Une dizaine d’entre nous fait aujourd’hui profession de
foi. Avec beaucoup de sincérité, vous vous engagez dans une démarche
personnelle, la première ; avant, vos parents avaient décidé pour vous. Avec
un peu de recul, puis-je me permettre de ne pas vous croire ? C’est la
même chose que disaient il y a quinze jours les confirmands, de trois ans vos
aînés. Avaient-ils oublié ce qu’ils avaient dit tout comme vous, il y a trois
ans ? Je sais aussi, d’expérience comme de statistiques, que l’engagement que
vous prenez aujourd’hui fort sérieusement, ne vaudra plus pour certains d’entre
vous dans quelques années seulement.
Ainsi, puisque je ne doute pas un instant de votre sincérité
ni de votre sérieux, je dois chercher une explication à ces contradictions. Nous
nous sommes sans doute mal entendus sur ce qu’est la foi, pas seulement vous et
les catéchistes, mais les adultes en général et la foi.
Qu’est-ce donc que la foi que vous professez aujourd’hui,
comme nous tous le faisons chaque dimanche et, surtout, lors de la nuit
pascale ? Puis-je me permettre, au moment où je quitte notre paroisse, un
témoignage ? Puis-je devant vous et pour vous, devant l’assemblée et pour
elle, faire ma profession de foi ?
Plus ça va, moins je reconnais dans un quelconque credo la
foi de l’Eglise. Non que ces textes et le dogme seraient faux. Mais ce qu’ils
disent n’est pas ce qu’ils signifient. Ça explique bien des quiproquos. C’est
que la foi n’est pas formulable, on ne peut la mettre en formules. Aucun énoncé ne l’exprime adéquatement, fussent ceux ratifiés par l’autorité la plus haute
de l’Eglise. L’énoncé de la foi n’est pas ce que l’on croit, parce que l’on
croit ce que vise cet énoncé. Thomas d’Aquin écrivait au XIIIe : « l’acte
de foi se termine non à la proposition mais à la chose ». Plus simplement,
l’imbécile regarde le doigt quand le sage veut de son doigt indiquer
autre chose.
Vous le savez, j’ai grande estime pour la recherche
théologique, mais à une condition, qu’elle soit ce qui interdit de prendre le
doigt pour ce qui est à voir. Et c’est parce que trop utilisent le Catéchisme de l’Eglise Catholique comme
ce qu’il faut croire qu’il fait tant de ravages, qu’il est une catastrophe pour
la foi. La théologie nous garantit, de savoir scientifique - j’insiste ‑
que ce que nous croyons n’est jamais ce que nous disons, et qu’à nous fixer aux
formules, nous faisons de la foi non seulement une bêtise, mais, pire, un
mensonge.
La foi est une manière de vivre, un style de vie. Mais
lequel ? Aller à la messe et prier ? Activités spécifiques qui nous
distinguent des païens ? Non, la vie de foi ne nous cantonne en aucun lieu
séparé, sacré, protégé, mais nous envoie aux Galilée des Nations, hier comme aujourd’hui.
Le style de vie des chrétiens est celui de tout homme qui cherche la convivencia, en artisan de paix, qui
cherche avec et pour les autres la vie
bonne dans des institution justes. La foi est le style de vie, non pas
original, mais auquel tous, croyants, de quelque religion que ce soit, ou non
croyants, sont appelés. Mais pourquoi alors faire profession de foi si nous
devons vivre comme tous devraient vivre ?
« A cause de Jésus ». Nous sommes chrétiens à cause de Jésus, et rien d’autre. Nous
avons tous remarqué que vive ensemble n’est pas toujours facile. Pas besoin des
fous qui nous dirigent pour nous faire la guerre entre nous. Ces fous qui nous
dirigent cherchent le pouvoir, l’influence, l’argent et flattent les foules. Et
nous aussi, et nous aimons être flattés. Les propos de Jésus sont sans
appel : « Vous savez que ceux qu’on regarde
comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands
leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous :
au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et
celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l'esclave de tous. Aussi
bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir
et donner sa vie en rançon pour une multitude. »
Cela
saute aux yeux que le monde ne peut continuer sur la route du pouvoir et du
toujours plus de possessions. Mais puisque nous nous portons bien, que notre
vie est en sécurité, nous n’allons pas changer. Tans pis pour ceux qui crèvent !
Qu’en avons-nous à faire ? Et même les chrétiens pensent ainsi. Sans quoi
le Pape habiterait-il dans un tel palais ?
Je
vous en conjure, vous qui faites profession de foi, vous qui chaque dimanche
professez la foi, vivons « à cause de Jésus ». Je dis à cause, parce que c’est une lutte
contre nous-mêmes. C’est à cause de lui, et à sa suite, que nous renonçons à
être servis et consentons à servir. Ce n’est pas souvent de gaité de cœur que
nous renonçons, mais à cause de lui.
Mieux, comme dit Paul « nous ne sommes que vos esclaves à cause de
Jésus ».
Alors,
la foi par tradition, comme valeur, comme marqueur d’identité, vous verrez, tout
cela est mensonge, et Jésus l’a déjà dénoncé. Alors, avec le prophète Elie, de
façon messianique, nous crions (c’est un cri, vital, comme celui de l’enfant
qui vient à la vie, et non un énoncé dogmatique, encore moins
catéchétique) : « il est vivant le Seigneur devant qui je me
tiens », mieux que lui, « il et vivant le Seigneur devant qui nous
nous tenons ». Voilà ce que je crois. Non, voilà ce que nous croyons. Non,
voilà la foi de l’Eglise, c’est elle qui croit.
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