Devant le
recul de la foi chrétienne, on pleure, on s’alarme ; on se réjouit d’un
frémissement ici, de la foi joyeuse des Africains, etc. Le retour du religieux,
à supposer qu’il existe bien, est plus à craindre qu’à espérer. Car le
religieux est mortifère, dangereux. On l’a toujours su, et il faut être bien
déchristianisé pour l’ignorer.
La religion serait
le remède miracle contre le pluralisme culturel qui dissoudrait les identités.
Nos mémoires sont courtes. Le « catholiques et français toujours » est
un mythe, raciste ; on pense juste moins effrayantes, surtout qu’elles
sont anciennes, les migrations polonaise, italienne, espagnole et portugaise
que celles des maghrébins, musulmans, ou des sub-sahariens, pauvres.
Le retour du
religieux conduit à la secte, au repli sur soi, le contraire de catholique,
« selon le tout », universel. Tant que l’Europe et l’Occident
prétendent leur culture universelle au point de l’imposer aux autres, les
étrangers ne font pas trop peur, surtout s’ils restent chez eux ou sont
esclaves. C’est de moins en moins le cas, et qui ne s’en réjouirait pas ?
Mais alors
que va devenir la foi ?
Et si nous
réécoutions l’évangile ; entendre une force incroyable qui ne nous était
pas encore parvenue. En annonçant son Dieu et Père comme celui de tout homme,
Jésus institue une fraternité universelle. N’est-ce pas ce à quoi nous devons
contribuer alors qu’une troisième guerre mondiale se joue en Syrie (où sont
engagées des forces d’Iran, Israël, Russie, Etats-Unis, Turquie, Arabie
Saoudite et monarchies du Golfe, Europe) ? La guerre commerciale et
écologique que se livrent les grandes puissances, Chine y compris, est tout autant
dévastatrice, mais elle rapporte beaucoup d’argent et le champ de bataille est
l’Afrique, dont nous n’avons rien à faire. (Faudra juste pas s’étonner que tant
veuillent en émigrer.)
Nous, disciples
de Jésus, avons une bonne nouvelle à annoncer pour changer le monde. La
vocation de l’humanité est la fraternité. C’est cela la mission ; la
nouvelle évangélisation risque de n’être qu’une fumisterie ethnocentrique. La
paix est le nom de l’évangile. Que fait chacun d’entre nous ? Comment
votons-nous ? Comment consommons-nous ? Comment vivons-nous ?
Non, nous ne sommes pas encore chrétiens.
Les
chapitres 6 à 8 de Marc, à titre d’exemple, montrent comment depuis toujours
les disciples n’entendent pas l’évangile. Dans ces chapitres, ils ne
comprennent plus rien à ce Jésus qu’ils avaient commencé à suivre. L’annonce de
sa mort, du chemin du serviteur et l’annonce de l’évangile aux étrangers, les
païens, provoquent en eux les mêmes réactions que celles des opposants de Jésus.
Au même
moment, Jésus nourrit les foules, par deux fois, et ne cesse de guérir. Mais
voilà, que Jésus fasse vivre (ou donne à manger, c’est la même chose), nous n’y
croyons pas plus que les disciples du texte évangélique. Une multiplication des
pains, ça n’existe pas. Les valeurs (comme à la bourse), oui, mais Jésus qui
nourrit et fait vivre, ça ne fait pas sens. L’amour, le pardon, le partage, comme
tout le monde finalement, nous sommes d’accord, en parole plus qu’en en
acte ; du coup, ce qui nous fait disciples, Jésus qui fait vivre, nous ne
comprenons pas. Et l’on prétend vouloir défendre une identité chrétienne !
Voilà justement l’hypocrisie que Jésus reproche aux pharisiens qui nous revient
à la figure.
Mais enfin,
ne voit-on pas que le monde tel que nous le vivons, en usons, nous mène à la
mort ? Faudra-t-il que tous les Palestiniens y passent, que les
sub-sahariens se noient plus nombreux encore en Méditerranée, que la guerre se
déroule en Europe, que les banlieues brûlent, que nous nous entretuions, pour
que nous voyions que nous mourrons ? Que nous faudra-t-il pour ouvrir les yeux
et convenir que la fraternité évangélique est vie ?
Nous voulons
avoir toujours plus, et même cela nous l’exigeons de Jésus, alors que le pain
partagé, c’est l’amour ; plus on le partage, plus il y en a, plus il en
reste. Le pain que Jésus multiplie n’est pas un bien pour en avoir toujours
plus. C’est lui-même qui se donne et nous invite à entrer dans la logique du
don. Cela passe par le service de l’autre, mais de cela, nous ne voulons. C’est
déjà ce qui avait tant révolté les disciples dans l’évangile.
Il ne faudra
pas dire que c’est la faute des autres si la foi se perd, nous ne nous y
livrons pas nous-mêmes ; nous voulons toujours plus et tardons à suivre
Jésus sur le chemin du service.
On pourrait ajouter, chez les étrangers, ceux que l'on met en prison. Il n'y a jamais eu autant de détenus que maintenant. Pourtant, pourtant..." si votre justice..."
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