Voilà la journée de prière pour les vocations. Cette année plus
que les précédentes encore, avec les scandales dus à des prêtres criminels, il
est difficile de faire ou de nous inviter à faire de la retape ! Il y a
quelques jours le futur président de la Conférence des évêques de France déclarait
au Sénat que la pédocriminalité dans l’Eglise avait un aspect systémique,
entendons, qu’il ne s’agissait pas seulement de la responsabilité de chaque
abuseur, mais qu’il y avait dans l’Eglise quelque chose qui favorisait ces
crimes.
Combien d’années il aura fallu pour qu’un tel responsable
ecclésial en vienne à s’exprimer ainsi ! Mais cela rend encore plus
impossible l’appel aux ministères ordonnés. Peut-on faire entrer des gens dans
un système qui favorise la criminalité ?
Certes, tous ne pensent pas comme cet évêque, parmi ses
confrères, parmi les catholiques, peut-être et sans doute parmi nous. C’est
précisément pourquoi cette déclaration est un coup de tonnerre de plus. Elle
oblige à réfléchir ce qui est problématique dans la manière de vivre le
ministère par les prêtres et dans les attentes à leur égard.
François a sonné la charge contre le cléricalisme, cette
manière d’user du ministère pour se servir, pour servir ses intérêts propres.
Déjà Ezéchiel dénonçait ce type de dérives au point que Dieu renvoyait tous les
pasteurs pour se faire lui-même le pasteur de son peuple, le seul, le bon
pasteur. Quand Jésus se dit le beau pasteur, il prend la place de Dieu !
cette affirmation est d’une audace sans précédent.
Mais voilà que les prêtres revendiquent d’être pasteurs !
Et là, c’est la catastrophe. Il n’y a qu’un seul pasteur, c’est le Christ. Il n’y
a qu’un seul prêtre, Jésus, et son corps est peuple de prêtres.
Dénoncer le cléricalisme nous oblige à revoir la théologie
des ministères et nos pratiques. Pour ce qui est de la théologie, on n’est pas
dépourvu. Il faut juste que nous acceptions de changer notre manière de penser,
nous tous, clercs et laïcs.
Il faut commencer par supprimer cette distinction clercs et
laïcs. Elle a été récupérée des fonctionnaires de l’empire romain et renforcée
au tournant de l’an mil lorsque le pape voulut soustraire l’Eglise aux pouvoirs
des seigneurs, rois et empereurs. Intuition nécessaire, mais qui s’est avérée
une mondanisation de l’Eglise plus qu’une protection du peuple de Dieu. C’est
déjà contre le cléricalisme que s’était levé Luther, et l’Eglise catholique est
ressortie plus cléricale de sa contre-réforme. Vatican II n’a pas voulu
renverser décidément la difficulté et nous y sommes maintenant confrontés dans
l’urgence de la crise.
Il faut redire l’égalité de tous les baptisés. Personne n’est
plus sacré qu’un autre, si ce n’est le pauvre et le petit. Tous sont frères. Personne
ne peut avoir de pouvoir dans l’Eglise parce que « celui qui veut être le
premier, qu’il se fasse l’esclave de tous. ». On ne peut continuer, par
exemple, à affubler les prêtres du titre de Père, que Jésus refuse que l’on ne
donne à personne sinon à Dieu. Nous piétinons l’évangile en toute bonne
conscience, nous n’avons pas l’intention de changer la foi de nos pères, quand
bien même il s’agirait d’un commandement de Jésus !
Je comprends que l’on ne recrute guère si ce qui définit les
prêtres, c’est le service. C’est plus attirant si l’on est configuré au Christ
de façon spéciale, capitale (encore que presque plus personne ne croit à ces
affaires, et que ceux qui y croient, lorsqu’ils entrent au séminaires, sont
souvent ceux qui vont faire problème).
Il nous faut des communautés fraternelles, non pas de
bisounours ou de chaleur renfermée, sectaire. Oui, on continuera à s’engueuler,
de temps à autre, mais pas seulement entre ministres et non ministres !
Mais que l’on se parle ! Nos communautés sont petites, certes, mais qu’elles
soient au moins des lieux fraternels.
Pourrions-nous ne pas nous échapper à peine la bénédiction prononcée
et arriver deux trois minutes en avance ? C’est rien. Mais cela change
tout. Nous prenons en charge ensemble la vie de notre communauté même si les
prêtres, et d’autres aussi, continuent la tâche de serviteurs, préparant la
table pour que tout soit prêt. Qui viendrait à un repas en arrivant une fois
que tous sont à table et en partant dans la seconde où il a bu son café ?
Même au restau, on ne fait pas ainsi ! C’est aussi parce que nous
prendrons soin de notre communauté qu’il sera possible d’appeler des prêtres et
qu’il sera plus difficile pour les prêtres de s’approprier, comme des
mercenaires criminels, les chrétiens qu’ils ont mission de servir.
Merci, Patrick. Ça fait du bien d'entendre tout cela. Mais, concrètement, on fait comment ? Impossible de changer les choses sans toucher au "sacerdoce ministériel", n'est-ce pas ? Alors, à nouveau, on fait comment face à l'emmanuellisation générale (= lobotomisation) d'un diocèse comme le nôtre (cf. le dernier n° de Golias Hebdo) ?
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