Il y deux ou trois ans, nous étions tombés sur ce même genre
de texte pour les premières communions, et des parents avaient retirer leurs
enfants de la catéchèse. J’avais prêché sur le mal en commentant les textes, et
c’était très inopportun d’après eux. Parler du mal, un jour de fête comme celui
de la première communion de leurs enfants, ce n’est pas correct. Vous imaginez que
c’est en tremblant que je prononce cette homélie.
Ma peur est redoublée, par le fait que, malgré l’engagement
des familles, certains n’enverront pas leur enfant à la catéchèse l’an
prochain, que pour plusieurs enfants, cette première communion ne sera pas
suivie, dès dimanche prochain, d’une seconde et troisième communion, parce que
le dimanche n’est pas pour tous le rendez-vous avec les frères qui partagent le
pain pour rappeler la mort et la résurrection de Jésus jusqu’à ce qu’il
revienne. Que chacun mène sa vie comme il le pense, mais que l’on ne fasse pas
croire aux enfants que c’est fête aujourd’hui pour que cela ne le soit pas
chaque dimanche.
Les enfants savent qu’il y a du mal dans notre vie, qu’il y
a du mal dans leur vie. Ce constat, le livre de la Genèse le fait en racontant
l’histoire du fruit défendu. L’homme se croit tout permis, croit que tout lui est
dû, que rien ne peut échapper à sa maîtrise ou possession de ce qu’il désire.
Il se prend pour le centre du monde. Et c’est la catastrophe, parce que pour
être au centre du monde, il faut forcément tuer ou molester les frères. C’est
déjà comme cela avec le jeu que l’on ne veut pas partager, et pour nous
adultes, c’est encore comme cela avec les richesses que nous ne partageons pas.
Evidemment, il n’y eut jamais de serpent qui parle, mais que
ce texte est juste ! L’homme, à se prendre pour le centre du monde, se
précipite et précipite le monde dans le mal.
Dans un instant, et pour la première fois, les enfants vont
boire à la coupe eucharistique. Ils l’ont attendu ce moment. Voilà des années
qu’ils avancent les bras pliés sur la poitrine et aujourd’hui, leurs mains vont
s’ouvrir pour recevoir celui qui s’offre en nourriture.
Dans un instant, nous dirons la grande prière eucharistique.
C’est nous tous qui la disons, c’est toute notre assemblée qui prie et qui dit :
« Toi qui est vraiment saint, toi qui es la source de toute sainteté, nous voici devant toi […] et nous célébrons le jour où le Christ est
ressuscité d’entre les morts. Par lui […], Dieu notre Père, nous te prions. »
Et nous redisons les paroles de Jésus : « Prenez,
buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance
nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en
rémission des péchés. »
Si nous communions, c’est pour le pardon des péchés, c’est
pour détruire le mal dont nous sommes responsables. Et il ne faudrait pas
parler du mal un jour de première communion ? C’est un devoir de dénoncer
le mal, en dehors de nous et en nous, ou alors nous nous en faisons les
complices. Comment communierions-nous ? Déjà dans l’évangile, la lutte de
Jésus contre le mal est déjà traitée de diabolique. Jésus aurait même perdu la
tête.
Oui, dénoncer le mal, c’est perdre la tête aux yeux de tous
ceux que les petits arrangements avec le mal satisfont. Disciples de Jésus,
depuis notre baptême, nous sommes engagés dans cette lutte, faire reculer le
mal. Et comme le mal nous touche tous aussi, personnellement, nous allons
chercher notre force auprès du seul vainqueur du mal, Jésus.
Nous ne serons pas aspergés de son sang, comme dans les
sacrifices anciens, opération plus ou moins magique pour plaire à Dieu. C’est
Dieu qui s’engage pour nous et non nous qui devrions lui offrir du sang pour l’amadouer.
Le sang de Jésus nous est donné à boire. « Ma vie, nul ne la prend, c’est
moi qui la donne », dit Jésus. « Pas de plus grand amour que de
donner sa vie pour ses amis » Le sang de Jésus est boisson qui fait vivre.
Devant nos impossibilités à être fidèles à l’alliance, à éradiquer
le mal, et d’abord en nos vies, Jésus s’offre pour que là où manque la vie, sa
vie vienne comme compléter ce manque. Communier, c’est comme si Jésus
remplissait avec sa vie, ce qui manque en nous de vie. Le sang de Jésus est
versé « pour le pardon des péchés ». Jésus détruit le mal par le surplus de vie
qu’il offre.
Et qu’est-ce qu’un surplus de vie, de la vie à la place de
la mort et du mal ? C’est la résurrection. Communier, c’est lutter contre le
mal, c’est donc déjà entrer dans la vie de Jésus, dans sa résurrection. Comment
pourrions-nous ne pas accourir à cette fontaine de vie ?
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