Parabole (Lc 18, 9-14) bien dans la ligne de l’enseignement
de Jésus. Il s’agit évidemment de dénoncer l’hypocrisie religieuse. Le Tartuffe
de Molière en constitue l’un des meilleurs commentaires. Il faut que, une fois
dépassée l’opposition de Jésus avec les pharisiens, l’hypocrisie soit demeurée une
plaie purulente dans les communautés chrétiennes, pour que les évangiles,
rédigés entre quarante et soixante-dix ans après la mort de Jésus, continuent à
dénoncer ce qui deviendra le pharisaïsme. Ce ne sont plus les Juifs pharisiens
qui sont alors visés, mais les chrétiens. Le pharisaïsme est une maladie des
chrétiens.
Il n’a jamais disparu de l’Eglise. François le dénonce encore
régulièrement. C’est une plaie systémique, comme l’on dit. Dès lors que ce que
nous annonçons nous met en porte-à-faux, dès lors que l’évangile que nous
confessons et voulons annoncer dénonce notre propre vie, le risque de l’hypocrisie
menace, comme la bête tapie à la porte de Caïn. Déjà nous sommes disciples, si
en plus, il faut se remettre en cause. Mais peut-on être disciples autrement qu’à
se remettre en cause ? (Cf. Lc 2, 34)
Plus fondamentalement que la dénonciation de l’hypocrisie, mais
sans la minimiser, deux questions sont posées : Qu’est-ce qu’être juste
devant Dieu ? Quelle nouveauté la miséricorde permet-elle de faire apparaître ?
A dire vrai, ces deux questions n’en font qu’une. Mais on ne l’apprend qu’à entrer
dans la peau du publicain. Le peut-on si l’on se croit juste ?
Qu’est-ce qu’être juste devant Dieu ? Pouvons-nous imaginer ne
pas être justes alors que nous venons le prier régulièrement, alors que notre
vie nous paraît ne pas enfreindre outre mesure les lois de la cité ou de la
morale ? Voyez les enfants, ils sont forcément du côté du plus fort, et le
plus fort est forcément un gentil. Ils sont forcément dans son camp, puisqu’ils
sont gentils. Un monde binaire des méchants et des gentils, comme adultes, nous
ne pouvons pas ignorer que cela n’existe pas. Et pourtant, ne continuons-nous
pas à penser ainsi ?
Il est si douloureux de se reconnaître autrement que bon. Cela a
été le drame de Martin Luther. Un peu plus lucide que la moyenne ‑ rien n’indique
qu’il ait été davantage pécheur que la moyenne ‑ il désespérait de lui. Qu’est-ce
qu’être juste devant Dieu ? La question est vide de sens. Personne n’est
juste. Depuis la rencontre avec la femme adultère, nous savons qu’il n’y a personne
pour jeter la première pierre. Nous savons notre péché. Il ne s’agit pas de se culpabiliser,
de se vautrer dans le misérabilisme. Seulement reconnaître ce qu’il en est.
Alors, que Dieu fasse miséricorde devient une bonne nouvelle. C’est
lui qui rend juste. Ce qui pour le juste, celui qui se croit juste, est objet
de scandale, que Dieu soit miséricordieux ‑ il ne va tout de même pas
traiter les salauds comme il me traite ! ‑, devient une source d’espérance.
Rien n’est perdu pour Dieu ; nul n’est
trop loin pour Dieu ; rien n’est fini pour Dieu.
Ce n’est pas tant l’humilité du publicain qui est donnée comme modèle.
Jésus a autre chose à faire que de nous enseigner la morale. Ce qui importe, c’est
de ne pas s’y croire, et, sachant que l’on ne pourra pas compter sur soi pour
en sortir, consentir à s’en remettre à Dieu. C’est facile, et mensonger d’être
humble, tant que l’on continue fièrement à se croire capable, y compris d’humilité !
C’est autre chose, dans la faiblesse, de s’en remettre à l’autre.
Le publicain est modèle de confiance, modèle de foi. C’est le
Seigneur qui nous tire du gouffre, notamment par les frères. C’est lui, la
résurrection. Non que je n’aurais rien à faire ! Il y a tant à faire, tant
à sacrifier même, si vous voulez, pour faire confiance, pour compter sur les
autres, non par rouerie, mais pour vivre.
Parabole bien dans la ligne de l’enseignement prophétique de Jésus.
Dieu se moque des sacrifices, ne pas manger de chocolat, payer la dîme, etc.
Les sacrifices sont une hypocrisie de plus et partant une insulte à Dieu sans
la charité, la miséricorde envers les frères, regarder leur misère avec le cœur.
La charité est le seul et authentique culte.
Une petite histoire de rien du tout et tout est dit de l’attitude
du disciple.
Salut Patrick, chez Saint Augustin, on trouve, à propos de la soi-disant prière du pharisien :
RépondreSupprimer« Que demande-t-il donc à Dieu ? Qu’on examine ses paroles, et on ne le trouvera pas. Il est monté pour prier mais au lieu de prier Dieu il se loue. Il ne lui suffit pas même de ne pas prier et de se louer, il insulte celui qui prie. »
Je n'ai malheureusement pas la référence du commentaire de Saint Augustin... Ce n'est pas très sérieux. Cependant, j'ai confiance dans ma source.
Je pense aussi qu'on peut comprendre ainsi la crainte de Dieu, si difficile à recevoir. Devant mon péché qui me rend hypocrite au plus haut point quand je présente l'offrande, se trouve une crainte salutaire face à la miséricorde de Dieu qui reçoit mon offrande - laquelle est celle du Christ et non pas la mienne.
En tout, c'est l'oeuvre de Dieu qui s'accomplie quand je décide de venir vers Lui, en tremblant.
Merci Bertrand.
SupprimerA priori sermon 115.
Tu as raison, c'est notre péché qui nous rend hypocrites, dès lors que l'on prie, et c'est bien ce que diraient Paul et Luther.
Ce soir, en écoutant le texte, je me disais, qu'à condamner ce pharisien, ou au moins à nous en désolidariser, nous reprenions exactement son discours. "Je ne suis pas comme". "Je ne suis pas comme ce pharisien" et nous voilà pharisien ! Cette parabole est redoutable.
On pourrait aussi citer Péguy : "Parce qu'ils n'aiment personne, ils croient qu'ils aiment Dieu"
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