l’annonciation. Immédiatement
après, « le lendemain », c’est la rencontre entre Jésus et le
Baptiste lors du baptême ; le jour suivant, nous aurons enfin les
premières paroles que l’évangéliste met sur les lèvres de Jésus. « Que
cherchez-vous ? ».
Pourtant, il y a bien un air de préparation dans ce début de
d’évangile. Le Baptiste cite le prophète Isaïe qui invite à préparer le chemin
du Seigneur. Il faut rendre la route droite, la redresser pour que le Seigneur puisse
paraître. C’est une ambiance de fin des temps, et non de naissance, à moins que,
justement, la venue de Jésus n’ouvre la fin des temps. Depuis 2000 ans, nous
sommes « en ces jours qui sont les derniers ». La figure du Baptiste
est apocalyptique, elle est révélation
des cieux nouveaux et de la terre nouvelle où règnera la justice.
Vous ne vous étiez pas aperçus de ce que nous étions à la
fin des temps ? Avec toutes les catastrophes que relatent les journaux, guerres,
violences et cataclysmes, cela saute aux yeux. Les apocalypses bibliques ne
tirent pas de portrait plus bestial et rempli de folie que ce que donne à voir notre
monde.
Vous ne vous étiez pas aperçus de ce que nous étions à la
fin des temps ? C’est en fait normal. Selon le Baptiste, « au milieu
de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». La fin des temps, le
terme l’histoire, nous ne le connaissons pas, nous ne pouvons pas le voir. C’est
la fin des temps depuis que Dieu en Jésus a habité la terre des hommes. Mais
cela demeure caché. Le Baptiste ne peut répondre aux questions simples qui lui sont
posées. Ce qu’il révèle ne se donne pas manifestement à voir. C’est à
découvrir, à chercher. Et Jésus lui-même ne va pas tarder à demander : « Que
cherchez-vous ? »
Les interlocuteurs du Baptiste veulent une réponse, rapide,
précise pour pouvoir passer à autre chose. On n’a pas que cela à faire ! Nous
sommes des gens sérieux. On a du travail, nous. « Il faut que nous
donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. » C’est comme avec les dubia des cardinaux, oui on non, ce n’est
pas compliqué ! Si, la vie est compliquée, elle n’est pas en réponses simples
et rapides ; la foi ne tient ordinairement pas en une brève réponse. Comment
dire « je suis chrétien » alors que nous sommes tellement infidèles ?
On imagine l’agacement de ceux qui interrogent en vain le
Baptiste. Et nous, comment réagissons-nous ? N’est-ce pas des réponses
simples, simplistes que nous cherchons, savoir à quoi nous en tenir pour
pouvoir passer à autre chose, y compris avec Jésus. Mais le disciple
pourrait-il passer à autre chose, à ses affaires, son business ? Répondre
de notre relation à Jésus signifie entrer dans un nouveau monde. Il ne s’agit
pas d’enregistrer une information administrative sur Jésus ou sur nous dans notre
relation à lui. Il s’agit de se détourner de notre monde, le vieux monde, nos
affaires. « Le temps se fait court. Que désormais ceux qui ont femme vivent
comme s’ils n'en avaient pas ; ceux qui pleurent, comme s’ils ne
pleuraient pas ; ceux qui sont dans la joie, comme s’ils n'étaient pas
dans la joie ; ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient pas ; ceux
qui usent de ce monde, comme s’ils n’en usaient pas vraiment. Car elle passe,
la figure de ce monde. » (1 Co 7) Impossible de connaître Jésus de l’extérieur,
sans nous mettre en route, sans chercher.
Vivre en disciple, prévient le Baptiste dès le début de l’évangile,
c’est changer de monde. On ne baptisera plus dans l’eau mais dans l’Esprit.
Voilà une réponse. Mais si énigmatique que cela relance la question. Qu’est-ce
que baptiser dans l’Esprit ? Au tout début de l’évangile, on ne sait pas
encore ce que cela signifie. On sait seulement qu’il faut changer de vie pour entendre,
pour entrer dans les temps derniers où nous sommes, pour entrer dans la
révélation, apocalypse. Le dialogue
initial de l’évangile entre Jésus et les premiers à le suivre le confirme :
« - Que cherchez-vous ? - Maître, où demeures-tu ? - Venez,
et vous verrez. »
Etre disciples sans changer de monde, c’est une fumisterie,
c’est un mensonge. On ne peut rien connaître de Jésus sinon à changer de vie.
Voilà pourquoi, alors que nous tardons à nous convertir, « au milieu de nous
se tient celui que nous ne connaissons pas ». Il habite avec les hommes, le vieux monde doit mourir.
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