De l’eau, du feu, de l’huile, le souffle de l’air, une
force. Autant de manières bibliques ou liturgiques de parler de l’Esprit.
Difficile de s’y retrouver. D’autant que les fleuves d’eau vive coulent du cœur
de Jésus, ce qui ne se peut.
Bref, pour parler de l’Esprit, il faut d’abord dire
n’importe quoi tout en le sachant, histoire de ne pas croire viser juste. C’est
tout simplement impossible de parler correctement de l’Esprit. Mais alors
pourquoi parler de ce dont on ne peut rien dire ? La réponse la plus
évidente, c’est que Jésus lui-même en parle. Il y a après lui, après sa mort,
Dieu qui nous accompagne. Il y a après son retour auprès du Père, Dieu qui
n’abandonne pas les disciples.
On comprend l’importance de l’Esprit. Mais une fois que l’on
a dit cela, il semble qu’il ne soit possible d’être plus précis, eau, fleuves
d’eau vive, vent de l’Esprit, force, onction. Ne cherchez pas à enfermer
l’Esprit dans une définition, il ne pourra qu’échapper. L’eau ne peut être
retenue dans les mains, pas plus que le vent, le feu ou la flamme. Mieux, pour
tenir l’eau dans les mains, il faut les garder ouvertes. L’Esprit interdit l’appropriation.
L’Esprit ne peut être attrapé, retenu. On le sent, il
réchauffe ou lave, souffle sur la peau ou pénètre comme l’huile. Mais on ne le
retient pas. Rien d’étonnant si Dieu est Esprit.
Nous voudrions bien le tenir, le Seigneur. Mais sa présence
aujourd’hui, c’est l’Esprit, et l’Esprit échappe. Il y a dans l’Esprit une
sorte d’interdit de l’idole. On entend parfois dire que l’on ne parle pas assez
de l’Esprit. J’ai peur que ce genre de remarques soit une manière de regretter
l’idolâtrie sous les apparences d’une spiritualité qui se voudrait plus
précise, forte.
L’Esprit échappe. Le
vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient
ni où il va. La vie chrétienne poursuit, en principe, la lutte contre les
idoles du judaïsme.
C’est qu’en Dieu, chacun renvoie à l’autre et jamais ne s’approprie
quoi que ce soit ni se peut approprier. L’Esprit renvoie à un autre. Comme
Jésus n’a fait qu’annoncer l’amour du Père, l’Esprit ne fait que rappeler ce
que Jésus à vécu. Impossible de tenir l’un et de s’y tenir. Nous sommes engagés
dans le jeu de renvois de l’Esprit à Jésus et de Jésus au Père, que nul n’a
jamais vu, dont le Fils est le seul exégète, pour peu que l’Esprit rappelle
tout ce qu’il a dit.
Plus qu’un briseur d’idoles, l’Esprit empêche les idoles, en
douceur ; il rafraîchit comme l’eau d’une source, réchauffe ou éclaire
comme la flamme, soigne comme un onguent, donne de vivre comme l’air qu’on
respire.
On entend souvent dire que si Dieu est un ami, on ne l’a
pourtant jamais vu, à la différence des amis. « Montre-nous le Père et
cela nous suffit » disait déjà Philippe. Ce n’est pas nouveau ! Mais
Dieu ne se montre pas. Et précisément, l’Esprit nous maintient disciples à
retirer tout ce que nous pourrions mettre à sa place. Bien sûr le pouvoir,
l’argent, le sexe, qui de toujours ont fat courir l’humanité. Même si on ne les
dit pas idoles, ils font courir et se font sacrifier bien des choses. Pour les
enfants, les idoles se sont les stars. Allez visiter le Camp Nou et vous verrez
en vitrines les chaussures des footballeurs. On croit rêver. Si ça, ce n’est
pas de l’idole…
La religion aussi fournit des idoles. Elle les a d’ailleurs
toujours fournies. Et pour les catholiques, elles sont nombreuses, présence
réelle, sainte vierge, apparitions, miracles, dogme, reliques. Tout ce qui nous
donnerait de tenir quelque chose. Enfin être sûrs. Nous n’avons jamais fini de
faire le deuil de l’indisponibilité de Dieu.
La chasse à l’idole n’a pas pour but seulement de nous
détromper. Elle veut nous tourner où Dieu se donne à voir. Où ça,
demanderons-nous impatients. Là où meurt un homme. Là où un homme est sur le
point de mourir, là où il faut prendre soin de la vie, là où l’on peut servir
la vie. C’est là qu’est Jésus, visage du Père, que l’Esprit ne cesse de nous
rappeler.
L’épitre aux Hébreux nous prévient. A recevoir des inconnus,
certains ont reçu Dieu lui-même. Faut faire de la place. Cela vaut le coup de
chasser l’idole. Alors même qu’il nous demeure insaisissable, nous savons
comment recevoir Dieu lui-même. Que nous ouvrions les fenêtres de notre foi
comme Jean XXIII ouvrit celles du Vatican lorsqu’il voulut expliquer ce que
serait le Concile, un appel d’air, un vent de l’Esprit à laisser entrer dans
nos vies.
Natalia. Me gustaría añadir las palabras de Bonhoeffer: "Sus caminos vi. Yo le sanaré y le guiaré, y le consolaré a él y a los que con él lloraban" (Is 57,18).
RépondreSupprimerDios quiere guiarnos. No todos los caminos de los hombres tienen a Dios como guía. Nuestros caminos nos suelen reconducir sobre nuestros mismos errores. Por el contrario, cuando es Dios quien nos guía, esos camino nos llevan a él.
¿Cómo sana, como guía, como consuela Dios? Sólo haciendo resonar dentro de nosotros una voz que dice: ora, invoca, grita: “Padre amado.” Esta voz es el Espíritu santo. Es Pentecostés.
Dietrich Bonhoeffer, Apuntes para la meditación, cárcel de Tegel, 1944. (Sabe que su muerte es muy próxima. Le matarán pocos meses más tarde.)