30/10/2013

Sainteté, vie avec Christ, résurrection, vie éternelle, service des frères (Toussaint 2013)

Nous fêtons tous les saints. Nous fêtons la victoire sur la mort et le mal acquise par le Christ. Jésus restaure en tout homme l’image de son Dieu selon laquelle tous avaient été créés. A la fin du temps, le rappel du commencement mythique annonce la vocation de l’homme : ni la mort ni le mal ne sont son destin.
Affirmation de foi que l’on peut certes apprendre et dans l’habitude de laquelle on peut vivre de sorte qu’elle devient une évidence. Certains d’entre nous sont cependant troublés. Alors que tant de ceux qu’ils aiment considèrent cette affirmation comme fadaises, eux-mêmes ne savent plus ce qu’ils croient. Ce n’est pas qu’ils manquent de foi ; ce n’est pas qu’ils sont contaminés par l’athéisme contemporain. Ils sont seulement conviés à rendre compte de l’espérance censée les habiter autrement qu’en affirmant. Il leur faut trouver des mots qui rendent pensable l’annonce de la victoire sur la mort et le mal, qui rendent compréhensible une célébration comme celle de la fête de tous les saints.
On dit que nombre de chrétiens, y compris parmi les pratiquants réguliers, ne croient pas en la résurrection. Il n’est d’ailleurs pas certain que ceux qui disent y croire confessent la foi de l’Eglise. L’ébranlement que constitue la contestation ou l’ignorance par la société du cœur de la foi nous oblige à nous interroger. Que disons-nous lorsque nous confessons la résurrection ? Que disons-nous lorsque nous célébrons tous les saints ?
Il faut dire d’abord que l’on ne sait pas grand-chose d’une vie après la mort, si c’est cela que désigne la résurrection. Nombre de nos discours ont été démontés comme subterfuge pour échapper à la perte irrévocable de ceux que nous aimions, pour nous consoler, ou comme moyen de coercition. La peur d’une damnation éternelle vaudrait mieux que tous les gendarmes moraux ! Il faut reconnaître que même les plus subtiles en théologie n’ont pas été toujours très bien inspirés, ainsi saint Thomas d’Aquin qui pensait que les corps célestes étaient sphériques, car la sphère est le volume parfait. Il est vrai que son légendaire tour de taille lui donnait déjà un air de ressuscité !
Il me semble que nous nous devons à une ascèse du discours lorsque nous parlons de la vie après la mort. Nous n’en savons rien et les Ecritures recourent systématiquement à un discours codé lorsqu’elles se hasardent à en dire quelque chose. C’est le genre apocalyptique, c’est le genre parabolique, par exemple.
Sommes-nous alors réduits au silence ? Je ne le crois évidemment pas. Le point de départ de la confession de foi en la résurrection des morts, c’est-à-dire à la sainteté des élus, réside dans la vie présente, ici et maintenant. C’est parce que, aujourd’hui, nous prétendons vivre en amitié avec Dieu, qu’une vie après la mort est possible.
Vous me direz, il n’est pas plus aisé de montrer le sens de que ce que nous prétendons vivre avec le Christ aujourd’hui que celui d’une vie après la mort. Ce n’est cependant pas certain. Certes, comme le dit la lettre aux Romains que nous lisons ces jours en semaine, nous croyons en espérance. Et si jamais la modalité de l’espérance était remplacée par une certitude du genre deux et deux font quatre, nous serions sans doute en dehors d’un acte de foi. Certes, rien ne garantit que ce que nous prétendons être l’amitié avec le Christ n’est pas une illusion. Et nous ne pourrons jamais complètement écarter, du point de vue de la connaissance, ce risque car l’on ne justifie pas la vie avec le Christ, puisque c’est elle qui justifie tout, et notre vie, et ce monde, et la résurrection, et la sainteté.
Mais tout de même, notre expérience de foi n’est-elle pas qu’il est vivant celui devant qui nous nous tenons, ainsi que le disait déjà le prophète Elie ? Et si nous avons la grâce de l’avoir entendu, bien sûr sans qu’il y ait de parole dans ce récit, ni de voix qui s’entende, si nous avons eu la grâce de l’avoir entendu nous appeler ses amis, alors ce que nous vivons aujourd’hui avec lui est déjà vie éternelle, est déjà résurrection. Vous êtes ressuscités avec le Christ. Si déjà une vie divine est possible, alors pensez bien que la mort n’y changera pas grand-chose ! Voilà ce que nous pouvons affirmer de la vie éternelle, de la sainteté des élus. Si nous vivons déjà avec le Christ, qu’est-ce qui pourra nous séparer de son amour ? Rien, pas même la mort !
On nous objectera, et l’on n’a pas besoin que l’on nous objecte, nous sommes assez grands pour le remarquer nous-mêmes, que cette vie ici et maintenant elle aussi peut être subterfuge ou illusion. Mais peu nous importe car cette résurrection qui nous fait rechercher les réalités d’en-haut trouve son ancrage dans la réalité de l’existence humaine, dans le service des frères. Imaginons un instant que l’amitié du Christ soit illusion, la sainteté née dans le service du frère sera toujours cela de gagné pour rendre un peu de dignité à tout homme, pour le saluer, pour le sauver de l’oubli. Mais si en plus, si ce service était le chemin par lequel nous entendons effectivement le Christ nous déclarer ses amis, alors, oui, nous sommes déjà ressuscités avec le Christ, alors chercher les réalités d’en-haut c’est servir le frère, alors la sainteté est déjà le lot de tous ceux qui se font prochains de leurs frères, qu’ils connaissent ou non le Seigneur de gloire.


26/10/2013

Le péché, chemin de sainteté (30ème dimanche C).

Avec une telle parabole en noir et blanc, opposant le bien et le mal, il est bien difficile de ne pas se croire immédiatement du bon côté. Qui d’entre nous revendiquerait d’être le pharisien ? Qui pourrait écouter sans se sentir agressé un propos qui le rangerait du côté du pharisien ? Quand on voudrait que l’évangile nous conforte, voilà qu’il nous en met plein la figure.
Le prédicateur devra-t-il pour ne déplaire à personne faire croire que tous sont publicains ? Pas certain qu’il se fasse mieux entendre. Car ces publicains de l’évangile sont ceux que l’on appelle aujourd’hui les salauds, l’exact opposé de una muy buena persona ! De sorte que l’on est soit quelqu’un de bien mais empli de la conscience de soi jusqu’à l’écœurement, soit quelqu’un de malhonnête que son humilité rachète.
Du coup, ce n’est pas une parabole en noir et blanc, c’est une parabole en noir et noir. Personne pour racheter l’autre. Comment voulez-vous que le prédicateur se fasse des amis ? Comment Jésus peut-il attirer à lui avec de tels propos ? Nous mesurons le politiquement incorrect de ses paraboles.
C’est que dans ces textes, un chemin est fermé, est dénoncé comme impossible de façon appuyée. L’homme ne fait pas sa sainteté. L’homme ne peut être un juste. Seule la contagion du Saint rend saint, autrement dit, seul le service du frère rend saint puisque c’est à aimer le frère que l’on vit dans la proximité du seul et trois fois saint.
Pour les hommes c’est impossible. Et le pharisien est pire que le publicain, non que son crime soit à la hauteur de la trahison, de l’amour de l’argent ou du sexe du publicain, mais que le pharisien s’accommode de la vilenie ordinaire au point de l’ignorer. Il se pense homme de bien. Ce mensonge est son crime, son hypocrisie sa perte. Il est incapable de tout secours. Il n’a rien à demander, rien à recevoir puisqu’il peut tout, puisqu’il peut de lui-même être saint, parfait.
Le publicain n’est pas plus humble que l’autre, ou du moins nous n’en savons rien. Il est seulement dans l’incapacité de tricher avec sa tricherie. Elle est telle qu’il ne peut la cacher ni l’ignorer. Sa forfaiture saute aux yeux, on ne voit qu’elle. Heureux est-il, non d’être un salaud, mais d’être contraint à attendre d’un autre la justice, sa justification, la vie.
Serait-ce que cette parabole nous oblige à nous reconnaître misérables pour croire en Dieu ? Nietzsche aurait-il raison à dénoncer la religion du petit homme ? Mais si Nietzsche a raison, c’en est fini de l’évangile. Car jamais on ne montrera la grandeur de Dieu à diminuer l’homme, car le dieu du petit homme n’est pas digne d’être Dieu. Le Dieu qui est digne d’être cru est celui dont les fidèles n’ont pas besoin tant ils ont de ressources pour vivre bien, bonnement, sans lui. Il est le Dieu d’hommes et de femmes capables de tout, pour le meilleur et pour le pire, nous le voyons bien ; capables de tout sauf de se donner ce qu’ils ne peuvent que recevoir.
On a inventé à la fin du Moyen-âge une expression qui voulait rendre compte de la grandeur de Dieu. Ce monde est tellement bien, bien fait, qu’il faut le comprendre etsi Deus non daretur, comme si Dieu n’existait pas. La gloire du créateur, c’est d’être ignoré !
C’est incroyable. C’est incroyable du moins tant que l’on reste dans la logique de l’utilité, des préséances, des hiérarchies. Mais si l’on entre dans la logique de l’amour, alors tout change. La gloire, la joie des parents ne réside-t-elle pas dans le fait que leurs enfants n’aient plus besoin d’eux ?
Notre publicain cependant fait encore un pas. Il n’est pas le publicain, mais celui le publicain qui va au temple pour prier. Et nous sommes invités à le suivre. Notre publicain se reconnaît en dette. Assurément le péché est un chemin de la reconnaissance de dette. Le publicain ne nous oblige pas à le suivre dans sa mauvaise vie, même si notre péché est chemin de sainteté, pour peu que nous le regardions en fasse et ne nous croyions pas blanc comme neige, tel le pharisien. Oui, notre péché chemin de sainteté. C’est du saint Paul, là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé.
Il est certes d’autres chemins que celui du péché pour apprendre l’être en dette, par exemple celui de l’action de grâce. Et nous le savons bien nous qui venons faire eucharistie chaque dimanche. La gratuité, l’inutilité de notre Dieu que cependant nous continuons à chérir en est un autre. Nous vivons d’être en dette et la réside notre joie. Le publicain nous indique le chemin de l’être en dette. Notre bonheur est de tout recevoir. Comment pourrions-nous alors ne pas compter sur le Seigneur ? Mais que celui d’entre nous qui n’a jamais péché se bouche les oreilles et que les autres écoutent la béatitude. Bienheureux pécheur qui a trouvé son sauveur. Non pas bienheureux d’avoir fait le mal, mais bienheureux parce que, pécheurs, nous demeurons aimés

12/10/2013

Tous sont guéris, un seul fait eucharistie (28ème dimanche C)

Voilà un évangile eucharistique (Lc 17,11-19). Le mot n’est malheureusement pas traduit dans notre version, mais il est en toute lettre dans le texte. On lit au verset 16 : Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce, en l’eucharistiant.
Bien qu’il n’y ait nulle trace de pain ni de vin, de présence réelle ni de tabernacle, le récit est une catéchèse eucharistique. C’est que l’eucharistie n’est pas ce rite hypertrophié qu’on en fait parfois. Elle est l’action de grâce, le remerciement de l’homme rendu à la vie, débarrassé de sa lèpre.
Le récit de la guérison met en scène une réinsertion dans la société de ceux qu’on a exclus pour ne pas risquer la contagion d’une maladie aussi terrible qu’incurable. Ils ne sont déjà plus de ce monde, les lépreux, tant que la médecine n’a pas trouvé comment les soigner. Ils vivent comme des morts, dans les tombeaux de la société, dans ses poubelles.
Qu’il s’agisse dans l’évangile de lèpre, comme dans la conversion de saint François d’Assise, signifie bien d’avantage que s’il l’on avait parlé d’une autre maladie. Ces hommes, ces dix hommes, ne reçoivent pas la guérison, mais sont rendus à la vie, sont ressuscités. Ces dix lépreux expriment la multitude qui reçoit la vie, non de sa naissance du sein d’une mère, mais de la renaissance, celle de l’homme nouveau. Eucharistie et résurrection vont toujours de pair. Don de la vie et action de grâce pour ce don, pour la vie ; action de grâce qui donne de pouvoir vivre de ce qui fait vivre plus consciemment.
C’est que la vie nouvelle ne se voit pas tant que cela. Tous ne la connaissent pas même si tous en sont les destinataires et les bénéficiaires. La vie paraît tellement due, évidente, destinée de l’homme, que l’on s’aperçoit de sa gratuité lorsqu’elle manque. Mais lorsqu’elle est là, on peut ne pas la voir. La vie nouvelle est grâce, gratuité, sans raison. Or, hier comme aujourd’hui, tout ce qui n’a pas de prix, tout ce qui ne coûte rien, ne compte pas.
Drôle d’expression d’ailleurs, que ce ça n’a pas de prix. On veut justement dire que c’est de l’ordre de la démesure, de ce qui échappe à la mesure. La vie de l’homme n’a pas de prix, la vie de l’homme non pas comme produit biologique, mais comme existence devant l’autre, devant Dieu. Et voilà ce dont tous, les dix, il n’en manque pas un, voilà ce dont tous, la multitude, sont les bénéficiaires. Sang versé pour la multitude, sang versé pour tous, qu’il n’en déplaise à ceux qui imaginent que Jésus aurait écarté quelques uns de son don !
Que faire à recevoir cette vie ? Que faire comme hommes nouveaux ? Rien, pensent certains. Tout cela n’est que dû. Ou plutôt, ils ne pensent pas qu’il y ait quelque chose à faire tant la vie est due. Un seul revient. Drôle de type, un étranger, un schismatique, un hérétique, un juif pas tout à fait juif, un type venu d’ailleurs. Non seulement il errait dans les tombeaux de la société, mais encore il n’était pas de cette société, marginalisation au carré.
Cela doit demeurer une curiosité l’action de grâce, l’eucharistie. Recevoir la vie comme un don, la vie nouvelle, et non la réclamer comme un dû, voilà qui étonne hier comme aujourd’hui. Tous ne font pas eucharistie, mais un seul. Tous, la multitude a été guérie.
Et notons que ce pour quoi ce samaritain fait eucharistie, notons que l’eucharistisation de Jésus si j’ose transcrire littéralement, n’est pas un morceau de pain et en droit un peu de vin qui en pratique n’est jamais distribué. Nous ne rendons pas grâce pour le pain et le vin. Nous ne faisons pas d’action de grâce après la communion comme si ce que Dieu nous avait donné c’était ce pain et ce vin ! Ce qu’il donne, c’est la vie. Et nous rendons grâce en venant encore nourrir cette vie, en recevant encore, en mangeant le pain et buvant le vin.
La gratuité de l’eucharistie, de l’action de grâce, répond à celle du don par Dieu de la vie. Un seul revient, tous, la multitude est guérie.
Le Seigneur n’est pas caché dans le tabernacle. La présence réelle n’est pas autre chose que l’Esprit, invoqué sur les oblats et sur l’assemblée, qui donne la vie, qui ressuscite, qui donne son souffle, divin, à l’homme nouveau. Et lorsque nous mangeons ce pain et buvons à cette coupe, nous donnons chair, matière, au don par Dieu de sa vie. Le don de Dieu ne se voit pas. Le sacrement, signe visible et efficace le rend visible.
Catéchèse eucharistique que ce récit de la guérison des dix lépreux. Invitation à ouvrir les yeux non sur les espèces consacrées, mais sur ce qu’elles désignent. Le sage indique la lune et l’imbécile regarde le doigt. Il ne faudrait pas que nous soyons les imbéciles de l’eucharistie à regarder l’hostie et à ne pas voir le don de Dieu, à réduire le don de Dieu à une hostie !


05/10/2013

"Augmente en nous la foi." Et puis quoi encore ? (27ème dimanche C)

Augmente en nous la foi (Lc 17,5-10) Quelle demande ! La foi se quantifie-t-elle, peut-on l’avoir plus ou moins ? Faut-il en faire une possession, un truc qu’on se procure comme n’importe quel bien de consommation ? Augmente en nous la foi. Quelle demande incongrue ! Quel blasphème ! Quel sacrilège ! On se croit bon, bon élève, à demander que le Seigneur augmente en nous la foi, mais on est l’hypocrite, le marchand du temple, qui transforme le plus sacré, la prière et la foi, en mercantilisme.
Pour preuve la réponse de Jésus. « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : 'Déracine-toi et va te planter dans la mer', et il vous obéirait. » A Rio, sur la plage de Copocabana, trois millions de personnes, un pape, des centaines d’évêques, des milliers de prêtres et de religieuses. Ils auraient bien été incapables d’envoyer un arbre dans la mer ! Tout ce monde, ce beau monde, n’aurait-il pas la foi même comme une graine de moutarde ?
Demande que Jésus traite avec miséricorde, répondant par une boutade. Est-il possible d’avoir moins de foi qu’une graine de moutarde ? Moins signifierait rien !
Demandez-vous d’aimer plus vos enfants ou parents ? Que signifierait aimer plus son conjoint ? Machine à culpabilisation, soupçon de n’en faire jamais assez, évidence prétendue qu’on pourrait en faire toujours plus. Méfions-nous de ne pas en faire trop ! Nous formulerions des demandes blasphématoires. Mieux vaut un mot d’esprit pour remettre les choses en place : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : 'Déracine-toi et va te planter dans la mer', et il vous obéirait. »
Si la foi est un attachement à Jésus, pouvons-nous lui être attachés plus ou moins ?
Evidemment, si la foi c’est croire des trucs, le catéchisme, on peut y adhérer plus ou moins. On peut même y adhérer sans y croire, comme Maurras ! Certaines choses vont bien : on croit en un être supérieur qui est à l’origine de tout. Il faut bien qu’il y ait quelque chose ! Il faut bien avoir un peu d’espoir, alors, oui, après la mort, nous retrouverons ceux que nous avons aimés, alors non, ils ne sont pas vraiment morts, ils continuent à vivre, à nous habiter, voire à habiter à côté, juste à côté, de l’autre côté du chemin.
Mais la foi, ce n’est pas, fondamentalement, une histoire de trucs auxquels il faudrait adhérer, Les sept dons de l’Esprit, la virginité de Marie, la marche sur les eaux, etc. Non, la foi c’est la suite de l’ami, la poursuite du frère, ou peut-être mieux encore, le consentement à se laisser poursuivre par celui qui nous saisit.
Vous consentez ou non ? Y a-t-il en matière de relation du plus ou du moins ? Je t’aime un peu, beaucoup, à la folie, passionnément, pas du tout. Comptine crypto-érotique qui met en scène le désir, excite mais qui ne parle pas de la relation. Une nouvelle fois, que signifierait que j’aime mon père un peu plus ou un peu moins ? Un peu plus que quoi, un peu moins que qui ? C’est plutôt une autre chanson, ouvertement dragueuse qui est dans le vrai : tu veux ou tu veux pas ?
Le catholicisme est un système culturel et social, et l’on peut y tenir plus ou moins. Mais la foi n’est pas le catholicisme. Il faudra même sans doute que meure le catholicisme pour que la foi soit mieux comprise. Et la crise de l’Eglise me semble être exactement cela. Nous sommes les contemporains de l’agonie du christianisme. Et c’est tant mieux ! Et le vieux pape précédent ne s’en remettait pas. Oui, avec le mariage pour tous, avec l’euthanasie et l’IVG, avec la recherche embryonnaire, avec le capitalisme triomphant meurt la régulation chrétienne de la société. Un monde ancien s’en est allé. Un monde nouveau germe déjà, a déjà bien bourgeonné, ne le voyez-vous pas ?
Et que se passe-t-il dans ce monde ? Se pose notamment, la question de la foi. Elle ne se pose peut-être pas en priorité. Car ce sont les désespoirs des hommes qui doivent nous préoccuper d’abord, comme cette semaine à Lampedusa. Mais puisqu’aimer ce monde, aimer le frère, c’est suivre Jésus, alors, la question de la foi se pose aussi dès l’abord. Tu consens ou non ? Tu veux ou tu veux pas ?
Et nous qui prétendons explicitement avoir consenti, qu’aurons-nous ? Question encore plus blasphématoire et sacrilège que Jésus ne laisse pas le temps de poser, répondant par avance. Y a-t-il récompense à aimer notre conjoint et nos enfants ? Comme si ce n’était pas déjà joie parfaite d’aimer. Faut-il que nous n’ayons rien compris à la foi pour demander ou penser demander ce qu’il y aura pour nous. « Quand vous aurez fait tout ce que Dieu vous a commandé, dites-vous : 'Nous sommes des serviteurs quelconques : nous n'avons fait que notre devoir.' » Le Seigneur n’est pas ingrat. Il nous demande juste d’ouvrir sur les yeux de la chance que c’est de se savoir aimé par lui, d’avoir la foi. Qui ne voudrait pas être aimé ?


28/09/2013

Faire main basse sur l'évangile (26ème dimanche C)

Le catholicisme a perdu la classe ouvrière, disait-on. Le catholicisme occidental voit ses effectifs s’effondrer avec l’accroissement de la richesse. Et c’est vrai partout dans le monde, plus on est aisé, moins on est croyant. Ce n’est pas pour rien si la majorité des chrétiens se trouve aujourd’hui dans l’hémisphère sud. Un riche et le pauvre Lazare…
Inversement, les communautés qui demeurent dans les pays riches sont plutôt constituées de gens aisés. Nos communautés ne sont évidemment pas monolithes, mais force est de constater que leur sociogramme ne coïncide pas avec celui de la société. Les riches auraient-ils fait main basse sur l’Eglise ? Les propos de François, pape venu de l’hémisphère sud, pourraient le laisser entendre. Un riche et le pauvre Lazare…
Il ne s’agit pas de culpabiliser ou de faire la leçon. En s’interrogeant sur une évidence, aussi désagréable soit-elle, il s’agit seulement de ne pas passer à côté de l’évangile. L’évangile est provoquant, intempestif et, si nous ne voulons pas l’entendre, pouvons-nous encore nous dire disciples de Jésus ?
Il s’agit tellement peu de faire la leçon qu’il faut commencer par recevoir une leçon. Nos communautés chrétiennes sont généreuses. Elles ont entendu que le pauvre Lazare est le frère dont nous sommes responsables. Combien de milliards d’euros nos communautés occidentales donnent-elles chaque année en dehors de l’impôt ou des structures étatiques et obligatoires qui régissent la solidarité et le partage ?
Nos communautés riches font d’ores et déjà du partage une dimension importante de leur vie. Mais alors, la parabole aura-t-elle encore quelque chose à nous apprendre ? Pourquoi l’écouter encore si nous avons intégré sa leçon, si nous sommes exemplaires et qu’à bien des égards, les chrétiens sont des prophètes du partage dans ce monde ? On ne va pas faire la liste des ONG catho qui viennent au secours des plus pauvres. En cette année de quatre centième anniversaire de l’œuvre saint Louis, nous pouvons nous réjouir d’avoir reçu en héritage une institution qui fait du don le centre de ses actions, qui, au nom de l’évangile, vient en aide à ceux qui en ont besoin à hauteur d’au moins 250 000 euros par an !
Le riche et le pauvre Lazare… Pourquoi cet antagonisme évangélique entre richesse et évangile ?
Le riche est celui qui fait main basse sur tout ce qu’il veut. C’est celui qui possède. Sans doute légalement, il a acheté, ou du moins se faisant croire que sous prétexte qu’il a de l’argent il peut tout se permettre, acheter ce qu’il veut, les esclaves d’aujourd’hui, le travail des enfants, etc. On est dans la loi, dans la morale, on peut sans que rien ne soit dit, mettre la main sur tout ce qu’on veut et participer à l’exploitation des plus pauvres. C’est ainsi que nos pays ont colonisé ceux que nous disons aujourd’hui pays pauvres, c’est ainsi que l’on peut comprendre qu’en cette période de crise, les plus riches, certains d’entre nous sans doute, ce sont enrichis encore, alors que les plus pauvres le sont davantage.
Les riches, nous, allons jusqu’à faire main basse sur l’Eglise. Et là se noue l’antagonisme, de façon non pas plus grave, mais plus terrible. Au nom de l’évangile, on tue l’évangile. En défendant l’évangile, nous les riches, nous l’annulons. Et François dénonce le scandale. La saillie de la semaine : « On ne connaît pas Jésus en première classe. » Certains applaudissent, d’autres sont gênés, mais n’osent trop rien dire. Les évêques en ont pris plein la mitre, mais qu’en est-il de nous tous qui sommes aisés ? Faudra-t-il comme saint François tout donner, tout abandonner ? Un copain me confiait il y a quelques temps qu’avec 6000 euros par mois à deux salaires avec deux enfants, ils n’avaient pas l’impression d’être riches…
Les riches font main basse sur l’Eglise non seulement en versant ou pas le denier de l’Eglise. C’est une manière comme une autre de prendre le pouvoir sur les prédications. Les riches font main basse sur l’Eglise en occupant l’espace. Les pauvres, ici comme ailleurs, ont droits aux marges. Les riches font main basse sur l’Eglise parce qu’ils ont réussi à se faire les défenseurs de l’évangile. Ils sont du bon côté même s’ils se moquent dans les faits de tout ce chapitre de Luc qui crie l’opposition entre richesse et évangile.
Comme ces paroles sont dures ! Qui pourra les entendre ? Un riche et le pauvre Lazare… Je ne sais pas que dire de plus. Je sais bien que je suis du côté des riches. Est-ce une raison pour ne pas entendre l’intempestif, la violence de l’évangile ? Ce n’est pas parce que nous ne savons pas que faire, ne savons pas changer nos vies et le monde qu’il faudrait ne pas entendre l’évangile et sa violence provocatrice. Un riche et le pauvre Lazare…

14/09/2013

" C'était mon fils et je l'aimais" (24ème dimanche C)

L’évangile de Luc est parfois appelé évangile de la miséricorde. Le chapitre quinze que nous venons de lire avec ses trois paraboles mais aussi plusieurs traits spécifiques comme le pardon au « bon » larron, explique cette dénomination. L’opposition suscitée par l’attitude de Jésus, par sa manière d’être d’amour et de pardon, n’en est que plus violente. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »
Peut-on tout pardonner ? Peut-on frayer avec les salauds d’hier et d’aujourd’hui ? Un drôle de type, avec un fils sans doute un peu rangé des voitures depuis quelques années, mais qui avait un casier chargé, a dit à l’occasion de l’assassinat de ce fils à Marseille la semaine passée : C’était mon fils et je l’aimais.
Les pharisiens et les scribes de la presse, de ses lecteurs, qui n’allaient pas pleurer sur un règlement de compte dans le milieu, nous donc, en avons eu pour notre grade. Leçon d’évangile, non qu’il faille canoniser ce père, leçon de vie, dictée par ses seules entrailles : C’était mon fils et je l’aimais.
Entrailles, c’est l’étymologie du mot miséricorde. Etre pris aux trippes, mieux, car ce n’est pas l’estomac dont il s’agit, mais de la matrice, des entrailles maternelles qui ont porté tous les enfants du monde et qui se révoltent, blessées à mort par la mort de leurs fruits.
Une semaine avant, à Aranjuez, un tableau de la mort d’Absalon. Et devant ce fils suspendu dans les branches d’un arbre, résonne le cri du père, David, qui apprend la nouvelle de la mort de son traite de fils, de celui qui était décidé à le tuer pour prendre sa place. Absalon, mon fils, mon fils, Absalon. C’était son fils, et il l’aimait.
C’était dimanche sur France culture, devant Eichmann en sa prison ou Saddam Hussein sortant hirsute de son trou à rats, devant l’homme à terre, même bourreau, peut-on tirer, faire feu, ignorer, ne pas être pris aux entrailles ? Pourtant, cette semaine encore, des rebelles syriens se sont vengés sans jugement aucun en exécutant leurs prisonniers de guerre. Pourtant nous sommes ou avons été jaloux d’un frère ou une sœur pardonné, pourtant nous sommes intraitables avec les salauds. Que l’on partage son repas avec eux nous révulsent.
Les paraboles du chapitre quinze, la confession d’un père orphelin de son fils et la lamentation de David nous empêchent de parler comme nous le faisons, scandalisés par l’injustice de la réhabilitation des pécheurs, ce qui nous semble l’injustice de la réhabilitation des pécheurs. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »
Dieu aime, comme un père, inconditionnellement. Il n’y a aucune condition à l’amour de Dieu. Contrairement à ce que nous racontons souvent, au caté ou ailleurs. Si tu es sage, si tu fais des sacrifices, si tu agis bien, le Seigneur sera ton appui. Même les psaumes disent cela. C’est mon fils et je l’aime dit Dieu. Tu es mon fils, ma fille, et je t’aime dit Dieu. Or le Seigneur ignore le conditionnel. Voilà un temps qui ne s’enseigne pas dans les écoles du paradis, ou alors seulement pour rêver : si les hommes étaient comme leur père, amour et vérité se rencontreraient, justice et paix s’embrasseraient.
Ce qui rend non seulement acceptable mais indispensable cette inconditionnalité divine, ce n’est pas que même des hommes en soient capables, comme ce marseillais, comme David. C’est que nous sommes des salauds. Il ne s’agit pas de misérabilisme, de coulpe battue pour s’humilier et ainsi se croire humble.
L’inconditionnalité de l’amour du Père nous révèle à nous-mêmes tels que nous sommes, non pour nous écraser, mais au contraire pour nous relever, nous ressusciter. Evangile de résurrection que ce chapitre. L’inconditionnalité de l’amour est bonne nouvelle, est l’évangile. Nous voulons accueillir cet amour inconditionnel pour nous-mêmes alors nous ne pouvons qu’y consentir en faveur de tous. Comment pourrais-je réclamer que les publicains et les pécheurs soient laissés à leur vilénie si je veux être relevé de la mienne ?
C’est seulement cela, si l’on ose dire, la vie éternelle. Etre cherché, retrouvé, relevé par l’amour inconditionnel. Pour accomplir le dessein de l’amour du Père, le fils nous aima jusqu’à l’extrême. Et nous sommes vivants. Relevé, c’est ainsi qu’on dit ressuscité en grec.
Nos paraboles parlent effectivement de résurrection. C’était mon fils et je l’aimais. En disant cela, le père écrasé par la douleur relève son fils de son mal et interdit toute condamnation facile et posthume. Saluant son fils, il en sauve la mémoire. Le père de la parabole ne fait pas autre chose. Son amour est salut, relèvement, ce que l’on appelle résurrection. Mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie. Et pour que nous entendions bien la bonne nouvelle de la résurrection, parce que nous ne ouvons espérer la vie pour nous sans la vouloir pour les frères, même détestés, l’évangile répète : ton frère était mort et il est revenu à la vie.

13/09/2013

Canonisation de Jean-Paul II ?

Pour notre plus grande joie, la réception de Gustavo Gutierrez ressemble à la nomination par Jean XXIII des Congar, Lubac et autres comme experts au concile.
Pour notre plus grande tristesse, cela donne raison à nos réserves sévères quant aux deux précédents pontificats, qu'il faudra juger aussi impartialement que ceux de Pie XII et Pie X, quoi qu'il en soit de la canonisation du dernier et de celle proche de JP II. Et je n'invente rien, tout cela est écrit dans les livre de G. Miccoli, Le pontificat de JP II, un gouvernement contrasté, Lessius, Bruxelles 2012 (l'édition italienne est de 2007).
Avec la théologie de la libération, il y eut le limogeage de Pedro Arrupe. Par deux fois en deux mois, François est allé se recueillir sur sa tombe au Gésu. Il y eut l'aveuglement devant ce brigand pervers de fondateur des Légionnaires. Et si vous avez besoin d'aide pour allonger la liste, allez lire Miccoli ! Et l'on n'aura pas même besoin de parler de ce qui a conduit B XVI à démissionner (Quel humble pasteur !).
L'Eglise ne veut pas se déjuger. Même François n'en est pas là. Il n'aura pas le cran de ne pas canoniser JP II. Il se contente de réhabiliter. Dans la liste des réhabilités, il faut ajouter Romero.
Désolé d'avoir eu raison à critiquer les précédents pontificats. Désolé pour ceux que ces lignes exaspéreront, encore plus pour le risque d'insultes que je recevrai, mais assez de la papolâtrie, que le Pape mène bien la barque ou non d'ailleurs. Nous ne sommes pas les disciples du Pape, mais du Christ.

07/09/2013

Le savoir de la foi (23ème dimanche du temps C)

L’extrait du livre de la Sagesse (9,13-18) que nous avons entendu expose une théorie de la connaissance. Qu’est-ce que l’homme peut savoir de Dieu, alors que déjà il ne comprend pas grand-chose au monde qui l’entoure ? Que peut-il savoir sans Dieu qui lui envoie la sagesse ? Ce qu’il y a de droit dans la connaissance de l’homme, c’est ce qui vient de Dieu, ce qui est conforme à la sagesse divine.
Je ne conteste pas la limitation de notre connaissance. Ce que nous savons chacun est si peu par rapport à ce que nous savons ensemble, et ce savoir de l’humanité est fort peu, aussi impressionnant soit-il, par rapport à ce que nous ignorons encore.
Je ne conteste pas non plus le mouvement descendant de la connaissance. Ne dit-on pas : une idée m’est venue. Cette idée, qui est bien de moi, c’est comme si elle m’était venue d’ailleurs. Rien de mieux que le mythe pour exprimer ce statut paradoxal de la connaissance. On trouve cela chez Platon qui ne renierait rien des versets du livre de la Sagesse. Reste juste à dire ce que cela veut dire. Si on avait eu recours au mythe c’est justement parce que l’on ne savait pas rendre compte de ce qu’est la connaissance, mienne et cependant transcendante.
Je ne conteste pas enfin que la justesse de la connaissance puisse s’exprimer comme conformité avec un modèle, et pourquoi avec le savoir divin. Mais qu’est-ce que le plan de Dieu sinon une expression mythologique ou pour le moins anthropomorphique ? (J’exprimerais cependant des réserves, car la compréhension du vrai comme adéquation entre le dire et le réel a du plomb dans l’aile. Est-elle valide en dehors de ce qui est vérifiable et mathématisable ? La vérité d’un amour n’est pas affaire d’adéquation, mais d’engagement dans une manière, toujours située, perspective, de se comprendre et de comprendre le monde.)
Certains imaginent que leur amour est vrai puisqu’il est conforme au plan divin, que c’est Dieu qui les a fait se rencontrer, ou entrer au séminaire, mais là justement réside la difficulté. Comment savoir ce que Dieu pense ?
Oui, d’accord avec le livre de la Sagesse, je ne pourrais rien savoir de Dieu si Dieu ne s’était fait connaître. Mais concrètement, comment se fait-il connaître ? D’accord avec le livre de la Sagesse, Dieu a quelque chose à voir avec la vérité, y compris celle de nos existences, si fragiles et historiques. Mais comment ? Le discours biblique n’est pas une épistémologie, une théorie de la connaissance, et le lire ainsi, c’est le trahir, lui faire dire autre chose que ce qu’il vise.
Depuis le XVIe siècle, la tarte à la crème de la théologie, la solution passe-partout, c’est la révélation. Or jamais dans l’histoire de la pensée chrétienne, la révélation n’avait désigné un contenu, un message sur ce que Dieu pense. La révélation est l’acte d’un Dieu qui donne, qui se donne. Dans la foulée des Modernes, nous autres, surtout les techniciens et les ingénieurs, avons tendance à penser la vie selon un modèle scientifique, et nous nous enfuyons dans l’irrationnel dès qu’il s’agit de parler des sentiments, de la philosophie ou de la foi. A la fois nous prétendons voir l’action de Dieu dans notre vie comme on voit quelqu’un dans la rue, à la fois, si l’on nous demande de nous justifier, nous répondons, c’est le mystère. Le fait que nombre des prêtres aujourd’hui aient fait des études d ingénieurs, loin des humanités, leur ferme les portes de la théologie sauf s’ils font un véritable effort pour penser autrement. Ne faisons du premier degré du mythe la réalité de Dieu ! Nous serions comme des enfants qui croient au père Noël ! Mise à part le fait que Dieu se donne, nous ne savons rien de Dieu et la révélation est une non réponse. Ou alors elle est mythologie, dans ce cas mensongère, qui dissimule notre ignorance et fait croire que l’on sait.
Mais Dieu n’envoie pas des messages par un téléphone céleste ! L’évangile le dit, c’est à l’homme de s’asseoir et de réfléchir pour savoir ce qu’il peut engager, construction d’une tour, déclaration de guerre ou accord de paix. Que l’on ne croie pas que la foi donne des réponses là où la connaissance humaine fait défaut. La foi bouche-trou n’est pas la foi, comme l’écrivait Bonhoeffer. Laissons aux pentecôtistes de tout poil ce sinistre privilège de communiquer avec le divin. Leurs sectes font des ravages, aux Etats Unis et surtout dans les pays pauvres. Et nous autres catholiques, méfions-nous de ne pas être contaminés. Je vois tant d’entre nous qui manifestent leurs différences d’avec les protestants, mais quand il s’agit d’évangélisation, sont comme les baptistes ou les évangélistes, fondamentalistes, non certes des Ecritures, mais du catéchisme de l’Eglise catholique !
Pour nous, la volonté de Dieu, n’est pas une affaire de divination, de message divin, ni même de prière ou discernement. Qui peut parler au nom de Dieu ? Lorsque l’Eglise s’y est essayée, elle a écrit les pages les plus sombres de son histoire. Nous sommes invités à beaucoup plus de modestie. La folie des grandeurs est source des pires violences. Nous ne savons de Dieu que ce que la trace de son absence inscrit en nous, un immense désir amoureux. Nous ne savons de Dieu que ce que nos propos et toute notre vie, compris comme des réponses, laissent deviner d’un appel inaccessible, évanescent. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas une révélation au sens de messages et encore moins un catéchisme ! D’ailleurs s’il y a un catéchisme, c’est bien que les prétendus messages de Dieu ne sont pas si clairs !
L’évangile de ce jour (Lc 14,25-33) nous donne une clef pour la connaissance. Celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. Vous me direz, ce genre de clefs mène au fanatisme et fait que l’on tue père et mère sous prétexte de préférer le Christ. Mais on aura mal lu. Car si l’on renonce à tout ce qui nous appartient, on renonce aussi, et d’abord, à ce que l’on croit savoir de Dieu. Le chemin de la connaissance de Dieu, c’est le consentement à ne plus rien savoir, ou plutôt à savoir que tout ce que nous disons de Dieu, ce n’est pas ça, pas ça, pas ça, jamais ça.
C’est étonnamment le même chemin que celui du chercheur, de l’amoureux et du chrétien. Ce n’est jamais cela ; c’est pour cela qu’ils continuent à avancer dans la nuit de l’ignorance, éclairés seulement pas ce qui de cette quête est à l’origine, insaisissable, qui se laisse deviner seulement dans le fait qu’elle nous a mis en route sur le chemin de la connaissance et de la vie.