26/01/2013

"Vous êtes le corps du Christ" (1 Co 12, 27 / 3ème dimanche du temps)


Notre seconde lecture (1 Co 12, 12-30) développe une invention paulinienne, parler de l’Eglise comme d’un corps. Certes, il existe dans l’Antiquité des textes qui utilisent cette métaphore. On parle encore aujourd’hui de corps social, de la société comme un corps. La nouveauté paulinienne est de trois ordres.
Premièrement la comparaison tourne à l’avantage des membres les moins nobles pour lesquels on se doit d’avoir plus d’égard. Les textes que Paul pouvait connaître vont dans le sens inverse. La métaphore du corps encourage les plus modestes, ouvriers, paysans, ceux qui par leur travail font tourner la cité, à se mettre au service de ceux qui la gouvernent ou la représentent. Ici, c’est l’inverse : Dieu a organisé le corps de telle façon qu'on porte plus de respect à ce qui en est le plus dépourvu 
Deuxièmement, la comparaison fait de cet ensemble de personnes le corps d’un dieu. C’est absolument impensable en judaïsme ; Dieu ne peut avoir de corps. Et dans le paganisme, ce serait plutôt le cosmos qui serait le corps de la divinité. Faire de ce groupe d’hommes et de femmes, assez peu originaires des élites tant sociales que religieuses, le corps du dieu, est d’une audace que seule l’incarnation rend pensable. Comment le dieu pourrait-il avoir un corps ?
Troisièmement, il faut remarquer le rapport entre deux acceptions de ce mot corps, au chapitre 10 et 11 et dans notre chapitre 12. En effet, aux chapitres précédents, le corps du Christ c’est l’eucharistie : le pain que nous rompons n’est-il pas communion au corps du Christ ? (10,16). Le passage de l’eucharistie à l’Eglise de la même expression mériterait de longs développements.
D’ores et déjà, avec ces trois points ‑ retournement de la métaphore sociale en faveur des plus faibles, désignation du corps du dieu et lien entre Eglise et eucharistie ‑ nous percevons l’originalité et la nouveauté du propos paulinien.
Quelques années après la mort de Paul, celui ou ceux qui rédigent les lettres aux éphésiens et aux colossiens reprennent cette thématique du corps, mais la modifient en parlant de la tête de ce corps que nous sommes, le Christ. Le corps n’est plus comme en Corinthiens un organisme de membres divers, inégaux mêmes, mais organisé de façon assez autonome. Désormais, son principe d’organisation est affirmé, c’est sa tête, le Christ. En Ephésiens et Colossiens, la tête bien qu’unie au corps, n’est plus un membre parmi d’autres, elle n’est plus tout à fait du corps, ou du moins elle n’est pas comme le reste des membres.
En Corinthiens comme en Ephésiens, la métaphore du corps comprend un développement sur les ministères, les services dans le corps. Les deux fois, l’Esprit anime ce corps pour en faire un être vivant. Dans notre lettre, l’Esprit est à l’origine de la diversité des membres, donnant à chacun une unité, la sienne, plus grande que toutes les différences, donnant son unité par l’invention des différences.
Voilà assez de repérages pour tirer quelques leçons.
Dans l’épître de ce jour, la hiérarchie dans le corps réside dans la seule logique évangélique : il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. Dans l’Eglise, il n’y a pas d’autres principes d’unité que l’Esprit qui donne dans la diversité, par elle, ce qu’il faut au corps pour vivre et la règle de vie est celle de l’exaltation des plus petits. Utopie évangélique qui ne résiste sans doute guère à la tentation du pouvoir. Quelle société pourrait s’organiser en ayant qu’un seul but, la reconnaissance des plus méprisés ? L’ecclésiologie que nous venons d’entendre a la bonne odeur de la nouveauté enthousiasmante. Elle se cassera les dents sur la dure réalité de la soif du pouvoir et la propension à faire clan, à se retrouver entre soi, comme si les élites sociales qui partagent le corps du Christ n’avaient rien à voir avec les pauvres et les immigrés, les plus défavorisés financièrement et culturellement qui partagent aussi ce même corps.
Alors, l’Esprit se retira avec sa liberté vivifiante pour une hiérarchie plus visible, celle qui dépend de la tête, le Christ lui-même. Jusque là, rien à dire. Encore que la modification de la métaphore en bouleverse le sens, fait disparaître la règle de vie, le service des plus petits. Plus encore, les ministères deviennent directement don de la tête en vue de l’édification du corps. De là à penser que les ministres sont les lieutenants de la tête, qu’ils tiennent une autorité de la tête que les autres n’ont pas, qu’ils ont ainsi un droit sur le reste du corps, il n’y a qu’un pas.
Mais ce n’est pas la lecture de ce jour. Contentons nous t’entendre ce que la comparaison avec d’autres textes nous a permis de mieux comprendre. L’Eglise est le corps du Christ ; ce corps tient son souffle de vie de l’Esprit qui se donne dans et par la diversité ; la règle de vie entre les différents membres réside dans le renversement évangélique, la subversion absolue du pouvoir : il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. Dieu a organisé le corps de telle façon qu'on porte plus de respect à ce qui en est le plus dépourvu.

23/01/2013

L'Eglise devrait-elle se taire ?

Le débat à propos du "mariage pour tous", si du moins l'on peut parler de débat plutôt que de prises de positions diverses qui ne s'écoutent guère, de cacophonie, utilise des arguments qui n'ont rien à voir avec le dit mariage mais qui concernent le droit ou non des religions à s'exprimer dans l'espace public.
Dernièrement, une lettre ouverte au Grand Rabbin de France, que je trouve assez bien faite, répond au texte publié par Gilles Bernheim. L'auteur regrette que le Grand Rabbin ne se soit pas exprimé en des termes comme ceux-ci :« Nous, Juifs orthodoxes, avons notre opinion sur la question mais nous avons perdu la très vilaine (et très monothéiste) habitude monothéiste d’empiéter sur la sphère publique et nous ne voulons pas imposer notre vision traditionnelle de la famille à l’ensemble de la société civile. »

Est-ce à dire que les religions n'auraient pas à intervenir dans la République ? La position étonne de la part de ceux qui revendiquent l'appartenance à une religion. Elle correspond en effet à l'intransigeance la plus grande d'un laïcisme étroit, non respectueux de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat. Car si l'Etat ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte, ainsi que le dit la loi, il doit garantir la liberté religieuse qui est aussi liberté d'expression dans l'espace public. Le Grand Rabbin comme un évêque, ou n'importe quel croyant doit pouvoir parler dans la cité au nom de sa foi.

D'ailleurs, personne, ou presque, ne le conteste lorsqu'il s'agit de défendre l'immigré, le pauvre, la justice. Que le Pape défende les droits de l'homme, que l'Eglise s'engage comme Eglise pour la solidarité, qu'on soit d'accord ou non, on a du mal à leur lui reprocher. Les derniers propos de Benoît XVI contre le libéralisme ont été fort peu relayés. Soit parce qu'on n'allait tout de même pas dire, journaliste, qu'on était d'accord avec le Pape, soit parce que, catho de droite, on n’allait tout de même pas dire qu'on était en désaccord avec le Pape.
Ainsi donc, ce n'est pas parce que les religions prennent la parole que l'on s'oppose à leur discours. Ce serait de l'intolérance, celle-là même qu'on leur reproche.

Je me permets de recopier ci-dessous un extrait du Message de Benoît XVI à l’occasion de la journée mondiale pour la paix (1er janvier 2013). Ce qui précède concerne les questions de morale sexuelle et familiale, de bio-éthique, d’avortement et d’euthanasie. Ce que je cite, si l’on ne sait pas qu’il s’agit d’un texte du Pape, à part une ou deux références à Dieu, on pourrait le mettre sur la bouche d’un syndicaliste de gauche, voire d’un bon discours anti-capitaliste !

Une question : Les 340 000 manifestants du 13 janvier, ou les 800 000 voire un million de manifestants, sont-ils descendus dans la rue une fois dans leur vie pour les lignes qui suivent ? Si, comme ils le disent, le « mariage pour tous » ne concernent que peu de monde, n’y a-t-il pas urgence à descendre dans la rue pour des questions de morale sociale et politique qui touchent des milliards de personnes, en France comme dans le reste du monde ?

Les religions ont droit à la parole dans l’espace public, à condition qu’elles respectent les règles du débat public, à condition aussi que la République garantisse qu’un tel débat puisse avoir lieu. Le conflit des interprétations est non seulement légitime, mais il est le lot d’une société mondialisé, pluraliste. Ce conflit des interprétations doit même être défendu si l’on ne veut pas que Coca-Cola et compagnie, la pseudo culture que nous imposent les puissants, ne s’impose et ne nous détruise.
La bénédiction de Babel, le fait que Dieu oblige à ce que l’on parle plusieurs langues, est l’expression du refus du totalitarisme, où pas une tête ne dépasse, ou tout le monde parle la même langue, celle des intérêts des puissants. On boit du coca partout dans le monde et l’oncle Sam encaisse les bénéfices. On écoute la même musique partout dans le monde, on regarde le même foot dans le monde, et les pauvres continuent à engraisser les riches.

L’artisan de paix doit aussi avoir conscience que de plus en plus de secteurs de l’opinion publique sont touchés par les idéologies du libéralisme radical et de la technocratie qui leur instillent la conviction selon laquelle la croissance économique est à obtenir aussi au prix de l’érosion de la fonction sociale de l’État et des réseaux de solidarité de la société civile, ainsi que des droits et des devoirs sociaux. Or, il faut considérer que ces droits et devoirs sont fondamentaux pour la pleine réalisation des autres, à commencer par les droits et les devoirs civiques et politiques.
Parmi les droits et les devoirs sociaux aujourd’hui les plus menacés, il y a le droit au travail. Cela est dû au fait que le travail et la juste reconnaissance du statut juridique des travailleurs sont de moins en moins correctement valorisés, parce que le développement économique dépendrait surtout de la pleine liberté des marchés. Le travail est appréhendé comme une variable dépendant des mécanismes économiques et financiers. À ce sujet, je répète ici que la dignité de l’homme, ainsi que la logique économique, sociale et politique, exigent que l’on continue à « se donner comme objectif prioritaire l’accès au travail ou son maintien, pour tous »[4]. La réalisation de cet objectif ambitieux a pour condition une appréhension renouvelée du travail, fondée sur des principes éthiques et des valeurs spirituelles de nature à renforcer sa conception en tant que bien fondamental pour la personne, la famille, la société. À ce bien correspondent un devoir et un droit qui exigent des politiques courageuses et novatrices en faveur du travail pour tous.
Construire le bien de la paix par un nouveau modèle de développement et d’économie
5. De plusieurs côtés, il est reconnu qu’aujourd’hui un nouveau modèle de développement comme aussi un nouveau regard sur l’économie s’avèrent nécessaires. Aussi bien le développement intégral, solidaire et durable, que le bien commun, exigent une échelle correcte de “biens-valeurs”, qu’il est possible de structurer en ayant Dieu comme référence ultime. Il ne suffit pas d’avoir à disposition de nombreux moyens et de nombreuses opportunités de choix, même appréciables. Autant les multiples biens efficaces pour le développement, que les opportunités de choix doivent être utilisés dans la perspective d’une vie bonne, d’une conduite droite qui reconnaisse le primat de la dimension spirituelle et l’appel à la réalisation du bien commun. Dans le cas contraire, ils perdent leur juste valeur, finissant par s’ériger en nouvelles idoles.
Pour sortir de la crise financière et économique actuelle – qui a pour effet une croissance des inégalités – il faut des personnes, des groupes, des institutions qui promeuvent la vie en favorisant la créativité humaine pour tirer, même de la crise, l’occasion d’un discernement et d’un nouveau modèle économique. Le modèle prévalant des dernières décennies postulait la recherche de la maximalisation du profit et de la consommation, dans une optique individualiste et égoïste, tendant à évaluer les personnes seulement par leur capacité à répondre aux exigences de la compétitivité. Au contraire, dans une autre perspective, le succès véritable et durable s’obtient par le don de soi, de ses propres capacités intellectuelles, de son esprit d’initiative, parce que le développement économique vivable, c’est-à-dire authentiquement humain, a besoin du principe de gratuité comme expression de fraternité et de la logique du don[5]. Concrètement, dans l’activité économique, l’artisan de paix se présente comme celui qui instaure avec ses collaborateurs et ses collègues, avec les commanditaires et les usagers, des relations de loyauté et de réciprocité. Il exerce l’activité économique pour le bien commun, vit son engagement comme quelque chose qui va au-delà de son intérêt propre, au bénéfice des générations présentes et futures. Et ainsi, il travaille non seulement pour lui, mais aussi pour donner aux autres un avenir et un travail décent.
Dans le domaine économique, il est demandé, spécialement de la part des États, des politiques de développement industriel et agricole qui aient le souci du progrès social et de l’universalisation d’un État de droit, démocratique. Ensuite, la structuration éthique des marchés monétaires, financiers et commerciaux est fondamentale et incontournable; ceux-ci seront stabilisés et le plus possible coordonnés et contrôlés, de façon à ne pas nuire aux plus pauvres. La sollicitude des nombreux artisans de paix doit en outre se mettre – avec plus de résolution par rapport à ce qui s’est fait jusqu’à aujourd’hui – à considérer la crise alimentaire, bien plus grave que la crise financière. Le thème de la sécurité des approvisionnements alimentaires en est venu à être central dans l’agenda politique international, à cause de crises connexes, entre autre, aux fluctuations soudaines des prix des matières premières agricoles, aux comportements irresponsables de certains agents économiques et à un contrôle insuffisant de la part des gouvernements et de la communauté internationale. Pour faire face à cette crise, les artisans de paix sont appelés à œuvrer ensemble en esprit de solidarité, du niveau local au niveau international, avec pour objectif de mettre les agriculteurs, en particulier dans les petites réalités rurales, en condition de pouvoir exercer leur activité de façon digne et durable, d’un point de vue social, environnemental et économique.

12/01/2013

Je crois en Dieu... qui n'existe pas


« Quand nous allons en Dieu par le chemin de la remontée, nous nions d'abord en lui ce qui est corporel ; puis même les représentations intellectuelles, ainsi qu'on en trouve dans la créature, comme la bonté et la sagesse. Ainsi ne reste à l'esprit que le fait que Dieu existe, et rien de plus. On est alors comme dans une certaine confusion. Finalement, même ce fait d'exister, ainsi qu'existent les choses dans la création, nous y renonçons. Du coup, on reste comme dans les ténèbres de l'ignorance. Cette ignorance, qui convient bien à celui qui est en chemin, nous unit au mieux à Dieu. C'est elle qui est cette espèce d'opacité dans laquelle Dieu est dit habiter. »
St Thomas d'Aquin, Commentaire des Sentences 1a, VIII, 1 (vers 1254-1256).

Si je paraphrase, il faut dire que Dieu n'existe pas (au sens où nous disons que les choses et les personnes existent) pour s'approcher, dans une sorte de nuit du savoir, du lieu que Dieu habite. Il faut même dire que Dieu n'est pas pour s'approcher de celui qui demeure inconnaissable. C'est ce que dit le croyant. Il se dépossède de tout ce qu'il sait sur Dieu, purifiant son savoir en en ôtant toute détermination toujours imaginaire, d'où qu'elles viennent, de notre connaissance du monde, de l'enseignement des Ecritures ou de l'Eglise. Tout cela, aussi important que ce soit, finit par faire obstacle sur le chemin vers Dieu.
Doit-on ajouter que ce que l'on sait de Dieu, de meilleur, de l'enseignement de l'Eglise, ne fait pas obstacle que pour ceux qui ne sont pas, ou plus, en route ?

05/01/2013

Tout dans ces lignes parle d’autre chose que ce qui y est raconté. (Epiphanie 2013)


Cela se passe quatre ans avant l’an zéro, dans un coin perdu de l’actuelle Palestine. La tradition dit que c’est à Bethléem, mais les motivations théologiques de la localisation sont si importantes, que rien ne la garantit historiquement. Jamais, on ne l’a appelé autrement que le Nazaréen, et s’il est né dans la cité de David, aucun de ceux qui le rencontrent lors de son ministère public ne semble le savoir. De Nazareth, peut-il sortir quelque chose, s’écrit Nathanaël, un rien méprisant, n’imaginant pas cinq secondes que Jésus puisse venir d’ailleurs.
Bethléem indique la filiation davidique et insère Jésus dans l’histoire de la promesse. La descendance du roi pasteur n’est pas hiérosolomytaine, comme si le siège du pouvoir ne convenait pour la venue au monde de Jésus. Elle fera plutôt le cadre idéal de son arrestation, de son procès et de son exécution. Il y a du Platon là dedans, à voir une sorte d’opposition congénitale entre la vérité et le pouvoir. Les pâturages de Judée, sans prétention, où le dernier fils de Jessé prenait soin de quelques bêtes, conviennent mieux à celui qui bat la campagne à la recherche de la brebis perdu, n’ayant  pas où poser la tête.
Né avant sa naissance, dans une ville où il n’a peut-être jamais mis les pieds, en voilà assez pour que la pertinence historique de la visite des mages (Mt 2, 1-12) et des évangiles de l’enfance en général soit remise en cause. Tout dans ces lignes parle d’autre chose que ce qui y est raconté.
Pas de crèche à Bethléem, pas de mages venus d’Orient, et encore moins de rois, pas d’or, ni d’encens ni de myrrhe, pas d’entretien diplomatique entre le roi Hérode et ces notables exotiques. En revanche, le cœur de la foi, le sens de la vie, l’universalité de l’expérience humaine concentrées en quelques lignes comme lorsque la terre habitée, même au-delà des frontières connues, à travers des rois de toutes les couleurs, se retrouve dans un tout petit espace, juste à l’aplomb d’une étoile.
Depuis le matin du monde, depuis les limites où le soleil pointe, à l’Orient, les hommes se lèvent, se mettent en route et cherchent, courant derrière tout ce qui les intrigue, une étoile qui s’allume. Cela ne se voit pas tant que cela une nouvelle étoile. Il faut être de la partie ou vraiment attentif. Et si c’était ainsi, notre humanité, dans sa diversité, dans sa fraternité, à trois, dans sa dignité, royale : être attentif, chercher à comprendre, être mu par sa quête, par la soif de connaître.
La connaissance, c’est impossible seul. Il faut aller chercher la science des autres. Il faut aller à l’étranger pour connaître. Peut-être même faut-il rencontrer les Juifs, le peuple de l’alliance, signe de la bénédiction de Dieu pour les nations. Il faut sortir de soi, de chez soi, comme Abraham d’Ur en Chaldée, comme ces mages, venus de si loin, venus de partout. Et la science des astres n’est pas ce qui importe, aussi intéressante soit-elle. La science, aussi passionnante soit-elle, aussi consistante soit-elle, mène à autre chose. Encore faut-il le voir, savoir le voir.
Ils sont venus derrière une étoile, adorer un roi ; un enfant les attend qui ouvre ses bras au monde entier. Où nous mène notre science, comment ouvrir nos yeux à ce que nous cherchons sans même savoir que nous cherchons toujours autre chose ? La joie de comprendre, le plaisir de se mesurer aux possibilités de la raison, la force de faire avancer les techniques, de soulager les misères, tout cela, aussi parfait que ce soit, mène pourtant à autre chose. Adorer le roi peut-être la course après la gloire. Mais un enfant les attend. Il ouvre ses bras au monde entier.
Il recueille l’or, puisqu’il est roi, l’encens, puisqu’il est Dieu, la myrrhe, pour l’embaumement de son corps, puisqu’il est homme et mourra. Profession de foi de ces mages, ou plutôt de l’évangéliste, ou plutôt, cryptée, identité de celui qui habite sous une étoile. C’est après tout aussi curieux d’habiter sous une étoile que d’être roi, homme et Dieu. Il vaudrait mieux dire qu’il est lui-même l’étoile, la lumière levée en Orient, l’astre d’en-haut venu nous visiter.
Et quand vous l’avez croisé, quand vous vous êtes laissé accueillir par ces bras tendus, vous ne pouvez plus revenir en arrière. Vous empruntez un autre chemin. Celui d’entre nous qui rentrera chez lui comme avant n’aura rien vu, c’est sûr.





La multiplicité des nations et des cultures tisse la tunique multicolore de l’Eglise. Que le sang des guerres ne vienne pas la maculer. Que les mites des vieux placards ne viennent pas la dévorer. Que le pluralisme dans la rencontre soit sa fierté.

La multiplicité des nations et des cultures sont la chair de notre monde, de notre humanité. Que la mondialisation ne soit pas l’occasion d’opprimer encore un peu plus les plus pauvres.

Notre communauté est aussi composée de nationalités et de cultures différentes. Que nous choisissions l’opportunité d’un voyage sédentaire, d’une simple rencontre ici, á Madrid, á la découverte d’autres cieux dont nous ne soupçonnons souvent pas même la beauté.