18/08/2021

Et tu ne réponds pas. Une théologie de la prière

 


La prière est réponse au don de Dieu, qui est Dieu lui-même. Dans le premier chapitre, cette affirmation n'est pas encore faite. Ce chapitre ne parle pas de la prière, mais rend la suite possible, notamment le chapitre deux où est établi que prier, c'est répondre à Dieu, c'est toujours répondre même lorsque l'on demande.

Le premier chapitre est sans doute le plus difficile, non seulement à cause de Rahner, non seulement parce qu'il est de méthode théologique, mais parce qu'il renverse les manières habituelles de voir. Je prétends que le texte biblique lui-même organise, comme une conversion, le passage d'une conception à une autre de Dieu, du don de Dieu.
Ce chapitre a deux clefs, les deux textes bibliques commentés, le sacrifice d'Abraham et les ouvriers de la dernière heure. C'est le renversement qu'opèrent ces textes qu'il faut arriver à éprouver. Effectivement, c'est une épreuve, comme le dit expressément le sacrifice d'Abraham.
J'essaie de permettre au lecteur la possibilité de cette épreuve, pour qu'il la réussisse, pour qu'il en sorte plus justement disciple. Ce n'est pas moi qui crée une épreuve, ce sont les textes. J'essaie juste de rendre l'épreuve accessible et d'indiquer comment en sortir vivant et croyant.

Mais alors si l'on répond à Dieu, à quoi sert de demander ? Pourquoi prier ? C'est ce à quoi s'attache le chapitre trois. La prière, c'est comme l'amour. Cela ne sert à rien au sens où cela n'est pas un moyen en vue d'une fin, un instrument en vue d'un but. C'est gratuit, c'est la grâce. De même qu'aimer rend et l'amour et l'aimé et l'amant désirables, toujours, de même prier, c'est exciter en nous le désir de Dieu. Ici, le maître, c'est Augustin.

Le problème, c'est qu'à aimer celui que nul n'a jamais vu, on risque de vivre dans l'illusion. Déjà dans l'amour les illusions sont nombreuses, alors, si c'est Dieu qui est aimé ! Lui, ne répond pas, et nous demeurons dans le silence, devant et avec lui, sans lui. Comme dit Thérèse de Jésus à propos de certaines religieuses, "j’en ai connu dont la tête et l’imagination sont si faibles qu’elles croient voir tout ce qu’elles pensent. C’est fort dangereux." (Demeures IV, 3, 14) Et il n'y a pas que les religieuses pour prendre leur désir pour la réalité ! Le chapitre quatre propose une critique de la prière, une sorte de renversement des idoles que l'on peut se fabriquer en pensant bien faire, en priant. Jean de la Croix, mais plus largement les auteurs dits "mystiques" sont ici les guides. Que la prière risque l'idolâtrie, jusque dans l'eucharistie, l'évangile l'indique lorsqu'il recommande de ne pas prier comme les païens.

Enfin, le dernier chapitre aurait dû être le premier, si du moins il était possible de tout dire en même temps. Comment répond-on à Dieu ? Comme Jésus, en répondant des frères. Il n'y a pas d'un côté la prière, dimension verticale, et de l'autre la charité, dimension horizontale, depuis que le Seigneur s'est identifié aux frères. "Ce que vous avez fait ou non aux plus petits qui sont les miens, c'est à moi que vous l'avez fait, ou non."

Errata

1.     Illustration de couverture, Orant de Cruas (Ardèche), chapiteau du 11ème siècle.

2.     Dans la liste des abréviations RTP, Revue de Théologie et de Philosophie

3.     p. 49, ligne 2 au savoir absolu.

4.     p. 68, deux citations différentes et non une seule en deux alinéas, il faut donc un espace entre les deux paragraphes

5.     p. 119 lignes 4 et 5 dimanches et fêtes

6.     p. 138 au renouvellement sans de l’amour.

7.     Dans ce même paragraphe, on aurait eu intérêt à n’utiliser qu’une seule fois le mot citation. On sera attentif, dans les lignes qui suivent, … qui ouvre la citation

8.     p. 144, note, déplacer une virgule. Avec la déclaration de Thérèse de Lisieux docteur de l’Eglise, en 1997,

9.     p. 149 deux citations différentes et non une seule en deux alinéas, même chose que p. 68

10.  p. 151 deux citations différentes et non une seule en deux alinéas, même chose que p. 68

11.  p. 152 Mais, dans un ouvrage qui se veut de conseil, il ne pourrait admettre dans un ouvrage qui se veut de conseil

06/08/2021

« Cherchez à imiter Dieu. » (19ème dimanche du temps)

« Cherchez à imiter Dieu. » L’auteur de la Lettre aux Ephésiens (4, 30-5, 2) n’a peur de rien. Comment ne pas rire de son conseil ? Le non-croyants hausseront les épaules devant la projection des vertus humaines dans le ciel ; imiter Dieu est une manière mythologique et naïve de sacraliser la grandeur d’âme. Les croyants seront arrêtés par le blasphème : qui donc pourrait imiter Dieu, vivre comme Dieu ? Mieux vaut rire du ridicule de la démesure.

Comme souvent, lorsqu’il s’agit de réagir, nous isolons un propos sans prendre le temps d’écouter la suite. « Cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés. » Bien-aimés, dans l’amour, il nous a aimés, trois fois le mot aimer, lorsqu’il s’agit d’expliciter ce que signifie imiter Dieu. On parle d’agapè, mot que le Nouveau Testament réserve pour désigner l’amour même de Dieu et partant, l’amour dont les disciples veulent vivre.

« Vivez dans l’amour » se dit avec le verbe peripateo, se promener, déambuler, souvent en échangeant avec les autres, depuis Aristote. Gare aux adeptes du fauteuil, aux cramponnés du conservatisme. Pour garder la foi de toujours, vivre et aimer, il faut marcher. Vivre dans l’amour est une marche, voire une simple promenade, rien de difficile, la vie comme une déambulation et une conversation fraternelle.

L’imitation de Dieu n’a rien à voir avec des exploits spirituels ou des tours de magie, l’arbitraire de la toute-puissance ou l’extrémisme de l’ascèse, de l’observance d’une loi et de rites. L’imitation de Dieu, c’est l’amour. Le plus prosaïque de l’amour, dans sa banalité et dans sa folie, banalité car quoi de plus ordinaire que l’amour, folie car l’amour en question n’est ni amitié ni désir mais charité.

On ne sait comment traduire agapè. La charité, dont Paul dit qu’elle est la plus grande, qu’elle ne passera jamais (1 Co 13), c’est le type de la relation que Dieu entretient avec nous, comme en lui-même. La charité, c’est Dieu même : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 8 et 16).

Le modèle de l’amour entre nous, c’est Dieu, non l’auguste immobile, mais le mouvement de vie, l’élan vital, tourné vers les autres, qu’il est lui-même. « Cherchez à imiter Dieu » signifie chercher à faire de nos vies un mouvement tourné vers les autres, mouvement de vie qui fait vivre, qui tire de l’indifférence comme d’un néant, et révèle chacun, digne d’être considéré, aimé.

Imiter Dieu est indistinctement, inextricablement, garder les yeux rivés sur Jésus, ne voir que lui, pour voir les frères comme il les voit, il s’est donné pour eux. Vivre, suivre le Christ n’est pas une affaire d’opinion, de conviction. C’est un mode d’être.

Imiter Dieu, aimer comme Dieu, ce n’est cependant pas exactement faire comme lui. Dieu n’a pas les yeux fixés sur lui-même ! Dieu aime, nous ne pouvons, du moins en ce qui le concerne, que nous laisser aimer. « Pour nous, aimer [Dieu], c’est nous laisser aimer » (R. Burrows). Nous ne savons jamais si nous l’aimons. Ce peut toujours être illusion. Nous savons si nous aimons les frères. Nous croyons que Dieu nous aime, nous nous abandonnons à cet amour pour dilater en nous ce qu’il est. C’est ainsi que nous cherchons à l’imiter. C’est ainsi que nous nous aimons les uns les autres comme il nous aime (Cf. Jn 13, 34).

Reste à savoir si nous avons envie de l’imiter, si, pour nous, être disciples, être chrétiens, être baptisés, c’est chercher ou non à l’imiter. Ce n’est peut-être pas seulement devant l’énormité de la Lettre aux Ephésiens que nous riions, mais pour ne pas en venir à l’extrême auquel nous engage le nom que nous portons.

« N’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance. […] Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés. »

03/08/2021

James Alison, La foi au-delà du ressentiment

J'ai attiré l'attention ailleurs sur le livre de James Alison qui vient d'être traduit en français.
Il me semble important de laisser une trace sur ce blog aussi.

L'échange disponible en ligne n'est pas forcément plus simple que le livre mais constitue une bonne introduction.

Vers la mn 33 James Alison dit :

"C'est un des avantages d'être gay. Cela m'a obligé à faire le deuil des "gloires" de l'Eglise avant [la crise du Covid et ce qu'elle met en évidence pour l'Eglise, la nécessité de tout ré-inventer]. Ceux qui n'ont pas pu trouver Dieu dans la maison avant ont dû commencer à faire quelque chose avant. Mais maintenant, pour nous tous, nous sommes tous orphelins de l'Eglise dont on imaginait faire partie, et nous nous rendons tous compte que c'est tout à recréer, le sens de l'eucharistie, des ministères, de l'évangile, de la prédication, etc. Cela nous incombe, c'est notre responsabilité ; cela veut dire que nous savons que les vieilles recettes, règles, cela ne fonctionne pas bien. De quoi sommes nous capables, surtout sans ressentiment, sans entrer dans des discussions stériles pour ou contre la hiérarchie, pour ou contre l'institution. Il y aura toujours de l'institution, quelque type d'institution. Orphelins de l'Eglise, non du Père. Au contraire, on est en train de naître et renaître comme fils et filles, dans cette situation. C'est un moment très intéressant, mais aussi de grande responsabilité."

C'est sans doute un peu vite dit, surtout si l'on pense que le système est tenu par une majorité de gays. Ce que dit Alison ne fait sens que pour ceux qui ne vivent pas dans le ressentiment face à ce qu'ils sont., la haine d'eux-mêmes, de leur sexualité, et le nécessaire mensonge voire double vie qui en découle.
 
"De tous les mensonges, il n'y en a pas de plus terrible et de plus totalement destructeur de l'être que celui qui nous a dit que nous ne pouvons pas aimer. Que notre amour est maladif, perverti et peut blesser ou dégrader ceux qui en seraient les objets." p. 203