Comment parler de Dieu ? On ne peut le faire qu’en
parlant à Dieu. Dieu n’est pas un objet dont on pourrait parler à la troisième
personne. Pour parler de Dieu, nous ne pouvons que lui parler. C’est ce que
signifie l’alliance. Pour parler de Dieu, nous ne pouvons que nous situer dans
l’alliance. Alors, même si nous parlons de lui à la troisième personne, c’est
devant lui et avec lui que nous parlons, comme si nous lui parlions. Parler de
Dieu avec pertinence, c’est parler en sa présence. Une parole sur Dieu qui ne
soit pas une prière rate son but.
Et cela n’a rien d’exceptionnel ou d’extraordinaire. Parler
de ceux qu’on aime c’est toujours en parler comme s’il étaient présents. Impossible
de parler de ceux que nous aimons comme si nous ne les connaissions pas, indépendamment
du lien qui nous lie à eux, de lien d’amitié ou de famille. On pourra dire que
l’on n’est pas objectif. Pas sûr que les renseignements d’une carte d’identité
soient plus objectifs ou pour le moins pertinents. Pour parler correctement des
gens, on ne peut que se situer dans la relation que l’on a avec eux.
Dans les Ecritures, l’alliance se dit de plusieurs manières,
un Dieu père dont nous sommes les enfants, un Dieu suzerain dont nous serions
les vassaux, un Dieu époux dont nous sommes l’épouse, « ton créateur est
ton époux », un Dieu ami, comme le dit l’évangile de ce jour (Jn 15, 9-17).
Révolution dans la relation avec Dieu. L’homme n’est pas
fait pour servir Dieu, lui plaire ou le craindre. C’est Dieu qui se fait
serviteur, c’est lui qui vient pour
servir et non pour être servi. L’amitié, avec sa réciprocité intrinsèque,
dit les relations qui nous lient à Jésus.
Il faudrait mesurer les conséquences d’une telle affirmation,
de la déclaration de Jésus, je t’appelle mon ami, je vous appelle amis. Dire à quelqu’un qu’on est son ami fait
entrer dans l’amitié, dans l’alliance. Le propos ne peut être qu’informatif, il
suscite et entretient la relation.
La relation avec Dieu en Jésus n’est pas de soumission, de
dévouement ni de dévotion. Elle relève de la gratuité de l’amitié. On n’est pas
ami de Jésus pour obtenir la vie éternelle, pour être trouvé juste ou que
sais-je ? On est ami de Jésus comme de tout ami, pour la vie que nous en
recevons, pour la vie qui s’échange.
Bien sûr, on pourra se demander comment être l’ami d’un mort
que l’on n’a jamais connu. Mais voilà, cet homme mort est vivant. Cet homme
mort, le crucifié comme l’appellent les évangiles après même sa résurrection, nous
n’avons pour en parler d’autres mots que ceux de l’alliance, et spécialement,
ceux de l’amitié. Ce sont les mots de Jésus.
Nous ne savons évidemment pas ce qu’est l’amitié ou l’amour
de Dieu. Nous constatons que ce que nous vivons avec lui se dit bien avec les
mots de l’amitié et de l’amour et que Jésus lui-même a ainsi parlé de son propre
rapport avec le Père. « Il faut que le monde sache que j’aime le Père »
(Jn 14, 31).
Nous ne savons évidemment pas ce qu’est l’amitié ou l’amour de
Dieu, mais nous croyons que la convenance du vocabulaire de l’amour et de l’amitié
n’est pas illusion. Voilà notre foi, ténue. Aussi curieux que cela puisse
paraître, nous sommes amis d’un mort, je le redis, les évangiles de la
résurrection l’appellent le crucifié, mais que nous soyons ses amis attestent à
la fois qu’il est vivant, ressuscité comme on dit, et que nous sommes amis. C’est
parce que les deux sont attestés ensemble, dans le même mouvement, qu’il est
impossible de parler de Dieu sans lui parler.
Notre foi n’est pas faite de certitudes mais de confiance.
Nous mettons notre foi en celui qui nous appelle amis. Nous ne pouvons alors qu’annoncer
que Dieu est philanthrope, ami des hommes, qu’il ne demande rien, mais offre
son amitié, qu’il ne demande rien, si ce n’est que nous acceptions son amitié.
Nous ne pourrions porter foi à pareille annonce sans d’abord
porter foi à celui qui nous déclare ses amis, ni sans l’immense chaîne de foi
de tous ceux qui confessent se reconnaître en cette amitié. Il ne serait pas
possible de croire ce mort, celui que les évangiles appellent le crucifié dans
les récits de la résurrection même, vivant, si son corps aujourd’hui n’attestait
par toute sa vie, de sa vie. Voilà pourquoi l’amour entre nous est si
important. Non seulement pour la paix entre nous, la vie, mais pour manifester
sa résurrection, pour professer notre foi.
« Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les
autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner
sa vie pour ceux qu’on aime. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous
commande. »
Tout simplement : magnifique billet
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