Reprenons notre lecture de l’évangile. Nous avons entendu dimanche dernier, la confession de foi à Césarée et la solidité de l’Eglise de Jésus, « son » Eglise, bâtie sur Pierre.
Dans ce chapitre, Jésus est en conversation avec ses disciples. (Il n’y a pas d’apôtres ici. D’ailleurs le terme n’apparaît qu’une fois en Matthieu, au chapitre 10.) Seul Pierre est nommé, comme si le nom de chaque disciple était Pierre, ou parfois Simon, ou parfois Simon-Pierre, ou parfois… Satan. Rappelez-vous, « la pierre est tout disciple » selon Origène.
Ensemble, ils traversent le lac après avoir laissé de ceux qui tendent des pièges à Jésus. Jésus invite alors à se méfier du levain des pharisiens et des sadducéens et cela semble faire penser aux disciples qu’ils n’ont pas pris de pain. Jésus leur reproche ce type de préoccupations. Ils n’ont donc pas compris ce qui s’est passé lorsque les pains, par deux fois, ont été partagés à toute une foule.
Viennent la confession de foi et notre texte (Mt 16, 21-27), l’annonce de la passion. De nouveau, à travers Pierre, ils ne comprennent pas. Ils ne comprendront jamais, les disciples, le chemin de la vie passe par la mort. Nous en sommes là, aujourd’hui encore. Non que le renoncement soit un but. Il est même détestable, surtout lorsqu’il est avilissement. Mais comment vivre en paix avec tous sans ce pas en arrière qui laisse passer le frère en premier ?
Pierre, tout disciple, qui confesse Jésus et sur la foi duquel « son » Eglise est bâtie est celui qui est traité de Satan par Jésus. Prélude à la trahison : « je ne connais pas cet homme » et tous l’abandonnent. Satan…
Voilà sur qui l’Eglise est bâtie ! Comment voulez-vous que ça ailler ! Tout est là pourtant pour que cela marche. Jésus ne cesse de se livrer, Jésus ouvre le chemin, il est le chemin. Il n’y a plus qu’à suivre. Le schéma est dessiné, passer derrière. Mais Pierre rechigne, les disciples n’en veulent pas, nous tournons le dos à celui que nous appelons Seigneur.
On ne comprendra rien à la profession de foi, la nôtre en outre, si nous ne l’inscrivons pas sur fond de nos trahisons de Jésus. On se leurre à parler de foi, de disciples, si nous ne savons dire aussi combien nous sommes minables, Satan.
Ce n’est pas qu’il faille s’humilier. C’est qu’il n’est pas possible de s’enorgueillir. Ce n’est pas une question de morale, c’est une question de salut. Jésus ne vient pas sauver en nous ce qui n’a pas à l’être. Il vient sauver le pécheur en nous. (Bon, il transfigure notre grandeur, qui elle aussi est sauvée). Ce ne sont pas les gens bienportants qui ont besoin du médecin. Comment recourrons-nous au médecin si nous ne voulons pas voir nos trahisons ?
Attendre un sauveur, espérer un amour plus grand que tout ce que nous détruisons en nous et autour de nous, nous sortir de nos impasses, de nos morts, nous ouvrir la vie, suppose de passer derrière et de confesser en même temps que la foi, que nous sommes de ces pauvres types, prostituées et publicains, contaminés par le levain des pharisiens et sadducéens, que le Seigneur aime. Pourquoi donc les invectives contre les pharisiens sont-elles si importantes ? Confesser la foi, c’est toujours aussi confesser notre débilité, ou alors c’est mensonge, tromperie, ce n’est pas la foi.
Jean raconte la même histoire avec le lavement des pieds que Pierre refuse. Le Maître ne va pas lui laver les pieds, tout de même ! Fausse humilité, orgueil démesuré, notre histoire, histoire de disciples. Refuser que Jésus nous lave, c’est nous croire purs de tout péché, n’avoir pas besoin de Jésus.
Lorsqu’il s’agit de gouverner, une société, un groupe, une paroisse, l’Eglise ; lorsqu’il s’agit d’élever ses enfants ou d’en éduquer, nous ne serons non seulement crédibles, mais témoins véritables, qu’à nous montrer tels que nous sommes, en attente de la sainteté que Jésus nous donne, à laquelle les frères nous ouvrent.
Renoncer à passer derrière est satanique. La foi, forcément celle de Pierre, est satanique si elle n’est renoncement. Cela vaut pour tout baptisé, y compris pape. Que de Satan l’Eglise a-t-elle connus ! Combien de fois Satan nous gouverne-t-il ? Pierre, les disciples, c’est assez souvent ! Seigneur, au secours (Mt 8, 25) ! Seigneur, sauve-moi (Mt 14, 24-32) !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire