04/10/2015

A propos de la "Chute d'un prêtre"

Sur Facebook, j'ai manifesté succinctement mon désaccord avec un billet de blog. Mon commentaire a suscité une réponse.
J'avais prévu de développer mon propos. Le développement est trop long. Je le publie donc ici. Il vaudra au moins partiellement commentaire de l'affaire du prélat de Curie qui fait, à la veille du synode, son coming out et annonce qu'il vit avec un concubin.


Mon commentaire su FB: - Ce billet est un bel exemple du déni, une superbe illustration de ce que dénonce le prêtre polonais, une homophobie d'autant plus enracinée qu'elle est la manière de nier, de dissimuler.L'unique faute ce me semble de ce prélat est de ne pas battre sa coulpe de n'être pas fidèle à la chasteté continente.Je relis Thérèse de Jésus au terme de l'année jubilaire ; "Dieu ne nous exécute pas comme les gens, qui comprend nos faiblesses."« On ne doit pas craindre lorsque l’on marche en vérité devant Sa Majesté avec une conscience pure. Mais je souhaiterais toutes les craintes pour ne pas offenser un instant celui qui à l’instant-même peut nous dé-faire. Que sa Majesté soit content de nous, qui serait contre nous s’en prendrait la tête à deux mains ! On dira peut-être : quelle est l’âme si droite qu’elle peut le contenter en tout ? et c’est pourquoi je crains. En tout cas, pas la mienne, qui est si misérable, sans intérêt et remplie de mille misères. Mais Dieu ne nous exécute pas comme les gens, qui comprend nos faiblesses. Et l’âme, par des grandes réflexions, sent en elle si elle l’aime en vérité. » (Vie 26, 1)
La réponse d'une dame: - On a pas du lire le même texte. Moi je n'y voit que de la miséricorde. Aucun déni, simplement de la miséricorde.  Je ne crois pas que ce prêtre, ni aucun d'ailleurs est torturer pour s'engager dans là sacerdoce. Si un homme trompe sa femme alors qu'il avait fait voeux de fidélité, on ne peut dire que la faute est à L'Église ou qu'il n'est pu vivre son engagement jusqu'au bout.
Mon texte développé :

Ce que je reproche à ce papier. C’est une réaction, et une réaction partiale, pas une analyse. L’auteur a été manifestement agressé. Y a-t-il de quoi ? Est-on miséricordieux, peut-on l’être, lorsque l’on réagit ainsi en défendant l’institution ?
Pas de prise de distance, et même tout faire pour tout mélanger. Que nous importe que le prêtre polonais ait été professeur de l’auteur du billet. Il aurait été mauvais professeur ou excellent, en quoi cela concerne l’événement, cette conférence de presse ? Pour reprendre votre comparaison, dit-on d’un homme ou d’une femme adultère qu’il était un bon prof, un mauvais ouvrier, un excellent commerçant ? Ce mélange des genres me semble avoir un but. Moi, je le connais, je sais de qui je parle. Et même, je l’aimais bien, ou du moins l’estimais, ce prof. Voyez, la preuve que je n’ai pas d’a priori. Et bien, comme chacun sait, tout déni est affirmation. Si, il y a a priori, et l’auteur du billet le manifeste à défaut de le reconnaître.
Je cite : « Un prêtre avoue qu’il est homosexuel, qu’il a un compagnon et mieux encore, il précise que beaucoup de prêtres le sont mais n’osent pas l’avouer. » Là commence le fond de l’affaire. Doit-on avouer l’homosexualité comme on avoue une faute, par exemple le manquement au célibat ? L’homosexualité serait-elle coupable comme le manquement au célibat ? Qu’est-ce que la « chute d’un prêtre » ? L’homosexualité ? Le coming out ? Le concubinage ? La lucidité sur l’état du clergé ? Où est la faute à dire que nombre de prêtres sont homosexuels ? Si c’est faux, c’est un mensonge, et il faut le montrer. Si c’est vrai, en quoi dire la vérité serait avouer comme on avoue une faute ?
Or beaucoup de prêtres sont effectivement homosexuels. (Je vous rappelle que c’est une des raisons qui avait poussé Benoît XVI à la démission, l’ampleur des scandales romains, et cela scandalise manifestement que des prêtres soient homosexuels.) Cette affirmation est balayée d’un revers de plume, sans aucune référence justificative, pire perçue comme une accusation de la plupart des prêtres. Premièrement, pour peu que l’on se renseigne, que l’on travaille dans les séminaires, qu’on lise, la proportion d’homosexuels dans le clergé est plus importante que dans le reste de la population. (Vous pouvez par exemple lire le livre de 2002 de D. Cozzens, vicaire épiscopal et formateur de séminaire.) Deuxièmement, en quoi dire qu’il y a beaucoup d’homosexuels dans le clergé serait-il infamant ? Etre pris pour un homosexuel serait-il infamant ?
La faute de l’Eglise n’est pas d’être la cause du manquement à la continence du prélat, mais le fait que l’homosexualité soit perçue comme un crime, un atavisme ou un péché. En ce sens votre comparaison avec l’adultère dans un couple n’est pas pertinente. Ce n’est pas le problème. J’accorde que le prélat polonais aura brouillé le message en parlant autant de l’homosexualité que de son concubinage. A dire vrai, il prend le soin de distinguer, mais le choc des photos vaut plus que le poids des mots !
Alors venons-en au manque de miséricorde. Il commence par le titre : la « chute d’un prêtre ». Comme celle de Lucifer, ou celle d’Adam et Eve ? Est-ce bien cela ? Un homme qui à quarante trois ans a déjà de telles responsabilités à Rome ne peut, (avec un peu de jalousie et de ressentiment) que se casser la figure en pareille situation. Est-ce bien ce qui s’est passé ? Le manque de miséricorde se poursuit par le déni. C’est justement l’impossibilité d’exister comme prêtre et homosexuel, et plus généralement comme catholique et homosexuel, qui est une violence terrible. Alors juger l’attitude du prélat polonais sans tenir compte de cette violence première, c’est inique, c’est refuser de comprendre, c’est tout sauf de la miséricorde, c’est le rouleau compresseur de l’institution qui se défend, se justifie, jamais ne se remet en cause (ainsi que le dénonce précisément le prélat).
Réclamer du haut d’une pseudo magnanimité (« Nous ne jugeons pas le cœur de ce prêtre. Nous sommes tous de pauvres pécheurs. Nous pouvons comprendre qu’il parte, s’il ne peut plus tenir son engagement. ») que ce prélat ait au moins le bon goût de l’humilité pourrait valoir pour son concubinage, en aucun cas pour l’homosexualité dont il n’est pas plus responsable que du fait d’être un homme plutôt qu’animal, mâle plutôt que femme.
L’auteur de l’article n’a peur de rien. Du haut de ses quelques années de ministères, il connaît le chemin de la fidélité au célibat continent. La faute vient au manque d’« accompagnement des prêtres de la Curie vaticane ». Voilà qui ne manque pas de sel. Premièrement, notre blogeur lui, n’a rien à craindre, il n’en est pas. Deuxièmement, le voilà finalement d’accord avec le prélat, pour d’autres raisons certes, la faute ne serait pas tant celle du prélat mais bien celle de l’Eglise qui s’occupe mal de ses prêtres ! Troisièmement, quelle conception du ministère ? Si l’on n’est pas en pastorale ordinaire, on n’a pas de ministère (« Ces prêtres sans ministère pastoral, sans exercice officiel du culte ») ?
Magie du culte ou de la pastorale ordinaire pour régler des questions que l’on ne veut même pas poser, ainsi celle du célibat consacré comme obligation pour qui pense être appelé au presbytérat, c’est évidemment dangereux, typique d’un fonctionnement institutionnel voire tyrannique. Nous avons raison, c’est la tradition. D’une part ce n’est pas la pratique constante de l’Eglise, même catholique qui admet parfaitement les prêtres mariés (je vous l’accorde, à une femme) et d’autre part, il ne faudra pas pleurer qu’il manque des prêtres et se contenter d’accuser la déchristianisation, si le dogme ne peut être remis en cause (il ne s’agit pas même du dogme, et le dogme a souvent changé, on dit pour ne faire peur à personne, connu des développements).
Le tabou fonctionne à plein (et c’est précisément ce que dénonce le prélat) ; le tabou interdit la moindre miséricorde, puisqu’il commence par faire que l’on refuse de prendre en compte les personnes comme elles sont pour ne penser que des personnes abstraites. C’est tout le débat qui provoque tant de tensions à l’occasion de l’actuel synode. Voyez que notre prélat n’a pas fait un coup seulement médiatique mais a posé des questions centrales.
Que diable, le concubinage notoire des évêques et de prêtres pendant des siècles, alors même que le célibat était obligatoire, y compris après la dénonciation radicale de la Réforme, a rarement conduit à ce qu’ils soient démissionné du jour au lendemain, parfois cela a même servi à ce qu’on les promeuve. « Le Vatican a raison de manifester sa large désapprobation en le démettant de ses diverses fonctions. » Justifier ainsi l’attitude du Vatican à la veille de l’année de la miséricorde, pose encore une foi la question de la miséricorde. Il n’y avait pas urgence. Les bureaux du Vatican sont fermés le WE ! C’est un coup médiatique qui répond à un coup médiatique. Ce n’est pas la miséricorde qui répond au pécheur. Dans quel état est l’Eglise pour être fragilisée par si peu ? Il faut qu’elle aille bien mal et soit aux abois. Comment dans ces circonstances pourrait-elle être miséricordieuse ?

5 commentaires:

  1. Très bien, une bonne mise au point

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  2. H M, ashem7/10/15 08:56

    J'apprécie quiconque, développant des points de vue auxquels je n'avais point songé, me permet de réfléchir et me rend moins sot. C'est pourquoi je lis régulièrement PR et le remercie même quand il me reprend et corrige en toute miséricorde.
    Le premier et le nouveau testament m'intéressent, la bonne nouvelle du rabbi Jésus surtout et le fin du fin du message chrétien : l'incarnation qui signe l'arrêt de mort des idoles de toutes sortes, puisque la chair s'est faite verbe afin que le verbe puisse se fait chair. (Ouf ! de nos jours je peux dire cela sans craindre le bûcher.)
    L'Eglise catholique romaine me concerne qui m'a transmis, dès le sein de ma mère, Celui dont on ne sait rien, dont je tais le nom trop galvaudé, qui se révèle dans "un bruit de fin silence" ; l'ECR qui, malgré ses pompes et ses œuvres pas toujours très nettes, m'a fait connaitre les Béatitudes, le Magnificat et le Sermon sur la Montagne.
    Alors la question du prélat gay ou pas, de la proportion d'homos ou d'hétéros dans le clergé, des divorcés qui communient ou pas, je m'en tape. A chacun de s'interroger : que fais-je pour mes sœurs et mes frères dans mon "ama et fac quod vis, aime et fais ce que voudras" ? Et si je tente de répondre pour moi, je n'ose plus guère me dire chrétien ...
    Pour moi le curé polonais, pour qui Wojtyla était certainement le pape trois étoles, est littéralement obscène qui se met en avant et s'expose pour faire chier l'Eglise. Je déteste les coups médiatiques d'où qu'ils viennent. Ils sont faits soi-disant pour les autres alors qu'ils sont nombrilistes.
    Je ne décèle pas la moindre trace d'amour, de miséricorde et de " bonne nouvelle " dans son attitude, tout juste une libération personnelle et la volonté de renverser la table avec fracas.
    C'est aussi un mauvais militant de sa cause : il verra très vite que son geste est contreproductif.
    Il est en outre dans l'ultra-cléricalisme comme seuls le sont encore aujourd'hui quelques intégristes et défroqués honteux.
    Faire un accroc à sa soutane blanche, noire, violette ou arc-en-ciel, ça peut arriver, c'est humain et pardonnable. D'autres donnent des coups de canif dans leur costume de mariées et mariés. En faire un étendard, c'est au minimum enfantin. Il nous sera beaucoup pardonné si nous nous efforçons de beaucoup aimer.

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    1. Merci de ces remarques.
      Je n'ai pas vraiment donné mon avis sur le cas de ce prélat. J'ai exprimé mon désaccord avec un billet de blog. J'ai bien conscience que cela rend mon texte fragile.
      Je ne suis guère porté, tout comme vous manifestement, à soutenir un prélat. J'ai lu, à l'opposé du billet de blog vis-à-vis duquel je prends mes distances, des propos dont je prendrais tout autant de distances.
      Ainsi, je ne crois pas que la médiatisation de ce coming-out ait quelque influence sur les conservateurs du synode ou d'ailleurs. Les réseaux sociaux que j'ai pu parcourir permettent de voir que les lignes n'ont pas bougé. On sait d'avance qui dira quoi sur cette conférence de presse.
      Je ne crois pas non plus une seconde à l'argument, souvent lu, selon lequel ce prêtre aurait fait la vérité sur sa vie. Il n'y a pas besoin d'une conférence de presse pour cela.
      Mais la médiatisation de cette affaire me réjouit sur un point : les tabous tombent. Il devient de plus en plus impossible, on se demande d'ailleurs comment cela l'était encore, de dire qu'il n'y a ni homos, ni personnes à double vie dans le clergé. C'est important parce que cela fragilise le discours déjà intenable de l'autorité ecclésiale (et pas seulement) sur l'homosexualité, qui est un discours socio-politique de refus de l'autre, en aucun cas un discours de la foi.
      Je regrette pour les homos que le prélat ait mélangé, de par sa situation personnelle, revendications pour les gays et critiques du célibat ecclésiastique. Les deux sujets sont d'importance, mais le second discrédite le premier à être traité confusément, d'abord au sens étymologique de l'adverbe.
      La même conférence de presse pour le seul coming-out aurait, c'est une évidence, été reçue autrement, mais aurait surtout eu un autre sens. C'est peut-être cela qui aurait rendu service aux homos dans l'Eglise. Mais c'est cela qu'il est impossible d'imaginer parce que d'une part nombre d'ecclésiastiques n'ont pas l'intention de dévoiler publiquement leur intimité et trouvent bon an mal an, de quoi être fidèles, hétéro comme homo, à la promesse de célibat, trouve une façon équilibrée de vivre leur sexualité dans la continence, d'autre part, et cela confirme les propos du prélat, parce que l'homosexualité du clergé (et ce n'est pas la seule) est grandement homophobe.
      Enfin, une chose sur votre commentaire. Vivre en couple n'est pas faire un accroc à sa soutane. Non, une fois encore que le célibat ecclésiastique ne puisse, ne doive, être discuté. Ce qui a servi d'étendard, ce n'est pas un accroc à la soutane, comme il y en a aux habits de noce. Le prélat parle précisément d'un authentique amour, et même familial.

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  3. Cet article est sur un blog collectif de "jeunes prêtres"... (moyenne 30/40 ans)
    Ça promet !
    Votre analyse est parfaitement éclairante.
    Avec mon franc parler je dirais : ce billet là-bas est puant !

    Vos 3 dernières lignes sont un constat aussi net qu'un PV d'audition de personnes dangereuses.

    Je croyais des "jeunes curés" plus ouverts, et plus au fait de la réalité sociale et sociétale comme on dit maintenant. Je les croyais même ayant acquis une "culture humaine",et un minimum de vernis médical pour savoir ce qu'il en est de l'homosexualité... à défaut d'être bardés de diplômes théologiques qu'ils brandissent comme des étendards dans leurs CV de présentation... On dirait qu'ils sont demandeurs d'emplois....
    Comme ce n'est pas le cas : ce sont des CV d'orgueilleux !

    De fait, ils s'expriment déjà comme des vieux sclérosés....

    Cela me rappelle un fait que je crois avoir relaté ici : ce jeune prêtre qui avait fait une crise de "petit gosse gâté" au cours d'une cérémonie de "première communion" parce que DES FEMMES avait pris des INITIATIVES sans lui en parler (au demeurant bien mineures quant à la "mise en scène"....). Il a "boudé la cérémonie" qu'il présidait, montrant à chaque minute son mécontentement en faisant la gueule ! À la fin les mères de famille organisatrice au quotidien et accompagnatrices des enfants, étaient en pleurs...

    L'avenir de l'Eglise est un long passé.....

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  4. Le point de vue d'un hérétique qui frémis lorsqu'il lit ici ou sur FB ces commentaires auto-centrés, homo centrés pour le dire clairement. Ceux d'une vision de soi assise sur de fausses certitudes, il me semble, comme Jonas dormant dans la cale. Et "tout cela" à propos de l'élan de foi de cet homme qui aurait chuté disent-ils, et cela rien que pour avoir foi en l'amour... d'un autre. Un autre que soi, vous vous rendez compte !!! Certes d'un autre homme, mais comment lui jeter la pierre, issu de cet univers froid du catholicisme triomphant (et puant) tel que l'opus déi. Qu'il ait trouvé enfin le pauvre, une porte de sortie à la langue de bois avec laquelle on lui a lavé le cerveau, est nécessairement pour lui le signe d'une libération qu'il veut faire partager. Mais pour comprendre, il faut y être passé, il faut avoir aimé... Quoi de plus normal lorsqu'on sort des ténèbres de la théologie cartésienne thomiste? Oui, renverser la table des affaires convenues avec la vérité, comme le fit Jésus avec les marchands du temple. Un signe "d'en haut", de mon point de vue ce témoignage.

    Comment des personnes qui comprennent si peu les autres peuvent-elles souhaiter être pasteurs d'âme?

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