Le lectionnaire des dimanches de carême de l’année A ne met
pas vraiment l’accent sur la conversion et la pénitence ! Nous avons lu
pour commencer les Tentations au désert, seule exception peut-être à ma
remarque. Ensuite, la Transfiguration, la rencontre avec la Samaritaine, la
guérison de l’aveuglé né et, aujourd’hui, la résurrection de Lazare (Jn 11).
Le carême est présenté comme une marche vers Pâques, une marche
vers l’illumination baptismale. Non seulement la vue est rendue, et même
donnée, mais la vie est rendue.
Quelle est cette vie ? Beaucoup répondraient : la vie
après la mort, la vie éternelle. Ainsi Marthe, lorsque Jésus lui annonce que Lazare
ressuscitera : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au
dernier jour ». Mais Jésus ne l’entend pas de cette oreille. La
résurrection, ce n’est pas la vie après le dernier jour. La résurrection et la
vie – c’est la même chose, ce que les spécialistes appellent un hendiadys,
une répétition de la même chose avec deux mots synonymes ‑, c’est Jésus. « Je
suis la résurrection et la vie », dit Jésus.
Peut-être faudra-t-il se poser la question de la vie après la mort.
Peut-être cette question est-elle légitime, encore que je n’en sois pas
vraiment convaincu. Quoi qu’il en soit, « ne vous inquiétez donc pas du
lendemain : demain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine »
(Mt 6, 34) ; on aura le temps de voir. Il s’agit ici d’autre chose. Il s’agit
de comprendre ce qu’est vivre, et qui est Jésus, ou, pour le dire autrement, il
s’agit de se demander ce qu’est vivre avec Jésus.
La résurrection n’est pas quelque chose qui arrive, après la mort, elle
n’est pas un moment, elle est une personne, Jésus. Pour nous convertir, certes il
nous faut abandonner l’homme ancien, renoncer au mal et à tout ce qui conduit
au péché, mais avant tout il nous faut vivre du souffle divin ; c’est
Jésus le vainqueur de la mort, celui qui fait vivre, pas nous.
L’expression sera curieuse, mais il nous faut vivre Jésus. D’autant
plus curieuse que c’est un pléonasme ! Jésus est la vie. « Je suis la
résurrection et la vie ». Vivre Jésus, cela veut dire s’en remettre à lui pour
notre vie. Non pas choisir l’oisiveté et l’insouciance, tellement l’opposé de
Jésus. Mais mener notre vie de telle sorte que ce soit lui qui en décide, dans
la vie et dans la mort.
Entendons-nous. Je ne parle pas du providentialisme ou de destin.
Nous dirigeons notre vie, mais ce n’est plus nous qui en sommes la mesure ni le
juge. Nous nous réglons sur Jésus. « Vivre, pour moi, c’est le Christ »
(Ph 1, 21 ou Ga 2, 20) Ainsi nous vivons Jésus, nous sommes des hommes nouveaux
qui avons revêtu le Christ (Ep 4, 24 et Ga 3, 27)
Vivre Jésus, vivre en ressuscités, mieux, vivre en résurrection, c’est
ici et maintenant, c’est faire de ce monde un lieu de Dieu, ce que l’on appelle
le paradis. Changer nos vies et le monde pour qu’il soit bon de vivre en frères et d’être unis (Ps 133/132). Voilà
où nous engage notre baptême, notre foi. Je soupçonne notre réduction de la
résurrection à la vie après la mort d’une part d’être un relent de paganisme,
une gestion religieuse de nos peurs, d’autre part, d’offrir une bonne raison de
ne pas nous occuper maintenant de la résurrection, de ne pas changer nos vies
aujourd’hui, parce que nous ne sommes pas prêts à changer de vie, nous l’aimons
bien, notre péché.
Alors que dure le confinement, qu’il devient insupportable pour
certains, et on les comprend, alors que le nombre de morts ne cesse d’augmenter,
il y a de quoi être angoissé. Jésus a pleuré son ami Lazare qui gisait au
tombeau. Jésus en deuil de Lazare, leur amitié est finie. Il ne le reverra plus.
Pleurerait-il si le récit de Jean racontait un miracle de réanimation ? La
mort, en effet, n’est pas supprimée : « celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. »
C’est maintenant et non après la mort qu’il faut vivre, non pas seulement
biologiquement, mais aussi ressusciter, mener sa vie avec Jésus. Comment ces
jours de violence que constitue le confinement seront-ils l’occasion de nous
battre pour la vie, de permettre que ce
soir même avec Jésus, nous soyons en paradis ?
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