01/01/2021

Epiphanie de la bonté

Alors que le repli de l’Eglise semble toujours plus fort et inéluctable, particulièrement lorsque la dynamique démographique est faible voire négative, fêter l’épiphanie a quelque chose de mal accordé. Où sont-elles les nations qui marchent à sa lumière, les rois et les filles portées sur la hanche ? Où est-elle la révélation du mystère que les âges anciens avaient ignoré ? Où est-elle la libération de tous les exils ? Nos Eglises paraissent tellement étrangères à tout cela. La nuit étend son empire non seulement sur le monde, mais sur ces Eglises. La lumière de l’Orient et de son prince de la paix ne guide pas grand monde vers le salut.

Que sera le destin de l’évangile ? C’est non seulement la modestie voire l’inanité de la mission qui nous saute à la figure ; notre propre foi est bousculée et vacille.

Certains choisissent une stratégie sectaire, ou du moins se laissent portés par un repli entriste. Leur Eglise est d’autant plus catholique qu’elle est de moins en moins universelle. Cruelle contradiction dans les termes. D’autres, à l’inverse, sont emportés dans et par l’effacement de l’évangile. Pendant ce temps, les superstitions prospèrent et l’avenir de l’illusion qu’elles portent.

Faudra-t-il montrer l’actualité et l’efficacité de l’évangile pour affronter les défis auxquels les sociétés sont confrontées ? Oui, si l’on veut ainsi contenir l’irrationnel et rendre compte de la nécessité pour la mission de l’action politique ou sociale, engagement dans cité, polis ou societas ? Certains y compris parmi nous reprochent à l’Eglise ce type d’engagement. Que l’Eglise s’occupe de religion et pas de politique. Mais non, le pape lui-même, décidément insupportable, réclame un revenu universel !

Je ne vais pas entonner le refrain de la gratuité qui peine à convaincre jusque dans notre assemblée. Dire que l’évangile ne sert à rien continue de choquer une façon mondaine de penser, où ne vaut que ce qui est efficace. Que la grâce ne soit jamais une valeur ! Ce qui nous intéresse, à la bourse, dans notre portefeuille comme en morale, ce sont les valeurs. Mais la grâce est comme la manne, renouvelée chaque matin.

Comment alors vivre de l’évangile comme manifestation à tous de la lumière ? N’aurions-nous pas encore entendu l’évangile ? Peut-être n’avons-nous jamais été chrétiens, convertis. Laissons le procès des époques révolues et concentrons-nous sur ce que nous appelons être chrétiens, être disciples.

J’aime le vieux mot de discipline du Christ. Non pas celle de la morale, ni celle que l’on se donne. La discipline du Christ, c’est le fait de vivre en disciples, une bonté pour tous. Ainsi a vécu Jésus. C’est son évangile, l’heureuse annonce : Dieu est bonté. Voilà ce qui est manifestée, épiphanie. Jésus est bonté. Les médiévaux, à regarder l’enfant Jésus représenté dans ses langes, voyaient un pain, blanc et strié comme une miche à partager. L’eucharistie n’est pas un truc sacré et ésotérique, mais la bonté de Dieu pour qu’on puisse la manger, la goûter, s’en régaler, s’en repaître.

Ce n’est pas notre affaire de savoir ce qu’il en sera de l’évangile demain. Certes les plans pastoraux sont nécessaires mais personne n’est garanti du résultat. Changer les structures empêchera peut-être de mourir moribond, ce qui ne serait pas si mal, mais demeure bien trop peu. Il convient de changer ce que veut dire être disciples, se ranger sous la discipline de l’enfant de la crèche, l’homme qui fait passer les autres devant jusqu’à en mourir.

Ensemble, non chacun de notre côté, la bonté de Dieu l’exige de nous, non pour faire nombre, mais parce que sans les autres nous ne sommes rien. Etre ensemble bonté pour tous, au nom de la lumière des nations. Ce vœu-là nous pouvons nous le souhaiter autrement qu’à nous réfugier dans la superstition, à nous bercer d’illusion, parce que, pour une bonne part, il est entre nos mains.

Voulez-vous que ce soit ce à quoi nous nous engagions, résolution de début d’année ? Avoir le souci les uns avec les autres d’être chacun et pour tous une des étables où se manifeste la bonté de Dieu pour tous. Non pas une résidence de luxe, qui nécessiterait des moyens que nous n’avons plus. Seulement une crèche, une étable, pour faire office de salle commune, qui demeure ouverte à l’accueil, où le Christ se manifeste comme la bonté de Dieu pour tous.

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