11/08/2023

Perdre sa vie, Ste Claire (vendredi de la 18ème semaine)

Retable de sainte Claire. 1280s. Tempera sur panneau de bois, 273 x 165 cm. Assise, monastère sainte Claire
Claire d'Assise, vers 1280 (Assise, monastère sainte Claire)


Qu’est-ce que perdre quand on n’a pas grand-chose ? Qu’est-ce que perdre sa vie (Mt 16, 24-28) quand on pense avoir beaucoup donné ou qu’on nous a beaucoup pris, lorsque la coupe est pleine d’être vide ?

Quand l’on a été trahi ou malmené, au nom même de ce qui avait orienté notre vie, quand on s’est perdu soi-même, que reste-t-il à perdre ? Ne sommes-nous pas nous-mêmes perdus ?

Dans l’Eglise, les communautés, la question prend une dimension supplémentaire, car le plus personnel et privé ne se distingue guère du plus professionnel ou institutionnel. On ne va pas partir maintenant, après quarante ans. Mais quel avenir pour tout cela ? Nous ne voyons pas. Impression d’avoir vraiment perdu, y compris celui en qui nous mettons notre foi. Il est si loin. « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » Et il faut encore se secouer pour ne pas broyer du noir, pour ne pas entraîner les autres dans la dépression. Il faut encore s’épuiser à tenir.

« Mes mains sont vides, vides, vides et je ne sais pas qui aimer. Que feras-tu Seigneur de cet amour perdu, de cet enfant perdu ? »

Je ne sais pas répondre à ces questions. Peut-être est-ce encore le mieux. Une consolation n’est pas ce qu’elles exigent.

 

Voilà une pauvreté, radicale, ou du moins, un sentiment de pauvreté radicale.  Avoir beaucoup perdu au point d’être perdus, est-ce audible sans tomber dans la pathologie ? Mais après tout, ce sont les malades qui ont besoin de santé, de salut, de vie. Renoncer, perdre pour le suivre. Et si c’était déjà fait ? Est-ce la joie de François et Claire d’Assise, la joie parfaite.

La parole de Jésus est appel à la vie. C’est pour cela que nous ne pouvons y renoncer. Il reprend, plus encore dans ses actes, la bénédiction des origines, cela est très bon. Non notre vacuité, notre déréliction ‑ nous savons qu’elle est mortelle, mortifère ‑ mais la vie reçue, échue à tout le moins. « Choisis la vie » ; « je veux que tu vives » ; « vis ».

Rarement davantage que dans la vacuité et la déréliction ces paroles sont déflagration, insurrection. Non la magie qui d’un coup de baguette fait disparaître la perte, miracle d’une sortie de la dépression ou du burn out, mais le goutte à goutte d’une source à la limite, tarie. « Comment savoir quelle est ta vie si je n’accepte pas ma mort ? »

Et l’on en est là. Une deuxième fois sans réponse ni consolation. Accepter sa mort. Et l’on voudrait que l’on ne perde pas pied ? La révolte contre le mal et la mort, combat, agonie, est encore, méconnaissable action de grâce, eucharistie, pour la bénédiction du premier jour, « vis ».

 

Ceci n’est pas une réponse, une justification, une raison, un sens : Les frères, les sœurs, vivent aussi ce drame de la mort, pire que nous peut-être. A nous attendre, ils comptent sur nous. La sollicitude envers autrui permet l’estime de soi. Beaucoup ne se sont pas dérobés. Jésus ne s’est pas dérobé. Il a emprunté des chemins improbables, là où il ne peut en exister, sur la mer, mort et mal…

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