22/05/2015

L'esprit Sant, l'étranger radical (Pentecôte)



Lors de l’Ascension je demandais : où est le corps du Seigneur ? Non pas à la droite du Père, mais ici, sur terre, lorsque les hommes connaissent Dieu, c’est-à-dire aiment leurs frères. Si le Christ a un corps, c’est l’humanité qui aime comme Dieu, ce sont encore les suppliciés par la violence ou la maladie. Si le Seigneur Jésus est assis à la droite du Père, cette humanité qui souffre ou aime est déjà ressuscitée avec le Christ, elle est son corps glorieux.
Il ne s’agit donc pas de rester les yeux levés en regardant le ciel, ainsi que disent les anges aux Galiléens. Ce corps est ici dont il faut prendre soin ; ce n’est pas un cadavre et l’Esprit Saint l’anime. A Pentecôte, c’est la célébration d’un corps vivant, l’humanité qui aime, l’humanité transfigurée, messianique, divinisée, délivrée, qu’elle le sache ou non. L’Esprit Saint, c’est Dieu en nous qui nous tourne vers Dieu, vers les frères, c’est la vie.
Nous ne sommes en effet pas ici pour nous rappeler des trucs vieux d’il y a deux mille ans. Laissez les morts enterrer leurs morts ! Nous sommes ici parce qu’il n’y a rien de plus actuel que la vie du corps du Seigneur. C’est une urgence. Et pour nous qui professons la foi, c’est une convocation à l’amour, au service.
Ecoutons de nouveau le récit de la Pentecôte. Imaginez cette Pentecôte en ce moment même dans notre église. « Ils se trouvaient réunis tous ensemble [comme nous]. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit. »
Pourquoi ne se passe-t-il rien ? Serions-nous rebelles à l’Esprit ? Notre profession de foi serait-elle seulement de mot, mais pas dans les actes ? Ou bien sommes-nous aveugles, à ne pas voir les langues de feu, ou sourds, à ne pas entendre le violent coup de vent ?
Notre monde est à l’envers. Les hommes créés pour se rencontrer se font la guerre. Les frontières de passages sont transformées en murs infranchissables, barrières pour que personne ne rentre chez nous. Viens Esprit Saint, mettre le feu à ce qui nous fait crever et rend-nous à la vie. Alors dans cette église soudain, un bruit venant du ciel comme un violent coup de vent nous poussera à sortir pour construire la fraternité. C’est notre foi.
Notre Eglise est à l’envers. Alors que l’évangile est miséricorde, nous jugeons ceux qui ne sont pas comme nous, nous avons peur. Viens Esprit Saint, mettre le feu à ce qui nous interdit de vivre la nouveauté révolutionnaire de l’amour du Père et du Fils. Alors dans cette église soudain, un bruit venant du ciel comme un violent coup de vent nous poussera à sortir pour témoigner de cet amour. C’est notre foi.
Notre cœur est à l’envers. Certains d’entre nous ont la haine d’eux-mêmes, d’autres n’aiment pas leurs frères. Nos familles ne sont pas ce que nous disons qu’elles devraient être, des lieux d’épanouissement de la liberté de chacun. Viens Esprit Saint, mettre le feu à nos scléroses, nos immobilismes effrayés. Alors dans cette église soudain, un bruit venant du ciel comme un violent coup de vent nous poussera à choisir la vie. Dieu est plus grand que notre cœur. C’est notre foi.
Etre croyant, ce n’est pas savoir des trucs sur Jésus ; faire profession de foi, ce n’est pas être le bon enfant bien élevé qui fait ce que ses parents lui demandent, qu’ils ne font peut-être pas eux-mêmes. Etre croyant, c’est ouvrir les yeux, ouvrir les oreilles. L’Esprit Saint entre dans cette église et renverse tout sur son passage pour faire place à l’amour. Le croyez-vous ? L’Esprit Saint est celui qui vous donne de le croire. L’accueillez-vous, ou bien éteignez vous très vite la langue de feu qui se pose sur vos têtes ? C’est sûr que si nous avons peur de nous brûler, de tenir des propos à l’envers pour remettre le monde, l’Eglise et notre cœur à l’endroit, nous ne risquons pas de croire. Notre profession de foi n’est que de mots.
Pentecôte, c’est croire que le bon sens du monde, c’est quand on renverse notre petite logique, le bon sens près de chez vous, et que la folie de Jésus embrase le monde. Pentecôte, c’est croire que ce que nous attendons n’a rien à voir avec ce que nous imaginons, aussi incroyable qu’un discours en araméen que chaque langue comprend. Pentecôte, c’est croire l’Esprit plus fort que tous nos refus d’oser l’aventure, de tout risquer, pour sauvegarder notre petit confort, notre petite identité, nos traditions et coutumes.
« C’est le rappel éthique d’une promesse, rappel de quelque chose qui était plus grand, plus ouvert, plus appelant que nous-mêmes, et cette promesse s’incarne dans la chair, dans le mouvement d’une altérité radicale. Pourquoi celui que j’attends ne ressemble-t-il à aucun autre ? ou plus exactement pourquoi ressemble-t-il à celui que je n’attendais pas, que je ne me figurais pas. C’est une antique sagesse, un très ancien savoir qui met à l’épreuve nos bonnes compagnies, nos communautés fermées. L’irruption d’un personnage incontrôlable, d’une présence déviante, d’une figure méconnaissable, d’un étranger radical. » (F. Boyer)

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