15/04/2022

Pourquoi chercher le Vivant parmi les morts ? (Pâques)

Drame, panique, le corps a disparu et on ne sait pas où on l’a mis. Le corps enlevé, c’est ce qui arrive à chaque décès. Et si l’on sait où on l’a déposé, il demeure inaccessible ; bientôt, on ne saura plus où on l’a mis. La plupart de nos aïeux, passés cent ans, nous n’en avons plus aucune trace.

Faire le deuil. C’est fini. C’est ce que nous vivons. Je pense à ceux qui perdent leur conjoint après tant d’années ensemble. C’est fini. Réapprendre à vivre. Même à quatre-vingts ans, réapprendre à vivre, vivre à nouveau, ressusciter.

« On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » L’enjeu de la résurrection de Jésus, c’est de trouver le corps disparu. Et tout le monde court dans l’évangile (Jn 20, 1-9), sans doute davantage dans la panique que dans l’urgence de retrouver le corps, de trouver le corps de nouveau vivant, le corps nouveau du vivant.

Je me rappelle ces funérailles où je m’étais fait houspiller par une amie de la famille qui par ailleurs présidait les funérailles dans sa paroisse. Je n’avais pas donné d’espérance. Je me rappelle telle rencontre des équipes funérailles du diocèse. Dire la fin, constater la fin est intolérable. Alors on transige : oui, nous nous retrouverons. Non, il n’est pas mort, mais vivant en Dieu, ou présent dans la pièce à côté. « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Perte définitive.

J’ai parfois l’impression que l’expression de la résurrection n’est pas celle de la foi chrétienne. La résurrection n’est pas un happy end, la mort une péripétie. S’il n’y a pas la mort, avec toute sa brutalité factuelle, y compris dans le plus paisible des sommeils, entouré de l’affection de tous, il n’y a pas de résurrection. Je ne suis pas certain que nous en ayons fini avec l’animisme. Le culte des ancêtres, le culte des morts est ce que nous pratiquons le plus communément, y compris dans l’Eglise. C’est autre chose, la résurrection. A jamais Jésus est mort, disparu. C’est comme crucifié que les récits font apparaître le ressuscité. A jamais, il est le crucifié avec les marques des clous et les blessures d’un corps meurtri.

La résurrection est une nouvelle création dont nous n’avons pas idée. La résurrection est contre-intuitive, scandale et folie. Il faut chercher le corps, car sans corps, on ne vit pas, car sans corps, il n’y a pas d’humains, d’humanité. Et le temps presse, c’est la course. Mais ce n’est pas au tombeau que nous trouverons le vivant. Evidemment ! On aurait pu s’en douter.

Où donc est le vivant ? Où donc est le vivant en son corps ? C’est ce que les disciples vont mettre trois jours à commencer à comprendre. Ils sont son corps. Ils apprennent où est le corps de Jésus que la mort a enlevé. C’est eux qui ont la force de courir comme des fous, de Jérusalem à Rome, des pharisiens aux meurtriers, des saints au pire des salauds. C’est eux, comme un corps qui reprend vie, métonymie de l’humanité sauvée.

Avant même la rédaction des récits d’apparition, avant même l’invention du thème du tombeau vide, dès les années Cinquante, vingt ans après la mort de Jésus, la littérature paulinienne atteste de cette foi. « Vous êtes le corps du Christ, chacun pour votre part. » (1 Co 12, 27) « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? » (Lc 24, 5)

Il y a urgence à courir prendre soin de ce corps. La guerre nous montre ce corps mutilé, sans vie. Les exclusions de tous ordre démembrent le corps, le dépècent, de déchirent. « Il a voulu qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. » (Ib. 25-26)

A ceux qui cherchent le corps du Seigneur, désespérant de croire en Jésus, le messager l’annonce : le souci de son corps est le lieu de sa présence, vous l’y trouverez. Prenez soin les uns des autres, portez les fardeaux les uns des autres, et vous ne pourrez plus jamais chercher le vivant parmi les morts, et vous proclamerez sa résurrection jusqu’à l’heure de son retour.

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