13/09/2019

Jésus aime les pécheurs ; scandale ou chance ? (24ème dimanche du temps)


Le début du chapitre 15 de Luc prend le lecteur à témoin de l’opposition que rencontre Jésus. Son style de vie, sa fréquentation des publicains et des pécheurs, les repas qu’il partage avec eux, tout cela semble contraire à la fidélité au Dieu très saint. Est-il possible d’exiger le choix de la dernière place et du renoncement comme nous l’avons lu les deux derniers dimanches, lorsque, dans le même temps, on fait bon accueil aux pécheurs ?
Les pécheurs n’ont pas plus que les autres accepté la dernière place ; ils pensent aussi en « moi d’abord ». Pourquoi Jésus les accueillent-ils alors que ses propos sont si durs avec les scribes et pharisiens ? Ces derniers, à défaut d’opter pour la radicalité du service, au moins, peuvent penser ne pas être malhonnêtes, voleurs ou débauchés.
Alors que François parle d’un risque de schisme dans l’Eglise tant sa prédication suscite l’opposition et la haine de certains catholiques, on a l’impression d’entendre les mêmes interrogations. S’il suffisait d’être pauvre pour être un homme ou une femme de bien, cela se saurait ! (Où l’on met souvent les pauvres et les pécheurs dans le même sac !) Nous autres qui travaillons, qui nous adaptons pour produire de la richesse, qui soutenons l’Eglise financièrement, qui défendons l’identité chrétienne et voulons être disciples, est-il juste de s’opposer à notre style de vie et de soutenir incessamment les pauvres et les migrants ? Qu’ont-ils fait pour se prendre en main, pour sortir de la pauvreté, pour construire des pays états de droit, de liberté, de prospérité ? Ne sont-ils pas des profiteurs et des assistés ?
Hier comme aujourd’hui, c’est la même incompréhension. La parole de l’évangile, reconnue comme chemin par les disciples, comme commandements du Dieu très saint à travers Jésus ou François, semble condamner ceux qui mettent cette parole en pratique, se veulent disciples de Jésus.
Deux réflexion. La première, c’est la dénonciation par Jésus de la religion du mérite ou de la rétribution. On n’est pas chrétien, disciple, pour toucher une récompense, ou pour être quelqu’un de bien. On est chrétien par amour de Jésus, c’est-à-dire de tous les hommes et femmes qui sont ses frères et sœurs. Qui parle d’amour parle de gratuité, de « pour rien », et non de rétribution. Vous pardonnez ou êtes agréable avec votre conjoint ou vos parents non pour être récompensé par eux ou par Dieu, mais parce que vous les aimez. La raison d’aimer, ce sont les autres, et Dieu parmi et avec eux.
Or dire que l’être disciple est gratuit laisse penser que cela ne sert à rien, n’a pas de valeur. Si, en plus, vous vivez l’être disciple comme un pensum, alors, vous faites des efforts pour rien. Cela n’a jamais été très apprécié, mais dans une société où tout se paie, où tout à un prix, ce qui n’en a pas est forcément méprisable. L’évangile demeure intempestif.
L’évangile et Jésus renversent une conception de la religion comme tutrice de vie morale, comme garde-fou ne serait-ce que comme peur du gendarme. Mais ils font de la foi un attachement à Jésus dont on n’a jamais fini, comme avec l’amour. On n’est jamais quitte avec Jésus et les frères, et la dette de l’amour est bonheur. La foi est autrement plus radicale que la religion où il suffirait d’être en règle pour recevoir la récompense.
Deuxième réflexion. Qui d’entre nous peut sans mentir affirmer qu’il a toujours agit moralement ? Qui d’entre nous peut dire sans hypocrisie vivre toujours selon la vertu, selon les valeurs comme on dit aujourd’hui ? La phrase de Jésus devenue proverbe permet de répondre : « que celui qui n’a jamais péché lance la première pierre ».
Dans ces conditions, personne n’est juste. C’est dur à entendre pour certains qui ne sont pas comme ceux qui… Au lieu d’accuser Jésus de manger avec les pauvres et même les pécheurs, ne devrions-nous pas nous réjouir de ce que, saint comme le Père, il vienne manger avec nous ? A nous prétendre purs, des gens bien, ne nous interdisons-nous pas d’être accueillis sans limite par le Christ ? « Mon fils que voilà était mort, il est revenu à la vie. »
Dans le Royaume, il n’y a qu’un seul chemin, celui de la dernière place. Il s’impose à tous. C’est celui qu’a pris Jésus. C’est l’unique solution pour une civilisation de la paix et de la vie digne pour tous. Avec les pécheurs, pour tous donc, heureusement que Jésus vient manger avec nous, se met en tenue de service, se fait notre serviteur. Par sa présence nous entrons dans la sainteté de Dieu. « Il faut se réjouir car ton frère était perdu et il est retrouvé. »

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