Parler d’épiphanie, c’est parler de la manifestation de Jésus de Nazareth à tous, partout et toujours. Parler d’épiphanie, c’est parler de catholicité, ce que signifie justement ce « pour tous, partout et toujours ». Et comment prétendre que ce qui se joue en cet homme, Juif palestinien du premier siècle de notre ère, concerne tous les hommes, partout et toujours ? Comment prétendre que la catholicité vise l’humanité tout entière ? N’est-ce pas conquérir le monde ?
Force est de constater que l’universalisation du christianisme est source de violence, voire choc civilisationnel. C’est une violence déjà au sein du judaïsme dont Jésus est né ; c’est une violence pour le monde d’aujourd’hui qui ne veut pas qu’on l’ennuie à parler de Dieu, c’est une violence pour des peuples qui n’ont pas demandé à être évangélisés.
Certes, la violence, aujourd’hui, ce sont pas mal les chrétiens qui en font les frais, n’ayant plus les moyens de s’imposer par la force. En Irak, au Nigéria, ailleurs encore, en Egypte ce 1er janvier même, on est tué parce que chrétien. L’Eglise et l’évangile se retrouvent dans une situation à bien des égards proche des origines de la foi, le martyre.
Parler d’épiphanie, de manifestation de Jésus de Nazareth à tous, partout et toujours, c’est beaucoup moins simple que de raconter une histoire de mages venu d’Orient. Cela met en jeu la mission pour laquelle l’évangile nous accrédite. Les pays de mission sont nombreux. Il ne s’agit plus seulement de pays anciennement colonisés ; c’est la France qui est pays de mission, ce sont nos amis et familles qui sont pays de mission, ce sont nos voisins et collègues de travail.
Pourquoi et comment la manifestation de Jésus doit-elle avoir lieu pour que l’épiphanie ne soit pas qu’une histoire tellement ancienne que plus personne n’y croie autrement que comme un conte pour enfants, avec des mages, une étoile et de l’or ?
L’épiphanie de l’homme de Nazareth, c’est la manifestation du visage même de Dieu. Y a-t-il visage plus défiguré que celui de Dieu ? Nos catéchismes en font trop souvent l’autorité sévère gardienne de l’éducation morale. La vulgate journalistique en fait trop systématiquement la source de tous les maux, de toutes les violences, de tous les obscurantismes. Hier comme aujourd’hui, les hommes, mêmes les plus dévots, se font des images de Dieu, des idoles. Qu’ils les rejettent et Dieu risque d’être liquidé comme le bébé avec l’eau du bain ; qu’ils l’adorent et Dieu devient non croyable, arguties d’institutions qui veulent gouverner les peuples en les asservissant au nom de Dieu.
L’homme de Nazareth a manifesté, est l’épiphanie d’un autre visage de Dieu. L’homme de Nazareth manifeste Dieu qui s’approche de l’homme en faisant de Jésus son Fils. Epiphanie d’un Dieu à visage humain, folie, contradiction dans les termes ou scandale, sacrilège.
La manifestation de l’homme de Nazareth, aujourd’hui, c’est d’abord cela, l’épiphanie du visage de Dieu, celui de Jésus. Et si Dieu est homme, quel homme désormais pourrait-il ne pas être honoré comme icône de Dieu ? L’épiphanie de l’homme de Nazareth est engagement pour la justice. On ne saurait être chrétien non pratiquant, de la pratique de la justice, ou alors on se gardera bien de parler d’épiphanie aujourd’hui, ou alors on réduira l’épisode des mages à une belle histoire de sages venus d’Orient, arrivés avec un peu de retard pour la naissance de Jésus. Belle histoire à laquelle plus personne ne croit et d’ailleurs à laquelle il ne faut surtout pas croire si l’on veut avoir une chance d’entendre l’essentiel : la manifestation de l’homme de Nazareth engage à la justice.
Comment manifester, rendre visible et connaissable l’homme de Nazareth ? Nous n’avons d’autres chemins que le sien. Le chemin du service. Nous pourrions connaître la vérité et dénoncer que nos contemporains lui tourne le dos, cela ne servirait de rien, si ce n’est de nous les mettre encore un peu plus à dos. Mais nous ne connaissons pas la vérité en dehors du chemin que Jésus a ouvert et cette vérité n’est pas un savoir, un catéchisme. Elle est un engagement, une pratique.
Pour manifester l’homme Jésus, ne devons-nous pas comme lui, ouvrir les Ecritures et laisser là les sacrifices ? Ne devons-nous pas comme le disent les prophètes pratiquer le seul jeûne qui plait à Dieu, libérer les prisonniers, nourrir les affamés, aimer tout homme comme un frère ? Si la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, tout moribond assombrit le visage de Dieu ; or l’épiphanie consiste précisément à laisser briller sa gloire, à mettre debout une humanité accablée.
Lire les Ecritures, c’est comme Jésus, être engagés pour la vie des hommes, qu’ils voient Dieu. N’est-ce pas ce qui se passe pour nos mages qui se font ouvrir les Ecritures et qui découvrent ainsi l’enfant de Bethléem, l’homme de Nazareth, le visage de Dieu ?
Textes de l'épiphanie: Is 60, 1-6 ; Ep 3, 2-6 ; Mt 2, 1-12
Merci, vraiment, Patrick
RépondreSupprimerça fait toujours un bien fou de te lire
tu nous déplaces, tu nous aides à avancer
tu nous révèles Dieu...
vraiment !