17/07/2016

A propos de l'orientation du culte


Léon [le Grand, pape de 440-461, docteur de l’Eglise] s’inquiétait de voir des fidèles se tourner vers l’est pour accueillir le soleil, avant d’entrer à Saint Pierre pour la messe (Traité 27,22). Sans doute ce rituel, qui avait été pratiqué pendant le culte du Sol invictus de même que par les manichéens, fut-il adopté en toute bonne foi par les chrétiens qui voulaient simplement donner une signification chrétienne à une pratique traditionnellement païenne. L’objection du pape ne s’attardait pas tant à ce geste qu’au fait qu’il émanait d’une initiative personnelle. La réponse de l’Eglise fut de transformer ce rite privé en culte public : se tourner vers l’est pour la prière ou – ce qui était de plus en plus fréquent – orienter les églises dans cette direction étaient des tentatives plus efficaces que de vouloir mettre un terme aux initiatives privées.
[…] Augustin (mort en 430) pensait, comme la plupart des chrétiens, qu’aucun lieu n’était sacré par nature, car, comme Paul l’avait affirmé, les chrétiens étaient eux-mêmes le temple de leur Dieu vivant (2 Co 6,16). Leurs églises n’étaient pas les temples d’une divinité, mais seulement des lieux de rassemblement pour les fidèles. Comme Augustin le rappelle dans une sermon qu’il prononça lors de la dédicace d’une église, « cet édifice a été élevé pour nous réunir corporellement ; ainsi, l’édifice mystérieux qui est nous-mêmes se construit pour servir à Dieu d’habitation spirituelle. » (Sermon 337, 2) C’était la communauté qui était sacrée, et non l’église l’abritait. Le caractère sacré du bâtiment était tout à fait secondaire. « Ces temples de bois ou de pierre sont construits pour que les temples vivants de Dieu puissent s’y rassembler et former un seul temple de Dieu. » (Césaire d’Arles) Pendant des siècles il n’y eut de consécration que par l’usage. L’église abritait la communauté eucharistique et la première célébration de l’Eucharistie dans ses murs tenait lieu de consécration. Le Dieu des chrétien était partout présent, et aucun site, bâtiment, ni espace ne pouvait prétendre prendre part à la sainteté. Le véritable culte n’était attaché à aucun lieu particulier. Jusqu’au IVe siècle, les chrétiens habitaient un univers spatial largement indifférencié.
[…] L’édifice religieux n’était en rien un successeur, car l’église chrétienne n’avait pas de place pour l’ancien noyau du temple, la cella de la divinité ; ce qui fut abolie, c’est la séparation totale entre l’espace clos du temple et l’espace urbain environnant. L’église unissait sous un même toit l’autel, la communauté des fidèles – qui était en fait « le temple de Dieu » ‑ et l’espace du culte.
R. Markus, Au risque du christianisme, Presses universitaires de Lyon, 2012, pp. 184, 201, 210

Nice juillet 2016



  1er janvier 2016, Afghanistan, Kaboul, 3 morts
  1er janvier 2016, Israël, Tel Aviv, 2 morts
  2 janvier 2016, Inde, 7 morts
  5 janvier 2016, Nigéria, nord est, 7 morts
  7 janvier 2016, Lybie, au moins 65 morts
  11 janvier 2016, Irak, Bagdad et Mouqdadiyah, 32 morts
  12 janvier 2016, Turquie, Istanbul, 10 morts
  13 janvier 2016, Pakistan, Quetta, plusieurs morts
  14 janvier 2016, Indonésie, Jakarta, 4 morts
  15 janvier 2016, Somalie, Base militaire, 63 morts
  15 janvier 2016, Burkina Faso, Ouagadougou, 30 morts
  17 janvier 2016, Afghanistan, Djalalabad, 14 morts
  19 janvier 2016, Pakistan, Peshawar, au moins 11 morts
  20 janvier 2016, Pakistan, université de Charsadba, 21 morts
  20 janvier 2016, Afghanistan, Kaboul, au moins 7 morts
  20 janvier 2016, Somalie, Mogadiscio, au moins 19 morts
  22 janvier 2016, Egypte, Le Caire, 9 morts
  25 janvier 2016, Cameroun, Bodo, 29 morts
  26 janvier 2016, Syrie, Homs, au moins 24 morts
  27 janvier 2016, Nigéria, Chibok, au moins 13 morts
  27 janvier 2016, Egypte, Sinaï, 4 morts
  29 janvier 2016, Arabie Saoudite, Al-Ahsa, 4 morts
  29 janvier 2016, Nigéria, Gombi, 10 morts
  31 janvier 2016, Syrie, sud de Damas, au moins 70 morts
  31 janvier 2016, Tchad, région des Grands Lacs, 3 morts
  2 février 2016, Somalie, 1 mort
  6 février 2016, Pakistan, Quetta, 9 morts
  9 février 2016, Syrie, Damas, 9 morts
  9 février 2016, Nigéria, camp de Dikwa, 58 morts
  12 février 2016, Mali, Kidal et Tombouctou, 6 morts
  19 février 2016, Cameroun, Mémé, au moins 20 morts
  21 février 2016, Syrie, Damas et Homs, plus de 150 morts
  27 février 2016, Afghanistan, Asadabad et Kaboul, 25 morts
  29 février 2016, Somalie, Baidoa, 30 morts
  29 février 2016, Irak, Bagdad, au moins 40 morts
  4 mars 2016, Yémen, Aden, au moins 16 morts
  6 mars 2016, Irak, sud de Bagdad, au moins 47 morts
  7 mars 2016, Tunisie, Ben Guerdane, 18 morts
  13 mars 2016, Côte d’Ivoire, Grand Bassam, 18 morts
  16 mars 2016, Nigéria, Maiduguri, 25 morts
  19 mars 2016, Turquie, Istanbul, 4 morts
  22 mars 2016, Belgique, Bruxelles, 35 morts
  25 mars 2016, Yémen, Aden, au moins 22 morts
  25 mars 2016, Irak, au sud de Bagdad, au moins 30 morts
  27 mars 2016, Pakistan, Lahore, 72 morts
  2 avril 2016, Arabie Saoudite, Ryad, 1 mort
  19 avril 2016, Afghanistan, Kaboul, 64 morts
  7 juin 2016, Turquie, Istanbul, 11 morts
  9 juin 2016, Israël, Tel-Aviv, 4 morts
  12 juin 2016, Etats-Unis, Orlando, 49 morts
  13 juin 2016, France, Magnanville, 2 morts
  27 juin 2016, Liban, frontière est, 5 morts
  28 juin 2016, Turquie, Istanbul, 45 morts
  30 juin 2016, Cameroun, Djakan, une dizaine de morts
  2 juillet 2016, Bangladesh, Dacca, au moins 20 morts
  3 juillet 2016, Irak, Bagdad, 292 morts (certains disent 1000)
  4 juillet 2016, Arabie Saoudite, Médine, 4 morts
  5 juillet 2016, Syrie, Hassaké, au moins 16 morts
  14 juillet 2016, France, Nice, 85 morts

La liste n’est peut-être pas exhaustive. Il s’agit des attentats menés par des islamistes depuis le début 2016. Le nombre de morts est approximatif ; des blessés peuvent décéder après le décompte. Ne sont a priori pas comptés les terroristes décédés. Il faut ajouter des dizaines de centaines de blessés.

15/07/2016

Etre disciples selon l'évangile de Luc (16ème dimanche)


Avec la rencontre de Marthe et Marie s’achève le chapitre 10 de Luc. Un retour en arrière s’impose tant ce chapitre semble hétéroclite. Il y eu l’envoi des soixante-douze disciples et l’accueil plus ou moins bon qui leur est réservé ; il y eut l’exultation de Jésus, au cœur du dessein du Père de se faire connaître aux tout petits ; il y eut la parabole du bon samaritain et enfin le repas chez Marthe et Marie. Qu’est-ce qui unifie tous ces épisodes ? Quel rapport entre eux ? Pourquoi Luc les organise-t-il ainsi ?
Avec ce chapitre nous entrons dans la seconde partie de l’évangile. Le parcours de reconnaissance de Jésus par les Douze parvient à son terme. Pierre vient de le confesser « Messie de Dieu » (Lc 9, 20) et Jésus peut apparaître transfiguré, entouré de Moïse et Elie (28-36). C’en est fini de la Galilée. « Jésus prit avec courage la route de Jérusalem » (51).
S’ouvre alors la formation des disciples. Que signifie être disciples ? Maintenant que les disciples ont reconnu Jésus, il leur reste à se mettre à sa suite (Lc 9, 22-25), ou plutôt, reconnaître Jésus, c’est se mettre à sa suite.
Premièrement, les disciples sont envoyés deux par deux. La formation commence par la mission (on pourrait le rappeler aux évêques et aux formateurs de séminaire ; c’est bien ce que nous vivons avec les catéchistes et les chefs scouts). Les disciples ne travaillent ni seul ni à leur compte. Ils reçoivent une mission qu’ils accomplissent ensemble. Pas de vedette, toujours une équipe. Il n’existe pas de disciple qui soit isolé et n’ait reçu une mission.
Cette mission, deuxièmement, semble rejetée par ceux auxquels elle était initialement destinée. Jésus et ses disciples, prophètes du Père, seront aussi rejetés. Voilà qui provoque étonnamment un moment de joie pour Jésus. La connaissance de Dieu est désormais destinée à tous, à commencer par les plus petits. Comme annoncé au début de l’évangile, dans le Magnificat, le Seigneur élève les humbles. Combien de prophètes ont désiré voir ce jour !
Troisièmement, viennent deux récits, deux manières de poser la question de l’action du disciple, le légiste et la parabole du samaritain, le repas chez Marthe et Marie, deux hommes, deux femmes. La parabole du samaritain semble faire l’apologie du service ; Marthe et Marie, pour mieux faire celle de l’écoute de Jésus, semble relativiser ce même service !
L’observance des commandements est ainsi résumée : débrouille-toi à faire en sorte que tout homme puisse trouver en toi un prochain. Montrer de la bonté, voilà ce qu’il s’agit de faire pour vivre en disciples. Et pourtant, cette bonté, anonyme, qui semble sans référence à Dieu, que d’aucuns qualifieront de morale, humaine, humaniste, voire sécularisée, trouve sa source dans le fait de se poser, assis, aux pieds du Seigneur et de l’écouter.
Ecouter le Seigneur, assis, laissant tout, parce que c’est lui la source, pas nous ; pour que, accaparés par le service, nous ne le laissions pas seul au salon, pendant que nous nous réfugions, loin de lui, à la cuisine, sous prétexte de le servir. Il est des manières d’accueillir en sa maison, comme Marthe semble-t-il, qui sont tout sauf des accueils. Pourrait-on être disciples sans écouter le maître ?
Il arrive qu’à prétendre servir le Seigneur, on ne s’occupe pas une seconde de lui, voire on s’en protège, alors que d’autres, qui ne s’occupent pas du Seigneur (ou du moins il n’en paraît rien) se montrent prochain de tout homme, comme Jésus a lui-même fait. On pourrait dire que la mission ce ne sont pas des choses à faire, une Eglise à organiser, des liturgies à animer, mais le souci de ceux qui espèrent un prochain pour les relever. Le service du Seigneur n’est pas de faire tourner l’Eglise, mais le souci des frères, c’est-à-dire l’écoute de sa parole. N’est-ce pas ce qu’il a dit ? L’opus Dei réside bien dans l’écoute du Seigneur, c’est-à-dire dans le fait de se rendre prochain de tout homme.
Et si vous lisez la parabole de façon christologique (c’est Jésus le samaritain qui vient nous sauver, nous ressusciter), alors les deux sœurs continuent à nous inviter au lâcher-prise. N’est-ce pas cela, prendre sa croix, n’est-ce pas cela le chemin des disciples ? Prophétie de la gratuité, si difficilement audible en notre monde pour qui ne vaut que l’utile. Après avoir été relevé par le Seigneur, nous nous asseyons à ses pieds et nous l’écoutons dans le silence. C’est lui notre vie. Il n’y a rien à faire, seulement à se laisser mener, comme par l’amour. Cela n’est pas accessible à tous, même parmi nous. Il s’agit d’aimer Dieu ce qui est bien différent de croire qu’il y a un Dieu, une résurrection, une double nature du Christ et la sainte Trinité.
« Rien n’importe plus que de rencontrer Dieu, c’est-à-dire de tomber amoureux de lui » écrivait le père Arrupe. C’est la seule façon d’être en même temps sur la route qui fait de nous des prochains et d’être assis aux pieds du Seigneur pour l’écouter.

08/07/2016

Et la miséricorde ? (15ème dimanche)

500ème publication !

Jésus descend de la Jérusalem céleste jusqu’en nos Jéricho jamais vraiment converties, relève ceux que le mal et notre péché ont laissés moribonds aux fossés de la société. Nous sommes, nous, de ces moribonds, blessés, agonisants, sous le poids du mal, le nôtre ou celui dont nous sommes victimes.
Jésus, comme un étranger, né du Père avant tous les siècles, vient nous soigner, prendre soin de nous, nous sauver. C’est lui le samaritain qui se fait prochain de tous. Avec l’alcool de son vin il désinfecte la pourriture de nos vies et sociétés ; avec son huile, comme un baume, une pommade, il apaise nos douleurs.
Sa miséricorde est sans limite, décrite par Luc dans son extravagance. Il est pris aux tripes dit le texte. Il se détourne de son chemin, nous soigne, nous conduit à l’auberge sur sa propre monture, pendant que lui, forcément, marche à côté ; il paie l’aubergiste et s’engage à rembourser d’autres frais. Il ne regarde pas à la dépense et se dépense sans compter. « J’ai vu la misère de mon peuple » comme avait dit Dieu à Moïse.
La miséricorde du samaritain constitue un appel et une responsabilité à être « miséricordieux comme le Père ». Le chemin de la mission passe par là. C’est à l’amour que nous aurons pour tous, spécialement les plus amochés par la vie, que nous serons les témoins de notre Seigneur. Et comment annoncer ce Seigneur autrement qu’en étant ses témoins ?
Il y a cinquante ans, Paul VI concluait le concile Vatican II en faisant allusion à notre parabole. « La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l’a envahi tout entier. La découverte et l’étude des besoins humains (et ils sont d'autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand), a absorbé l’attention de notre Synode. »
Un des traits caractéristiques de l’Eglise vécu lors du Concile aura été ce regard miséricordieux. L’Eglise a sans doute condamné le mal et elle le doit encore. Dire non à tout ce qui tue et avilit. Ce faisant, elle est déjà du côté de ceux qui souffrent (sauf si elle ne fait que dénoncer ce qui s’attaquerait à ses propres intérêts).
Cinquante ans plus tard, en cette année de la miséricorde, François citait son prédécesseur. La miséricorde demeure la règle de conduite de l’Eglise, des chrétiens. Regarde avec le cœur, viens aux secours, et lorsque tu auras accueilli tous les damnés de l’histoire, alors il sera temps de juger, si cela est encore possible. On ne regarde pas les gens de la même manière quand on les connait comme un problème par les médias (migrants, violence, banlieues) ou quand on a cheminé avec eux, les écoutant, les soignant.
Le Concile, dit François, a ouvert une porte sur le monde, comme les portes de l’année sainte sont ouvertes à Bangui, capitale d’un pays saigné, à Rome, en chaque diocèse. « Partout où il y a une personne, l’Église est appelée à la rejoindre pour lui apporter la joie de l’évangile et pour apporter la miséricorde et le pardon de Dieu. Une poussée missionnaire, donc, qu’après ces décennies nous reprenons avec la même force et le même enthousiasme. » Ce pontificat et l’année sainte invitent à choisir la miséricorde comme clef d’interprétation et de vérification de l’annonce chrétienne, de la vie chrétienne.
Que me sert de confesser la résurrection de mon Seigneur, si je laisse crever à la mer des milliers de migrants, des frères ? Que me sert de confesser la double nature du Christ, si je continue à entretenir le racisme ordinaire et les discriminations de toutes sortes ? Que me sert de confesser la Trinité sainte, si je profite du système et lèse économiquement mes frères ? A quoi sert la morale de l’Eglise si mon Eglise refuse de manger avec les pécheurs et moi d’être le gardien de mon frère ? Que me sert d’affirmer la vérité si je préfère soutenir les prélats et dénonce les victimes de pédophilie qui, de leurs plaintes, blessent l’Eglise ?
« J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’une cymbale qui résonne. J’aurais beau avoir le don de prophétie, connaître tous les mystères et toute la science, avoir la foi jusqu’à transporter des montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. »
Pourquoi nous autres disciples de Jésus, en Eglise, paraissons-nous redécouvrir ce qui depuis le commencement est le sens de l’évangile ? Comment nous débouillons-nous pour tomber des nues jusqu’à trouver fort peu traditionnel ce Pape et sa miséricorde, qui refuse de juger les divorcés ou les homosexuels, pleure à Lampedusa et Lesbos, prend en charge les réfugiés, chrétiens ou non, alerte sur l’usage que nous faisons de la terre, notre maison commune, dénonce la finance et l’ultralibéralisme qui avilissent tant de nos frères pour que quelques uns, nous, soyons plus riches, etc. ? Même si le mot de miséricorde n’est pas dans le Credo, notre profession de foi ne raconte que cela en faisant mémoire du Dieu qui se manifeste « pour nous les hommes et pour notre salut ».