25/12/2020

L’homme exaucé et la femme comblée Lc 2, 22-40 (La sainte famille)

Les bergers sont les premiers. Des messagers spéciaux, célestes, les ont avertis dit le texte. Lorsqu’ils arrivent à l’enfant, ils ont déjà toutes les infos nécessaires. Les anges se chargent de la profession de foi. Les bergers n’ont qu’à faire le déplacement, se bouger. Ils constatent et ils louent Dieu.

Pourquoi des bergers ? Ils étaient dans le coin et faisaient paître leur troupeau. On s’en doute. L’évangéliste ajoute qu’ils vivent aux champs, comme leurs bêtes, comme des bêtes. Faut-il préciser leur quasi désocialisation, leur vie en marge des bourgs et des cités ? Ils ne devaient pas aller au temple ou à la synagogue chaque sabbat !

Berger, dans la ville de David, un métier de roi ! Mais là, on ne sait plus si l’on parle de ceux qui gardent les troupeaux ou de Jésus. On n’en saura pas plus. Luc contrairement à Matthieu et Marc ne parle pas de Jésus comme d’un berger.

Le récit est digne de la naissance de héros. Une troupe céleste, et des hommes quasi comme des bêtes. Du ciel à la terre, des anges aux bêtes, tout l’univers est convoqué et les hymnes retentissent, comme pour une cérémonie officielle. On fait mieux dans le genre simple et discret !

On parle peu de Jésus. L’évangile ne raconte pas sa naissance. Juste un faire-part. Il est né. Il n’y avait pas de place pour lui. Mais quelle salle aurait bien pu accueillir le héros dont la naissance déclenche les chœurs célestes ? Marie et Joseph sont tout juste mentionnés. Ils semblent des personnages totalement secondaires.

Un verset marque le jour de la circoncision, sans doute une semaine plus tard. Un verset encore, sans doute une quarantaine de jours, et nous sommes au temple. Peu importe le calendrier exact. Tout est fait dans les temps, comme il faut. Le texte répète deux fois de suite que les jours sont accomplis.

Changement de décor. De l’étable au temple. Et là, on rejoue la scène. Jeu des différences. Des bergers muets, un vieillard qui professe sa foi ; un enfant comme un signe pour mener à la piste indiquée par l’ange ou comme signe de contradiction ; des anges ou l’Esprit Saint, celui-là même qui avait couvert Marie de son ombre, etc.

Dans ce décor, une femme, prophète, nous ramène aux bergers. On n’entend pas davantage sa voix que la leur, les uns glorifient Dieu quand l’autre le loue.

La naissance de Jésus est mise en scène sur un rythme binaire. Anges et bergers, Syméon et Anne, reconnaissance à l’étable puis au temple, etc. Le don du nom, au huitième jour, vient comme mettre un grain de sable dans le dispositif. Il ne s’appelle pas comme son père, Joseph. On rejoue, très succinctement l’affaire de la tablette de Zacharie, sauf que Joseph n’est pas consulté. Il n’a pas son mot à dire. L’ange a tout décidé. L’enfant est comme sans père. C’est l’ange qui lui donne son nom. Yeshua, Dieu sauve.

Mes yeux ont vu ton salut. On peut dire que le vieillard a l’esprit d’à-propos. Il n’a pas besoin d’ange pour l’informer. Le prénom aura suffi, avec l’Esprit. Syméon reçoit l’enfant dans ses bras. Serait-il le père ? Cela se pourrait. L’homme n’est plus un glèbeux, Adam, mais « celui qui est exaucé ». Ainsi s’appelle celui qui reçoit l’enfant dans ses bras comme un père. La prophétie de Syméon repose sur deux prénoms, la rencontre de deux personnes, Celui qui est exaucé, Syméon, reçoit le salut, parce qu’il tient dans ces bras le Dieu qui sauve, Jésus.

Quant à Anne, perfection de l’attente et du manque, sept ans de mariage, puis plus rien, si ce n’est le temple chaque jour, aucun enfant connu, à moins qu’elle ne soit la mère de cet enfant, comme Syméon est le père. Elle le reçoit en cadeau, Anne, grâce. Quatre-vingt-quatre ans de virginité précise le texte, soit la perfection au carré, sept fois douze, ou quatre-vingt-quatre moins sept de mariage, soit soixante-dix-sept ans de virginité.

Nous pourrions continuer longtemps à être attentifs à chaque détail de ce texte, au sens de chaque élément et au rapport de chaque élément avec les autres. Ces quelques versets sont d’une densité sans limite. Il n’y a évidemment pas grand-chose d’historique, à part une naissance, une mère qui est génitrice plus que mère, un père vaguement présent, un père et une mère de substitution, d’adoption, des grands-parents plutôt, humanité qu’Israël concentre.

C’est que la sainte famille, ce n’est pas Jésus, Marie et Joseph, c’est la vocation de l’humanité, et peut-être même de tout le créé, anges et bergers, Anne et Syméon, nouveaux Adam et Eve, Israël qui trouve en « Yeshua », en son salut, sa gloire, celle que chantent les anges ; les nations en sont éclairées. Le peuple ne marche plus dans les ténèbres, peuple de frères.

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