
L’attachement du magistère catholique à la famille est fétichiste, à l’instar de ce qui sont privés de leur famille, par exemple pour raison de délits et crimes sexuels, mais qui ne cessent de rêver leur famille, de s’y raccrocher, soit qu’ils n’ont pas compris le mal commis, soit qu’ils fantasment pour surmonter leurs gestes.
La louange des familles est insupportable, dès lors que l’on a été victime de la violence familiale. Et nous sommes nombreux dans ce cas. Et ceux qui ont tout cassé dans leur famille sont souvent aussi de ceux qui ont été victimes. On ne peut parler de la famille correctement qu’en prenant en compte cette dimension monstrueuse.
La Sainte famille est une vaste tromperie, on ne sait rien de la cellule Jésus, Marie, Joseph, un papa, une maman et un enfant. Ou plutôt, on sait que Joseph n’est pas le père ! On sait qu’il y a d’autres enfants. « Celui-là n’est-il pas le fils du charpentier ? N’a-t-il pas pour mère la nommée Marie, et pour frères Jacques, Joseph, Simon et Jude ? Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes chez nous ? » Les synoptiques s’accordent sur ce point. Et puisqu’on nomme un père, dont personne ne remet en cause la profession qui le désigne, une mère, largement attestée, pourquoi faudrait-il contester que la fratrie soit née du charpentier et de Marie ?
La conception virginale racontée par Luc et Matthieu n’est pas contredite par cette famille nombreuse, si du moins on la lit selon ce que les évangélistes disent par elle. La fratrie connaît des tensions pas communes qui valent à Jésus un propos peu amène. Les siens viennent pour le raisonner, l’arraisonner, et il leur balance : « "Qui est ma mère et qui sont mes frères ?" Et tendant sa main vers ses disciples, il dit : "Voici ma mère et mes frères." »
Jésus se libère d’une famille qui manifestement en ce lieu, Marie comprise, est castratrice, empêche l’expression, certes peu ordinaire, d’un des enfants. Il est charpentier comme son père, tradition ! Mais il ne croit pas comme ses contemporains, il recadre et réinterprète la loi selon les prophètes en s’opposant au système cultuel. Ce n’est pas qu’une affaire de religion, c’est toute la société qui est mise sens-dessus-dessous.
Ce mouvement de renversement est annoncé dès le Magnificat. La famille, ce n’est pas le clan, ce n’est pas le sang. « Quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère. » La soumission – littéralement islamique ‑ du jeune Jésus de l’évangile de l’enfance met en relief la liberté de l’homme qui évangélise Dieu.
Mon allusion à l’Islam n’est pas gratuite. L’Islam cristallise dans la société tant de craintes et même de phobies. Et pourtant, beaucoup ont des amis, des collègues ou des voisins musulmans avec qui ils s’entendent bien. Beaucoup de mariages ou de pratiques sportives ne connaissent dans les faits rien de cette phobie voire cette haine. Le discours, d’autant plus s’il est médiatisé, arme politicienne, ne correspond pas aux attitudes observables.
Le 4 février 2019, François et le Grand Imam d’Al-Azhar signaient une déclaration sur la fraternité. Reconnaître en l’autre un frère, une sœur. Choisir de vivre en frères. Non pas les frères ennemis, mais ceux qui cherchent la paix et la concorde parce qu’ainsi, ils honorent leur Dieu, parce qu’ainsi, ils mettent sa parole en pratique, faisant de ce monde une famille. La Sainte famille ce n’est pas Jésus, Marie, Joseph, c’est la vocation de l’humanité.
Ainsi commence le texte : « La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer. De la foi en Dieu, qui a créé l’univers, les créatures et tous les êtres humains – égaux par Sa Miséricorde –, le croyant est appelé à exprimer cette fraternité humaine, en sauvegardant la création et tout l’univers et en soutenant chaque personne, spécialement celles qui sont le plus dans le besoin et les plus pauvres. »
Alors que nous fêtons Noël, naissance du frère universel, nous sommes convoqués à sa fraternité. Non pour mépriser les familles. Avec leurs lourdeurs, pour le meilleur et pour le pire, elles nous ont façonnés ; certains, combien elles les aident et soutiennent. Mais nous sommes appelés à voir à la hauteur de Dieu lui-même. Différents par la manière de croire, nous sommes convoqués par le Dieu toujours plus grand, toujours inconnu, à la fraternité plus large, parce qu’ainsi nous découvrons combien Dieu est grand (parole de musulmans !)
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