04/10/2019

« Augmente en nous la foi. » Lc 17, 5-10 (27ème dimanche du temps)


« Seigneur, augmente en nous la foi. » Augmenter la foi ? La foi est-elle quelque chose de mesurable, d’accumulable, de capitalisable ? N’aurait-on rien compris à ce qu’est la foi ? La réaction de Jésus, histoire de faire comprendre qu’il y a un problème, dirait en substance : à demande stupide, réponse stupide. La demande, même faite en toute bonne foi, voire humilité ou désespérance, serait à côté de la plaque.
On pourrait penser que la réponse de Jésus est métaphorique. Ne faut-il pas une foi à déplacer les montagnes pour réformer l’Eglise comme le fait François, pour suivre Jésus dans son service des pauvres, comme l’ont fait par exemple François d’Assise ou Vincent de Paul, pour traverser le mal comme les martyrs d’hier et aujourd’hui ?
Tous ces exemples peuvent s’expliquer sans la foi, par les seules opiniâtreté et intelligence, par la joie de voir des pauvres se lever à être reconnus comme des frères. Il n’y a pas que des croyants qui déplacent des montagnes ! Pire, on déplace aussi des montagnes pour tuer et détruire, par haine, par amour de l’argent, pour être toujours plus puissant !
Ceux qui se battent pour renverser les montagnes de l’immobilisme, des traditions et de l’injustice ont foi dans la légitimité de leur combat. Ils peuvent être athées, vivre sans Dieu, mais ont foi, sont croyants. Jésus a plusieurs fois loué la foi de personnes qui n’étaient pas de ses disciples, ainsi cette syro-phénicienne que rien n’arrête pour obtenir la guérison de sa fille, ce centurion romain qui n’est pas digne de le recevoir mais croit qu’il peut guérir son serviteur, ou ces dix lépreux dont nous lirons l’histoire dimanche prochain. Ils y ont cru !
La foi des disciples est un attachement à Jésus tel qu’il change leur vie. Si on veut une comparaison, on pourra penser à la relation d’amour qui permet à l’enfant de grandir. C’est par la confiance qu’il a envers l’adulte qu’il se lance à marcher. Nous avons tous vécu cela. C’est par la confiance aimante que nos amis, notre conjoint, les autres nous façonnent. On ne naît pas homme, humain, on le devient, avec, par et pour les autres.
Ce que Jésus dit par toute sa vie, ses paroles et sa mort est à jamais inouï. Le plus autre, jusqu’à pouvoir être source de vie, prend figure du même pour mieux dire son amour. Mais déjà nous commençons à élaborer des explicitations, des théories et la foi devient un énoncé. C’est indispensable mais aussi totalement raté. Que pourrons-nous jamais dire de « ce que tous appellent Dieu » ?
Que signifie alors augmenter la foi ? Augmenter notre confiance en Jésus ? Augmenter notre assentiment aux dogmes ? Augmenter ce que cette confiance transforme en nous pour nous rendre saints comme il saint, frères avec tous puisqu’il est le frère universel ?
Qu’il y ait de l’hésitation par rapport aux dogmes, c’est bon, très bon. Le dogme n’est pas ce que l’on croit. La foi ne s’arrête pas à ce que l’on énonce, fut-ce dogmatiquement, mais à ce que vise l’énoncé. Ainsi échappe-t-on au fanatisme, à la radicalisé de l’intolérance ; ainsi demeure-t-on ouvert à l’autre au nom même de celui qui est l’autre de l’homme et sa source. La foi comme énoncé, si elle doit être augmentée, ce n’est pas pour que nous soyons davantage convaincus mais pour mieux comprendre ce que nous croyons. Dans le grand face-à-face où nous connaîtrons comme nous sommes connus, nous constaterons que cet autre de l’homme qui est sa source n’a que si peu à voir avec « ce que tous appellent Dieu ».
On voit bien en revanche, que l’on n’est jamais à la hauteur quand il s’agit d’être frère de tous. Est-ce pour être sûrs de ne pas avoir à remettre en cause la qualité de leur foi que certains refusent de faire de la foi une œuvre humanitaire ? Mais là, dans le service des frères, qui est ce que nous faisons, ou pas, à Jésus, surtout à travers les plus petits qui sont les siens, nous mesurons combien nous n’y sommes pas. Voilà pourquoi nous pouvons demander la foi plus grande. Tout prendre pour relatif, balayure même, eu égard à l’amour du prochain. Cela pourrait être le sens des serviteurs inutiles qui suivent l’échange sur la foi.
Augmenter la foi dès lors, c’est se laisser mener par Jésus dans les actes de chaque minute. Il ne s’agit pas d’avoir plus de foi comme on a plus d’argent en banque, mais de s’abandonner, se décentrer toujours plus, avoir moins donc. L’autre - Dieu et les frères - d’abord. Les frères, au nom de l’autre qui est source ‑ Dieu ‑, d’abord ! Il reste du travail. « Seigneur, augmente en nous la foi ! »

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