Qui donc est Dieu ? Comment parler de lui ? La théologie comme le catéchisme sont sans doute imprudemment bavards. Certes, il est légitime d’essayer d’articuler ensemble les propos de l’évangile. Jésus parle du Père, son Père. Il parle de l’Esprit qui prend la relève de sa propre mission. Il affirme la proximité, l’unité avec le Père. Mais on a envie de savoir : L’Esprit et Jésus, les deux mains du Père comme dit Irénée de Lyon, sont-ils Dieu ? S’ils le sont, Dieu est-il encore l’unique ? S’ils ne le sont pas, comment pourraient-ils nous diviniser ?
Lorsqu’il s’agit de répondre à ces questions, lorsqu’il s’agit de se raconter ce que l’on croit, pour être, unanimes, membres d’un même corps, on s’engage dans des distinctions, des précisions, des concepts toujours plus abstraits. O, abandonne le langage imagé, concret et recourt à ce qui est disponible dans la culture, la philosophie grecque de l’être notamment.
De Charybde en Scylla, c’est une cacophonie plus grande encore. L’être s’entend de multiples manières disait Aristote, plus de six siècles avant le concile de Nicée. Les mots n’ont pas le même sens selon les écoles, et s’il faut traduite en d’autres langues, le latin surtout, c’est la catastrophe. L’étymologie est souvent contraire à l’usage. Ce qu’on dit dans une langue après bien des efforts d’élucidation a un tout autre sens dès lors qu’on traduit.
Est-il possible de parler de Dieu ? Qu’il le faille ne suffit pas à ce que ce soit possible ? Que signifie le mot dieu ? Existe-t-il une définition de « ce que tous appellent dieu » ? Ce n’est pas pour rien qu’Israël se mit à refuser de prononcer ce nom.
Jésus prétend être le seul à connaître le Père. Ne devrait-on pas dès lors pour parler de Dieu partir de Jésus et uniquement de lui ? Voilà qui est impossible. Les premiers chrétiens, les auteurs sacrés, n’ont pas transmis les propos de Jésus chimiquement purs de leurs propres compréhensions de sa parole. La parole de Jésus, à supposer que nous puissions l’arracher à nos propres grilles de lecture, est inséparable de la parole de ceux qui l’ont transmise. Jésus n’a jamais existé sans ses disciples.
Jésus ne cherche jamais à dire qui est Dieu. Il vit avec lui et pour lui. Les paraboles peuvent-être lues cependant et par exemple comme autant d’occasions pour Jésus de dire Dieu : un homme avait deux fils, un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, le semeur sortit pour semer, etc. L’évangile d’aujourd’hui relève-t-il de la parabole ou du catéchisme : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. » (Jn 3, 16) Comment entendre ces paroles pour qu’elles ne soient pas mythologie ?
Jésus ne parle jamais de Dieu en soi, mais toujours pour nous. Il est bien le disciple de Moïse auquel ce Dieu confesse avoir vu la misère de son peuple. On ne peut savoir quoi que ce soit de Dieu, indépendamment de qui il est pour nous, de qui nous sommes pour lui.
Jésus ne parle jamais de Dieu en termes abstraits : l’être, l’être suprême, ce qui explique le monde, etc. Il l’appelle Papa, abba. Ses paroles sont pratique d’une relation aux frères. Mieux vaut se taire et vivre de l’amour pour parler de Dieu. Tout ce qui pourrait nous faire croire à la précision du discours est un leurre. Il vaut mieux dire que Dieu est un caillou – aussi insolite que ce soit ‑ et l’on comprend qu’il empêche d’aller sans se poser de question ‑ caillou dans la chaussure ‑ ou qu’il est un abri, un rocher, ainsi que disent les psaumes.
Nous avons pris conscience ‑ on le remarquait déjà avec l’inextricabilité des propos de Jésus et de ceux des disciples ‑ que Dieu est le fait d’une histoire somme toute assez récentes, trois quatre millénaires. Qu’est-ce que cela par rapport aux 200 000 ans ou 3 millions d’années de l’humanité ? Le premier Testament est l’histoire de l’invention du nom de Dieu, un dieu de l’orage d’un clan nomade, Yahvé, qui devient le Dieu d’Israël.
Il faudrait alors entendre la Trinité tout autrement que comme la manière ajustée de parler de Dieu. C’est juste ce que l’on a réussi à dire pour ne pas parler de Dieu et ainsi le désigner moins mal, juste faire signe vers lui. Il faut entendre la Trinité non comme un terme technique, une expression adéquate, un mantra ou un article de foi. Il faut entendre la Trinité comme ce qu’elle veut exprimer, une communauté de vie, d’amour. Une communauté qui fait sien tout ce à quoi elle s’ouvre, l’humanité aussi au point qu’est Dieu tout ce dont Dieu se soucie, tous ceux et celles que Dieu aime et crée.
Parler de Trinité sans doute, à condition d'en savoir toutes les limites, balbutiement chaque fois que l’on pense Dieu. Nous restent les mots de l’évangile, la vie selon l’évangile, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Est-il convenable de dire que je suis accordé à ce que vous dites. Acheminons-nous, pas trop lentement, vers une plus juste perception de YHWH, cette "voix de fin silence" comme traduisait Levinas. Et laissons-Le, entons,oeuvrer pour que le reconnaissions en nos frères et soeurs les humains, - eux qui sont la "vérification" de YHWH.
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