09/05/2019

Comment appeler des prêtres aujourd'hui ? (4ème dimanche de Pâques - Journée de prière pour les vocations)


Voilà la journée de prière pour les vocations. Cette année plus que les précédentes encore, avec les scandales dus à des prêtres criminels, il est difficile de faire ou de nous inviter à faire de la retape ! Il y a quelques jours le futur président de la Conférence des évêques de France déclarait au Sénat que la pédocriminalité dans l’Eglise avait un aspect systémique, entendons, qu’il ne s’agissait pas seulement de la responsabilité de chaque abuseur, mais qu’il y avait dans l’Eglise quelque chose qui favorisait ces crimes.
Combien d’années il aura fallu pour qu’un tel responsable ecclésial en vienne à s’exprimer ainsi ! Mais cela rend encore plus impossible l’appel aux ministères ordonnés. Peut-on faire entrer des gens dans un système qui favorise la criminalité ?
Certes, tous ne pensent pas comme cet évêque, parmi ses confrères, parmi les catholiques, peut-être et sans doute parmi nous. C’est précisément pourquoi cette déclaration est un coup de tonnerre de plus. Elle oblige à réfléchir ce qui est problématique dans la manière de vivre le ministère par les prêtres et dans les attentes à leur égard.
François a sonné la charge contre le cléricalisme, cette manière d’user du ministère pour se servir, pour servir ses intérêts propres. Déjà Ezéchiel dénonçait ce type de dérives au point que Dieu renvoyait tous les pasteurs pour se faire lui-même le pasteur de son peuple, le seul, le bon pasteur. Quand Jésus se dit le beau pasteur, il prend la place de Dieu ! cette affirmation est d’une audace sans précédent.
Mais voilà que les prêtres revendiquent d’être pasteurs ! Et là, c’est la catastrophe. Il n’y a qu’un seul pasteur, c’est le Christ. Il n’y a qu’un seul prêtre, Jésus, et son corps est peuple de prêtres.
Dénoncer le cléricalisme nous oblige à revoir la théologie des ministères et nos pratiques. Pour ce qui est de la théologie, on n’est pas dépourvu. Il faut juste que nous acceptions de changer notre manière de penser, nous tous, clercs et laïcs.
Il faut commencer par supprimer cette distinction clercs et laïcs. Elle a été récupérée des fonctionnaires de l’empire romain et renforcée au tournant de l’an mil lorsque le pape voulut soustraire l’Eglise aux pouvoirs des seigneurs, rois et empereurs. Intuition nécessaire, mais qui s’est avérée une mondanisation de l’Eglise plus qu’une protection du peuple de Dieu. C’est déjà contre le cléricalisme que s’était levé Luther, et l’Eglise catholique est ressortie plus cléricale de sa contre-réforme. Vatican II n’a pas voulu renverser décidément la difficulté et nous y sommes maintenant confrontés dans l’urgence de la crise.
Il faut redire l’égalité de tous les baptisés. Personne n’est plus sacré qu’un autre, si ce n’est le pauvre et le petit. Tous sont frères. Personne ne peut avoir de pouvoir dans l’Eglise parce que « celui qui veut être le premier, qu’il se fasse l’esclave de tous. ». On ne peut continuer, par exemple, à affubler les prêtres du titre de Père, que Jésus refuse que l’on ne donne à personne sinon à Dieu. Nous piétinons l’évangile en toute bonne conscience, nous n’avons pas l’intention de changer la foi de nos pères, quand bien même il s’agirait d’un commandement de Jésus !
Je comprends que l’on ne recrute guère si ce qui définit les prêtres, c’est le service. C’est plus attirant si l’on est configuré au Christ de façon spéciale, capitale (encore que presque plus personne ne croit à ces affaires, et que ceux qui y croient, lorsqu’ils entrent au séminaires, sont souvent ceux qui vont faire problème).
Il nous faut des communautés fraternelles, non pas de bisounours ou de chaleur renfermée, sectaire. Oui, on continuera à s’engueuler, de temps à autre, mais pas seulement entre ministres et non ministres ! Mais que l’on se parle ! Nos communautés sont petites, certes, mais qu’elles soient au moins des lieux fraternels.
Pourrions-nous ne pas nous échapper à peine la bénédiction prononcée et arriver deux trois minutes en avance ? C’est rien. Mais cela change tout. Nous prenons en charge ensemble la vie de notre communauté même si les prêtres, et d’autres aussi, continuent la tâche de serviteurs, préparant la table pour que tout soit prêt. Qui viendrait à un repas en arrivant une fois que tous sont à table et en partant dans la seconde où il a bu son café ? Même au restau, on ne fait pas ainsi ! C’est aussi parce que nous prendrons soin de notre communauté qu’il sera possible d’appeler des prêtres et qu’il sera plus difficile pour les prêtres de s’approprier, comme des mercenaires criminels, les chrétiens qu’ils ont mission de servir.

1 commentaire:

  1. Merci, Patrick. Ça fait du bien d'entendre tout cela. Mais, concrètement, on fait comment ? Impossible de changer les choses sans toucher au "sacerdoce ministériel", n'est-ce pas ? Alors, à nouveau, on fait comment face à l'emmanuellisation générale (= lobotomisation) d'un diocèse comme le nôtre (cf. le dernier n° de Golias Hebdo) ?

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