Notre Dieu est communion. Il est communion parce qu’il est
vie. Comment être vivant sans les autres ? Comment être source de vie sans
personne en qui se répande cette source ? Et l’eau de la source n’est déjà
plus la source, tout en étant une avec elle.
Ainsi notre Dieu.
Il ne s’agit pas de se creuser la tête pour savoir comment
un seul Dieu peut être trois. Il s’agit d’écouter ce que Jésus dit du Père et
de l’Esprit. Si Dieu est amour, plus encore que vie, comment pourrait-il être
lui-même sans personne à aimer, sans cet amour qui est lui et déjà autre que
lui ? Rien n’est plus évident que la Trinité dès lors que Dieu est amour.
Il pourrait suffire qu’il y ait le Père et le Fils, le Père
qui donne et le Fils qui a tout reçu. Mais non, parce que le don ne serait pas
total. Pour que Dieu soit total, si l’on peut dire, il faut qu’il unisse à lui-même
ce qu’il n’est pas, nous les hommes et les créatures. Et l’Esprit est
précisément ce Dieu d’amour dans le monde, qui plane sur les eaux au
commencement du monde, prêt à faire vivre, vivifiant comme dit le Credo, qui est à nouveau répandu sur les
disciples comme il avait déjà été insufflé en Adam, l’homme et la femme.
Par l’Esprit, Dieu accueille dans sa ronde d’amour, dans cet
échange ou don de soi, ceux qui ne sont pas à l’origine de la vie et de l’amour,
nous les hommes. Par l’Esprit, Dieu se donne, autrement dit Dieu donne sa vie à
toute créature, Dieu aime toute créature.
Pour les hommes de l’Antiquité, un dieu qui s’intéresse aux
hommes, aux créatures, n’est pas un dieu ; il ne va tout de même pas s’abaisser
à aimer ce qui n’a pas son rang ! Selon Aristote, Dieu est amour certes,
mais un amour qui attire à lui, non un amour qui s’offre. C’est ce qui faisait
la stupeur et l’admiration des chrétiens de l’Antiquité. Dieu est bien plus
Dieu s’il s’occupe de ce qui n’est pas lui, s’il s’offre, se dépense pour ce
qui n’est pas lui.
Déjà Paul reprenant
une hymne écrivait que « le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne
retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu ». A voir vivre Jésus,
on a de quoi deviner que le sort des hommes lui importe à ce point qu’il est
prêt à tout pour eux. Et pourquoi est-il ainsi passionné par l’humanité ?
Parce qu’il a reçu cette passion du Père
qui a tout remis entre ses mains. Parce qu’il a reçu du Père d’être don,
lui qui avait tout reçu.
Parler de Dieu pour nous, ce n’est pas élaborer des théories
sur Dieu, sur son être. Dieu n’est jamais ce que nous en disons. C’est tâcher
de formuler ce que nous comprenons d’un Dieu pour nous. Dès lors que nous en
comprenons ne serait-ce qu’une once, comment cette compréhension ne serait-elle
pas prière, merci, action de grâce, eucharistie ? Tu nous as tant donné.
Tu nous donnes tant, non pas ceci ou cela, mais toi, toi-même.
C’est nous, les chrétiens qui, cette fois, crions à l’impossible.
Que Dieu s’intéresse à ce qu’il n’est pas, rien d’étonnant, puisqu’il est
amour. Mais comment pourrions-nous accéder à lui ? Quelle superbe de
penser que les hommes pourraient parvenir à Dieu par des prières ! Non,
qui sommes-nous pour lui parler ? Ce n’est pas possible.
Pour les hommes, c’est
impossible. Mais le don du Dieu très haut,
parce qu’il est Dieu, l’Esprit, vient depuis la création en nos cœurs, et
depuis la mort et la résurrection répandu avec encore plus de générosité, si
tous ces superlatifs ont un sens. C’est la merveille
de notre création et la merveille plus grande encore de notre rédemption
dit la prière de l’aspersion durant le temps pascal.
Ce n’est pas nous qui prions, c’est l’Esprit qui prie en
nous. Nous lui prêtons notre chair, nous nous prêtons, gorges vivantes comme
dit littéralement l’hébreu, pour que le souffle créateur puisse revenir en
louange, en action de grâce au créateur. Comme l’enfant est heureux du cadeau
qu’il offre à la fête des mères, nous sommes plus heureux à donner à Dieu que
lui à recevoir, ou plutôt, il est heureux non de ce que nous lui offrons ‑ collier
de nouilles ! ‑ mais de ce que nous puissions trouver notre joie et
notre vie à l’aimer.
La boucle est bouclée, comme dans une ronde, chacun tient la
main des autres et tout ce qui est à l’un est aux autres, et tout ce qui est
aux autres est à l’un. « Mon enfant, tout ce qui est à moi est à toi. Il
fallait bien se réjouir ! »
Ainsi est notre Dieu.
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