05/03/2014

S'exposer à Dieu, la prière (Cendres)

Quand vous priez. Voilà exactement ce que nous sommes en train de faire, voilà exactement le propos de notre carême. Quand vous priez, mais qu’est-ce que prier ? Il semble que ce ne soit pas aussi évident que cela puisque Jésus indique ce qu’il ne faut pas faire, enseigne aussi, dans les quelques versets qu’omet la liturgie de ce jour, les paroles de la prière, le Notre Père (Mt 6,7-15).
S’il s’agit de prier sans ostentation, on conviendra que cela s’impose. Mais ce n’est pas propre à la prière mais à toute la vie chrétienne, de l’aumône au jeûne, en passant par la prière. Voilà que finalement, notre texte (Mt 6, 1-6, 16-18) ne dit pas tant de choses que cela.
Chacun de nous s’est essayé à la prière, a une habitude de la prière. Pour certains, c’est une chose qui coule de source. Non qu’il soit toujours facile de prendre le temps de la prière, mais qu’ils savent comment faire, qu’ils entraînent même les autres à prier. Pour d’autres, la prière est un véritable mur. A la différence des précédents, nul sentiment de la présence de Dieu, nul bien-être ou repos, mais un ennui, un si long temps, trop long, durant lequel on ne cesse de penser à autre chose.
Il faut dire que la prière est en crise. Il faut dire que la prière, ça ne marche pas. On pourra toujours nous sortir un exemple où Dieu nous a exaucés, mais fondamentalement, depuis le temps que l’on prie, de toutes religions, pour la paix, par exemple en Syrie, et rien, et le peuple continue à crever. Ceux qui sont convaincus que ça marche ressemblent plus à des fanatiques ou à de doux rêveurs.
Oui, bien sûr, dit ainsi, ce n’est pas de la prière que l’on parle mais de sa caricature, de la magie, de la prière des païens, pas de la nôtre. Oui, bien sûr, il s’agit d’autre chose. Mais de quoi alors ? C’est donc ma question initiale qui revient, qu’est-ce que prier ?
Nous n’avons qu’une chose à faire dans la prière, nous exposer. Comme celui qui au soleil de printemps se réchauffe. Le vent est encore frais, mais le rayonnent nous absorde tout entier, nous ne sommes plus que la chaleur reçue, la volonté de jouir de cette chaleur, la nôtre, pourtant reçue. S’exposer comme à un soleil, dans le silence et le seul souci d’être ce que l’on reçoit. Voilà notre prière.
Je ne dis pas s’exposer à Dieu, parce que c’est déjà trop en dire. Faudrait-il qu’il se manifeste, que nous le sentions. Et le sentirions-nous qu’à juste titre nous pourrions nous croire en pleine illusion. Surtout, ne rien faire, ne rien dire. On parle d’autant plus dans la prière que l’on s’ennuie, on parle pour ne pas affronter l’ennui, l’absence. On parle pour ne pas voir l’absence, car enfin, Dieu ne peut être que présent ! Ah bon, Dieu ou l’idole, la présente ? On parle pour occuper le temps et le silence, parce que l’on ne supporte pas le silence. Il nous effraie, comme un grand vide, une blessure.
Seulement s’exposer comme l’on s’expose au soleil et attendre qu’encore il se donne. Nous sommes nombreux, de toutes les religions, qui s’essaient à cet être devant… cet être pour…
Jésus révèle le nom de celui devant qui nous nous tenons, de celui pour qui nous nous tenons dans le silence. Alors, comme les anciens moines, nous pouvons répéter sans cesse ce nom, ou celui de Jésus : « Mon Dieu, Mon Dieu, Mon Dieu », « Jésus, fils de David, aie pitié de moi pécheur ». N’importe pas ce que nous disons ; ces paroles évitent que d’autres viennent. Elles sont les anti-paroles, pour se taire.
Ainsi exposés, que faisons-nous ? Rien on l’aura compris. Car il n’y a rien à faire, mais à laisser faire. Ce qui se passe en la prière n’est pas notre affaire, mais la sienne. Nous croyons qu’il est celui qui se montre le tout-puissant, alors même qu’il ne se passe rien. Voilà qui nous garde des païens.
Et cependant, à être ainsi exposés, dans le maintien et le souci du silence ou dans la répétition du nom de Jésus, nous répondons à celui qui, le premier, nous a aimés. Prier, c’est répondre à l’amour de Dieu, c’est une manière de répondre à l’amour de Dieu, à côté de l’amour des frères. Que nous louions ou demandions pardon, que nous intercédions ou demandions le pain de ce jour et tout le reste, nous ne faisons en fait que répondre à celui qui a déjà donné, qui s’est donné, en nous aimant, le premier.
Mais encore une fois, cette réponse n’est pas parole, et ces paroles ne comptes pas, mais seulement notre être exposé. Cette réponse est silence, parce que c’est en elle que se devine la parole qui nous appelle à la vie, l’amour premier de celui qui le premier nous a aimés. Se taire pour s’exposer, s’exposer pour répondre, répondre pour entendre. Chut, plus de bruit. « Jésus, Jésus, Jésus… »


Tu ouvres à tes enfants Seigneur le temps favorable du salut. Que ton Eglise ne cesse de te rendre grâce, de faire eucharistie.
Tu promets à tous les peuples Seigneur un temps favorable pour la paix. Que les nations s’épuisent à construire la paix.
Tu traverses le désert avec tous ceux qui vivent l’aridité de la vie. Qu’ils découvrent le temps favorable de ta présence à leur côté.

Tu visites notre communauté Seigneur et c’est le temps favorable pour nous. Sois la source de notre conversion.

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