11/04/2015

L'Eglise, le cri des pauvres et la paternité de Dieu (2ème dim. de Pâques)


La première communauté chrétienne nous est présentée dans l’extrait que nous venons de lire (Ac 4, 32-35) comme un paradis, une communauté idyllique, pacifiée, où règne le partage et l’amour. Le découpage liturgique nous fait rêver ; Jamais semblable communauté n’a existé, pas même dans le livre des Actes des Apôtres. Immédiatement après ces versets qui lui servent d’introduction, nous est raconté l’épisode d’Ananie et Saphire.
Mari et femme, ils vendent un champ et en donnent le revenu aux apôtres. Enfin pas tout à fait ; ils en gardent une partie pour eux. Lorsqu’ils se présentent tour à tour devant la communauté, chaque fois Pierre met à jour leur manœuvre et sur le champ, ils meurent.
Pourquoi occulter cet épisode qui fait déjà nettement moins rêver ? On ne va tout de même pas raconter les vilenies de l’Eglise. On ne va tout de même pas dire que quatre chapitres après le début du livre des Actes, après le début du récit de la vie de l’Eglise, déjà la communauté est ébranlée, traumatisée par la trahison de certains des siens. Que devient la sainteté de l’Eglise si, dès l’origine, l’Eglise est marquée par le péché, si son péché originel est précisément une affaire d’argent, et plus grave encore, une tricherie sur la communauté ? On fait croire qu’on est tous frères, qu’on partage, et il n’en est rien, pire on en tire profit.
Le plus ancien texte chrétien que nous possédions, la première lettre aux Corinthiens rapporte les inégalités au cœur même du repas eucharistique, quand les riches s’en mettent plein la lampe, plus ou moins éméchés, et que les pauvres regardent sans rien avoir à se mettre sous la dent.
C’est que l’évangile de Jésus, l’évangile qui donne Dieu pour Père à tous les hommes, l’évangile de la fraternité, donc, personne n’en veut, pas même nous. L’évangile est renversement absolu de toutes les inégalités. On arrête de se retrouver entre soi, du même milieu, au pouvoir d’achat comparable. Le patron ne part pas avec trois millions quand l’entreprise licencie mille six cents personnes, le gouvernement ne limite pas les pouvoirs de la juridiction prudhommale, nous ne sortons pas du supermarché le caddie plein lorsque d’autres sollicitent un peu d’un superflu qui leur serait tellement nécessaire.
Nous ne voyons même pas les richesses, nous pensons seulement que la richesse est à créer, et qu’alors, on pourra partager. Faut-il être aveugle pour ne pas voir les richesses matérielles et économiques du monde ? Ceux qui émigrent vers l’Europe les ont vues, eux !
Oh, je n’ai pas de solution. Il faudrait que je commence par partager et que, sans doute moins que beaucoup ici, je n’en ai l’intention. Mais voilà. Si Jésus est le ressuscité, si son Dieu est notre Père, la fraternité humaine est un impératif. A ne pas être frères, à ne pas partager, nous rendons vaine la résurrection de Jésus, nous faisons de Dieu un menteur, juste un géniteur capable d’engrosser l’humanité, mais qui n’a rien à faire des rejetons !
Comme ces propos sont durs à entendre ! Serons-nous encore chrétiens dans deux minutes à la fin de cette homélie ? L’avons-nous jamais été ? François d’Assise, époux de Dame pauvreté, au milieu de tous les parias de nos sociétés et de notre humanité, François d’Assise que nous vénérons comme l’un des plus grands saints, pourrait être notre juge.
Les mendiants dans les rues de nos villes sont le cri de la fraternité bafouée, foulée aux pieds, le cri du sans d’Abel. Qu’au moins, nous ne nous bouchions pas les oreilles, en habitant des réserves de riches. Qu’au moins, nous ne justifions pas notre train de vie par nos efforts, le prix de notre travail. Qu’au moins, nous ne rendions pas les pauvres responsables de leur sort, comme s’ils s’y complaisaient, oisifs et trop heureux de compter sur les autres. Qu’au moins on ne les soupçonne pas, comme c’est si régulièrement le cas, d’abuser des aides sociales, de les détourner. Les abus de biens sociaux et la corruption, en nombre et en volume, sont d’abord le fait des riches.
Si nous regardons notre Eglise, non pas idéalisée, mais telle qu’elle est, nous entendrons l’appel à nous convertir, à vivre de sa sainteté, à cesser de la maculer de notre ignorance des frères. Si l’Eglise témoigne du renversement radical de l’évangile, si l’évangile n’est pas empêché par elle de renverser le monde, sans doute, quelques uns d’entre nous, ne voulant rien perdre ni partager, nous quitteront. Nous sommes tous, comme Ananie et Saphire sur le point de mourir de notre trahison. Nous disons aimer Dieu et ignorons le frère.
Mais notre Eglise, notre communauté, lorsqu’elles vivent le partage ‑ ainsi de notre collecte de carême, du Denier de l’Eglise, du travail de tant d’organisations caritatives, de notre générosité personnelle – rendent l’évangile crédible. C’est à l’amour que nous avons les uns pour les autres que nous sommes reconnus comme disciples. Notre désir d’une humanité fraternelle est notre confession de foi la plus juste. Nous vivons en frères ainsi croyons nous en un seul Dieu, Père de tous et amis des hommes.

07/04/2015

Entre dénonciation nauséabonde de cathophobie et silence complice

On m'a fait connaître un article de Blog qui refuse, à juste titre ce me semble, la récupération des assassinats au Kenya et au Moyen Orient au profit de la dénonciation d'une soi-disant cathophobie.

Quelques réflexions que cela me suggère.

Je partage le sentiment de réserve, de malaise, de l'auteur de ce post devant la récupération par certains cathos de l’affaire RATP et du drame Kenyan. Comme toute récupération elle est nauséabonde, parce qu’elle instrumentalise un événement au profit d’un autre, en l’espèce le mort d’innocents au profit d’une lute politique.

Mais…
Mais le Cardinal Barbarin, qui n’est pas du genre tendre ni indulgent envers l’actuel gouvernement, a rendu hommage à la France pour son action en faveurs des chrétiens du Moyen Orient. (Le titre du post dit le contraire de son contenu)
Mais il faut bien se lever contre la violence, et si l’on ne sait pas recommencer le 11 janvier, il faut trouver autre chose. Il n’y a pas eu assez, de mon point de vue, de dénonciation de l’assassinat des vingt et un coptes décapités en Libye le 15 février ni de celui des habitants du Yémen, cent quarante deux musulmans, dans trois mosquées Sanaa.  
J’ai peur, depuis les 7-9 janvier, d’oublier encore du monde, même en ajoutant les victimes du Bardo.
De façon peu diffusée, on apprend, mais je ne sais vérifier ces informations, même si je ne les ai pas puisées n’importe où, que Daesh s’oppose aux Talibans en Afghanistan, que les musulmans sont les premières victimes de Daesh. « La porte-parole du Département d'Etat américain, Jane Bsaki, a indiqué que "Daesh cible les minorités religieuses ce qui est une preuve supplémentaire de la brutalité inhumaine sur tous ceux qui violent ses objectifs et ses croyances toxiques" Elle a ajouté que "cette organisation terroriste continue à étendre son mal sur des innocents de toutes les sectes dont la majorité des victimes sont des musulmans". » C’était fin mars. (Voir par exemple ici)

Alors, on fait quoi ?
J’ai partagé des photos des cadavres jonchant le sol au Kenya. J’ai cherché comment dire une solidarité, si difficile pour n’être pas seulement virtuelle. Fallait-il émouvoir ? Avoir son lot de martyrs ? C’est plutôt comme après un décès. Je vais m’incliner devant la dépouille du défunt. Dans la maison de personnes âgées que je visite, je rends cet hommage chaque fois que je le peux. Pour ne pas cacher cette mort que nous ne saurions voir, pour saluer ce qui reste d’un frère ou une sœur en humanité. Dans ce salut (salutare), il y a déjà du salut (salvare).

Il y a par ailleurs, et l’amalgame est insupportable, mais guère évitable à cause de l’affaire RATP, la question de la laïcité en France, qui est voulue par certains de plus en plus comme un refus des religions. Je prends un exemple qui a été peu relayé, celui de l’annulation de la visite duPremier Ministre à la Catho de Paris et un autre qui l’a été un peu plus à propos des associations de centres devacances et de loisirs confessionnels. On pourra aussi parler du discours de Sarkozy à propos du porc dans les cantines et de son revirement en matière de « laïcité ouverte », de l’obligation d’ôter sa Kippa pour voter, de l’interdiction du port du voile en fac ou dans les sorties scolaires, etc., etc.

La loi de 1905 n’est pas ce boycott du religieux. Le refus du religieux dans la société, espace public compris, est même contraire à l’article 18 de la déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948.

04/04/2015

Divins par vocation (Réssurection)


Je crois qu’il y a la résurrection de la chair. Telle est la foi que nous professons. Contrairement aux apparences, ce n’est pas tant que la chair ressuscite qui fait problème, mais la résurrection. En effet, on aura vite fait comprendre que la chair, ce n’est pas la viande avec les atomes ou les cellules, mais l’homme tout entier. Que serait un homme sans corps ? On ne le reconnaîtrait pas, il ne serait plus lui-même, homme ou femme.
Le vieil Aristote enseignant qu’il n’y avait rien dans l’esprit qui n’ait été connu par les sens. Nos manières de percevoir le monde, de l’habiter, de nous y mouvoir nous constituent. C’est tout lui, ça ! dit-on de l’attitude, la réaction, le geste de quelqu'un.
Si donc nous ressuscitons, c’est avec cette chair, celle qui souffre et jouit, celle qui s’est épanouie et qui peu à peu se flétrit, celle dont nous aimons encore deviner la présence sur le corps de celui qui vient de mourir. Mais le cadavre déjà ne lui ressemble plus, avec cette peau figée et cireuse ; ce n’est plus lui, seulement sa dépouille, ce à quoi on l’a ravi.
Quand nous professons la résurrection de la chair, nous disons que c’est l’homme tout entier qui vit auprès de Dieu, et non seulement son âme. L’immortalité de l’âme à laquelle les Grecs croyaient ne dit pas le respect envers le corps, celui que nous portons envers les malades, exacerbé dans le culte du corps. Non, l’homme et la femme, ce n'est pas que leur intelligence, immatérielle, c’est aussi leur sensibilité charnelle. Et cela aussi ressuscite.
Mais justement, qu’est-ce que cette résurrection ? Une nouvelle vie ? La même, transformée et continuée ? Une vie après la mort ? Tout cela est trop étroit pour être juste.
La résurrection, c’est la vie avec Dieu. Ce n’est donc pas après la mort puisqu’elle est déjà commencée, sans quoi nous ne serions pas là en ce moment. Si elle est aussi après la mort, c’est parce que l’on ne voit pas comment, ayant choisi Dieu pour ami, ainsi que le dit Thérèse de Jésus, il ne nous le rendrait pas.
Nous ne savons rien de la vie après la mort. Ce que nous pouvons un peu deviner, c’est ce que signifie, ici et maintenant, une vie avec Dieu, une vie réconciliée avec les frères. Si l’amitié avec Dieu connaissait une fin, Dieu lui-même serait fini, mortel, Dieu ne serait pas Dieu. Mais s’il est celui en qui nous avons mis notre confiance, alors, la mort n’est plus destruction, disparition. Vivants avec Dieu, s’il est Dieu, nous ne pouvons pas être détruits.
Mais avec ces mots, nous en disons trop peu : la résurrection, c’est la vie avec Dieu. Il faut dire, la résurrection, c’est la vie de Dieu. La résurrection, c’est Dieu. Ainsi Jésus dit-il à Marthe : « Je suis la résurrection et la vie, qui croit en moi, même s’il meurt vivra. »
La résurrection, c’est notre transformation en Dieu. Nous ne serons pas dans un paradis charmant, jardin de délices, orient d’une vie sans rature. Nous serons Dieu, unis à lui qui se donne à nous, divinisés. Notre humanité est la sienne et sa divinité la nôtre.
Que Jésus soit Dieu étonne certains d’entre nous. Oui, il est fils de Dieu, mais pas Dieu ! C’est dire combien on a admis aujourd’hui que Jésus est vraiment homme, comme nous, sans prescience surnaturelle ou vision béatifique. La théologie du Verbe incarné, du Dieu qui se cache dans l’humanité, ne marche plus parce que nous voyons, comme les premiers disciples, l’homme qui marche sur les routes de Palestine, parce que nous sommes attentifs à l’histoire, son histoire.
Il nous revient alors de faire le chemin de foi des premiers disciples. Pour de vrai, cet homme était Dieu ! Et ce que nous confessons de Jésus, nous le disons aussi… de tout homme. C’est cela notre foi, la divinisation, et non quelques arrangements avec la divinité, quelques traditions. « Si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi […] Si c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ; le Christ est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis. » (1 Co 15, 16-20)
La résurrection, c’est Dieu qui, comme au jardin de la création, nous appelle à vivre avec lui, à partager sa jouissance, ses réjouissances. Une alliance non démentie, un dessein divin pour un destin divin.
Un vieux texte syriaque, peut-être du second siècle, fait s’adresser ainsi Jésus à Adam, à l’homme : « Adam, Adam, ne crains pas. Tu as voulu devenir Dieu ; Dieu je te ferai. Pas maintenant sans doute, mais après bien des années. Je te livrerai à la mort et le ver et la mite mangeront ton corps. […] Après trois jours que je passerai au sépulcre, je ressusciterai le corps que j’avais revêtu de toi et je te ferai siéger à la droite de ma divinité ; je te ferai Dieu, comme tu l’avais voulu. »

03/04/2015

Prière universelle



Prions pour l’unique Eglise, tunique déchirée du Seigneur.
Que les différentes confessions chrétiennes témoignent que le Seigneur qu’elles confessent ensemble est plus important que tout ce qui les sépare.
Seigneur, donne aux chrétiens de travailler sans relâche à l’édification d’un monde plus fraternel. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Prions pour l’Eglise catholique, traversée par de nombreuses oppositions.
Prions pour le synode des évêques en octobre prochain.
Seigneur, que tous les évêques avec le Pape, engagent nos communautés pour un évangile de miséricorde.
Que tous, nous découvrions et vivions que le dogme de la foi est ton amour miséricordieux.
Qu’à la suite de ton Christ, nous nous oublions pour ta seule gloire et le salut du monde. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Prions pour les chrétiens persécutés.
Seigneur, donne-leur la force de la fidélité et donne à leurs bourreaux de découvrir en eux ton infinité bonté. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Prions pour ceux qui seront baptisés dans la nuit de Pâques, en particulier Morgiane.
Pour ceux qui redécouvrent la foi.
Seigneur, que la nouveauté de la foi des nouveaux baptisés ranime la ferveur de notre foi.
Que les nouveaux baptisés trouvent leur place dans nos communautés. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Prions pour les Juifs, nos frères aînés dans la foi.
Prions pour les Musulmans confrontés à l’intégrisme et au terrorisme.
Seigneur, beaucoup d’hommes te prient en te donnant un autre nom que celui que Jésus nous a confié.
Que le peuple de la première alliance ne s’enferme pas dans des logiques de peur et d’extrémisme.
Que ceux qui se soumettent à ton saint nom s’engagent pour la paix dans le monde d’aujourd’hui, pluraliste, critique, laïc.
Que tous aillent jusqu’au bout de leur foi et de leur conviction pour construire la paix. Qu’ils soient respectés et accueillis par tous, dans le dépassement des réflexes identitaires et sécuritaires. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Prions pour ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ.
Prions pour tant d’hommes et de femmes, en nos pays, qui ne veulent même pas entendre parler de Dieu, qui refusent toute mention chrétienne dans la société.
Seigneur, ouvre le cœur de tant d’étroitesse et de bêtise. Apprends à chacun le respect de l’autre, différent, et le désir de vivre en paix dans la pluralité. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Prions pour ceux qui gouvernent.
Qu’ils se mettent au service de leurs concitoyens, se détournent de l’enrichissement personnel et des honneurs. Que nous autres citoyens, prenions soin de la démocratie, comme un bien précieux pour la liberté, l’égalité et la fraternité en nos pays.
Seigneur, nous te prions pour que les discours d’exclusion se taisent ; pour que le respect de la personne humaine soit promu, pour que le partage ne soit pas un vain mot, pour que nous ayons le souci du vivre ensemble dans un monde globalisé et des sociétés toujours plus diversifiées. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Prions pour les réfugiés, les déplacés, les immigrés.
Seigneur, alors que plus de 3500 personnes sont mortes cette année dans la Méditerranée, des centaines d’autres essayent d’entrer en Europe à Melilla à Ceuta, à Lampedusa, y meurent, sont blessés, parfois rescapés. Tant d’effroi nous laisse sans voix. Viens au secours de ceux qui souffrent. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.

Prions pour les malades, pour les désespérés, les victimes des violences et des guerres.
Seigneur, que ta présence dans la souffrance et la mort soit pour nous la main que tu tends à tous ceux qui sont dans la peine. Nous savons que tu n’abandonnes jamais personne.
Sois le réconfort de ceux qui accompagnent ceux qui souffrent, ceux qui meurent. Par ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur.